mardi 13 mai 2014

Non au « bashing » du système juridique français !

Non au « bashing » du système juridique français !

Points de vue de Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet

Les Echos - 13/05/2014

Deux éminents confrères ont soutenu que le droit français ne serait plus un véhicule de développement attractif au bénéfice des entreprises. Or, en tant que représentants élus des avocats parisiens, du système juridique français et des libertés publiques, nous avons cru mal lire !

Non, le droit français appelé « droit continental » d'inspiration « romano-germanique » n'empêche pas les entreprises de se développer. La preuve en est rapportée a contrario par l'Allemagne. Et si blocage il y a en France, il ne réside pas dans les fondamentaux du droit mais ailleurs…

Notre système juridique demeure un vecteur de croissance : en Afrique, où il règne presque sans partage ; en Chine, où le droit de propriété issu du Code civil accompagne la transformation du communisme vers le capitalisme ; en Amérique du Sud, par tradition historique et par réaction à l'Amérique du Nord ; mais aussi dans les pays du Golfe et du monde arabe, où le Code Napoléon a largement inspiré le droit local. Cette influence devient, dans les pays émergents, le dénominateur commun des démocraties du futur et de l'expansion économique.

La misère, les guerres et le totalitarisme trouvent donc une mesure de reconstruction par le droit continental. Or les juristes français sont les mieux formés pour l'exporter à partir de Paris, qui demeure l'une des principales places du droit dans le monde. Notre barreau est prêt à exporter ses talents. En particulier les jeunes avocats, qui parlent plusieurs langues étrangères, ont reçu des doubles formations d'excellence, ont fait des stages partout dans le monde - c'est désormais un objectif prioritaire de notre Ecole des barreaux (EFB). Les jeunes avocats parisiens sont de culture romano-germanique, tout en maîtrisant la « common law ». Ils sont les nouveaux ambassadeurs de la France. Le Quai d'Orsay ne s'y est pas trompé en soutenant notre programme international pour l'EFB.

Osons dire que le système romano-germanique est meilleur que la « common law » car moins casuistique. Le droit des contrats ne revêt pas dans la culture anglo-américaine la même force obligatoire. Chez nous, il privilégie l'exécution forcée en nature ; chez eux, la compensation par les dommages-intérêts. Chez nous, il recherche de façon subtile la bonne foi des parties, s'adaptant aux situations de fait et rendant plus humaine la justice. Chez nous, la procédure judiciaire est plus rapide et moins chère, donc plus accessible.

Dans les procédures pénales internationales, initialement calquées sur le droit anglo-saxon, l'influence du droit continental reprend le dessus. Les familles de victimes étaient simples témoins à Nuremberg (« common law ») : soixante-dix ans plus tard, au procès des Khmers rouges, elles peuvent se constituer partie civile (droit français). Le règlement de preuve de la Cour pénale internationale relève du droit onusien : celui du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) opère un recentrage en droit continental. Le Pr Antonio Cassese l'explique dans l'article 3 : « Il s'agit là incontestablement d'une évolution positive car les spécificités et la vocation même de la justice pénale internationale appellent une approche plus inquisitoire (ou moins accusatoire) […] Dans ces procès, la procédure ne se limite pas à une simple compétition entre les deux parties. Elle a pour objectif premier la quête de la vérité et de la justice. »

En vérité, une réforme d'ajustement du droit français s'avère nécessaire pour tendre vers une meilleure égalité des armes inspirée de la « common law » et une application des évolutions jurisprudentielles. Dans cette perspective, inspirons-nous des Allemands qui ont réformé leur procédure pénale en 1975 et leur droit des contrats en 2002. Mais arrêtons de dévaluer notre système juridique. Exhortons le gouvernement à mettre en place la grande réforme de la justice. Cette réforme est prête pour le pénal depuis le rapport Delmas-Marty (1991) et pour le civil depuis le rapport Catala (2005). Le barreau de Paris en sera le premier partenaire en France et le premier ambassadeur dans le monde !

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