Voir notes :
- Lefebvre, RTDI 2014, n° 3, p. 39.
- François-Xavier AJACCIO, Dictionnaire permanent « assurances», bulletin juillet 2014, p. 4.
- PAGES DE VARENNE, Revue « CONSTRUCTION URBANISME », 2014, n° 7, p. 23.
- JP Karila, RGDA 2014, p. 395.
- Cerveau-Colliard, Gaz. Pal. 2014, n° 222, p.28.
- Ajaccio et Caston, Gaz. Pal. 2014, n° 348, p. 13.
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 21 mai 2014
N° de pourvoi: 13-18.152
Publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
Me Foussard, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mars 2013), que la société civile coopérative de construction Les Mandollets (la société Les Mandollets) a fait construire un ensemble de pavillons ; qu'elle a chargé de l'exécution des travaux de gros ¿ uvre la société ECEB, assurée auprès de la société Axa France IARD et placée aujourd'hui en liquidation judiciaire ; qu'elle avait souscrit une police dommages-ouvrage auprès de la société L'Equité ; que la réception a été prononcée le 25 septembre 1986 ; que la société Les Mandollets a conclu le 16 septembre 1986 un contrat de location-attribution d'un pavillon avec M. et Mme X...; que, par acte du 26 mars 2001, ceux-ci sont devenus propriétaires de ce pavillon après avoir remboursé le prêt ; qu'après avoir déclaré deux sinistres en 1989 et 1993 et refusé les indemnités proposées par l'assureur dommages-ouvrage, M. et Mme X...ont obtenu en référé le 30 juin 1998 la désignation d'un expert judiciaire ; que, le 19 octobre 1998, la société Les Mandollets a assigné la société L'Equité qui a appelé en garantie les époux X..., le liquidateur de la société ECEB et la société Axa France IARD devant le tribunal de grande instance de Pontoise qui, par jugement du 26 mai 2004, a déclaré prescrites les demandes de la société Les Mandollets à l'égard de la société Axa France IARD, a dit que la société Les Mandollets était déchue du droit à la garantie dommages-ouvrage de la société L'Equité par application de l'article L. 121-12 du code des assurances et a déclaré irrecevables pour défaut de qualité de propriétaire au moment du sinistre, les demandes des époux X...tendant à la condamnation in solidum de la société L'Equité et de la société Axa France IARD à les indemniser de leurs préjudices ; que le 9 mars 2009, les époux X...ont assigné la société Les Mandollets en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Les Mandollets fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme X...la somme de 50 000 euros avec intérêts au taux légal à titre d'indemnité correspondant à la perte de chance alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs se prescrit par dix ans à compter de la réception ; que la société civile coopérative de construction qui cède au locataire-attributaire le bien qu'elle a fait construire est un constructeur ; qu'en écartant la prescription décennale invoquée par société Les Mandollets au prétexte que les époux X...ne demandaient pas à leur vendeur l'indemnisation des dommages affectant le pavillon mais recherchaient sa responsabilité dans l'exécution du contrat de location-attribution, la cour d'appel a violé l'ancien article 2270 du code civil, applicable en l'espèce ;
2°/ que pendant l'exécution du contrat de location-attribution, la société civile coopérative de construction est l'unique propriétaire du bien et elle seule a vocation à percevoir une indemnité en cas de désordres ; qu'elle n'a aucune obligation d'exercer valablement son droit exclusif à une telle indemnisation en l'absence de stipulation expresse en ce sens du contrat de location-attribution ; qu'en jugeant que la société Les Mandollets avait commis une faute contractuelle envers les époux X...pour avoir été déchue de son droit à indemnisation auprès de l'assureur dommages-ouvrage, sans constater qu'une clause du contrat l'eût obligée à exercer valablement ce droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
3°/ que l'autorité de chose jugée n'a pas lieu si dans les deux instances successives la chose demandée n'est pas la même ; que l'arrêt attaqué a imputé à faute à la société Les Mandollets la perte de son droit à indemnisation par la société L'Equité au prétexte qu'elle avait été définitivement déclarée déchue de ce droit par le jugement du 26 mai 2004 ; qu'en statuant ainsi, quand il résulte de ses constatations que l'instance ayant donné lieu au jugement du 26 mai 2004, qui tendait à la réparation de désordres relevant de la garantie décennale, n'avait pas le même objet que celle qui lui était soumise et qui tendait à la mise en jeu de la responsabilité de la société Les Mandolets dans l'exécution du contrat de location-attribution, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
4°/ que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage ne postule pas que l'assuré agisse aux fins d'indemnisation contre le constructeur ou l'assureur de ce dernier ; qu'en toute hypothèse, en retenant que la société Les Mandolets avait fautivement perdu son droit à indemnisation par la société L'Equité, assureur dommages-ouvrage, en application de l'article L. 121-12 du code des assurances et pour n'avoir pas agi dans le délai décennal contre le constructeur, la société ECEB, ni contre l'assureur de ce dernier, la société Axa France IARD, la cour d'appel a violé les articles A. 243-1, II, 5° et L. 121-12 du code des assurances et 1147 du code civil ;
5°/ que, avant l'acquisition du bien, le locataire-attributaire peut, par la voie de l'action oblique, exercer les droits de la société civile coopérative de construction contre les constructeurs responsables de désordres et leurs assureurs ; qu'en jugeant que seule la société Les Mandollets en sa qualité de propriétaire du pavillon, et non les époux X..., pouvait interrompre la prescription avant le 25 septembre 1996 contre les sociétés ECEB et Axa France IARD, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;
6°/ que l'acquisition du bien, le locataire-attributaire peut, sur le terrain délictuel et quasi délictuel, agir aux fins d'indemnisation de son préjudice contre les constructeurs responsables de désordres et leurs assureurs ; qu'en jugeant que seule la société Les Mandollets en sa qualité de propriétaire du pavillon, et non les époux X..., pouvait interrompre la prescription avant le 25 septembre 1996 contre les sociétés ECEB et Axa France IARD, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;
7°/ que, en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les époux X...ne s'étaient pas abstenus de frapper d'appel le jugement du 26 mai 2004 déclarant irrecevables leurs demandes indemnitaires contre l'assureur dommages-ouvrage et l'assureur du constructeur, auquel cas ils étaient responsables du préjudice qu'ils alléguaient, à savoir la non-garantie des désordres par ces assureurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
8°/ qu'aux termes de l'acte d'attribution du 26 mars 2001 les époux X...se soumettaient à la condition " de prendre le bien immobilier attribué dans son état actuel, sans recours contre la société Les Mandollets pour quelque cause que ce soit, notamment pour des vices pouvant affecter le sol, le sous-sol ou la construction, ou pour une erreur de contenance d'une certaine importance " ; qu'entrait dans le champ de cette clause toute action des attributaires liée à l'état du pavillon, comme l'action des époux X...en réparation de leur prétendu préjudice consécutif à la non-prise en charge par les assureurs des désordres relevant de la garantie décennale ; qu'en décidant le contraire, au prétexte que ladite clause devait être interprétée restrictivement, la cour d'appel l'a dénaturée, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la société Les Mandollets n'ayant pas soutenu dans ses conclusions d'appel que le tribunal avait fait une fausse application de l'article 1351 du code civil ni que les locataires-attributaires pouvaient agir sur un fondement délictuel ou quasi délictuel, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que les époux X...ne demandaient pas à leur vendeur l'indemnisation des dommages affectant le pavillon, mais recherchaient sa responsabilité pour la faute qu'il avait commise dans l'exécution du contrat de location-vente-attribution et que cette faute avait été mise en évidence par le jugement du 26 mai 2004, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la prescription n'était pas acquise ;
Attendu, enfin, qu'ayant retenu que la société Les Mandollets s'était fautivement privée du droit à réparation dont elle était seule titulaire en qualité de propriétaire du bien à la date des désordres et n'avait pas permis aux époux X...auxquels elle l'avait cédé de faire prendre en charge par les assureurs les dommages dont ce bien demeurait affecté et relevé que l'expertise ordonnée à la demande des époux X...l'avait été à la suite d'une assignation délivrée après l'expiration du délai d'épreuve, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, sans dénaturation, que la demande indemnitaire formée par les époux X..., qui n'étaient pas tenus d'exercer une action oblique, devait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Mandollets aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Mandollets à payer à M. et Mme X...la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Les Mandollets ;
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