vendredi 9 mai 2014

Principe de l'indemnisation intégrale du préjudice

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 14 janvier 2014
N° de pourvoi: 12-13.259 12-18.933
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Espel (président), président
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)


--------------------------------------------------------------------------------


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° K 12-13.259 et C 12-18.933, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à la société La Nouvelle sirolaise de construction de son désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Plastek, Deriplast et Prouess études ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi n° K 12-13.259, relevée d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 613 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable ;

Attendu que la société La Nouvelle sirolaise de construction s'est pourvue en cassation le 1er février 2012 contre un arrêt rendu par défaut, susceptible d'opposition signifié le 7 février 2012 à la partie défaillante ; que le délai d'opposition n'avait pas commencé à courir à la date de ce pourvoi ;

D'où il suit que le pourvoi est irrecevable ;


Sur le pourvoi n° C 12-18.933 :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Comasud que sur les pourvois incidents relevés par la société La Nouvelle sirolaise de construction et les sociétés Plastek et Deriplast ;

Met hors de cause, sur sa demande, la société La Nouvelle sirolaise de construction sur le deuxième moyen du pourvoi principal, et sur le premier moyen du pourvoi incident éventuel relevé par les sociétés Plastek et Deriplast ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour l'exécution d'un marché de travaux portant sur la construction d'une conduite d'assainissement assurant la collecte et l'évacuation des effluents de plusieurs communes vers une station d'épuration, la société La Nouvelle sirolaise de construction (société Sirolaise) a commandé la réalisation en usine des pièces de raccordement et leur assemblage sur chantier, prestation appelée « polyfusion », à la société Comasud laquelle s'est fournie auprès des sociétés Plastek et Deriplast et a confié l'opération de polyfusion à la société Prouess études (société Prouess) ; qu'en raison de la défaillance de cette dernière, l'assemblage sur chantier a été effectué par la société Sirolaise ; que des fuites s'étant produites lors de la mise en service de l'installation, la conduite a été neutralisée ; qu'après expertise judiciaire, la société Sirolaise a assigné en responsabilité et indemnisation de ses préjudices la société Comasud qui a appelé en garantie les sociétés Prouess, Plastek et Deriplast ; que ces deux dernières ont soulevé la nullité de l'assignation ; que par jugement du 21 avril 2010, le tribunal a estimé que le contrat liant la société Sirolaise et la société Comasud était un contrat de vente, et déclaré la demande principale irrecevable pour être prescrite ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Comasud fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Sirolaise la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le seul fait, pour un vendeur, d'effectuer un travail d'adaptation sur le produit de série commandé pour le rendre conforme aux exigences de son client ne suffit pas à caractériser un contrat d'entreprise ; que la qualification de contrat d'entreprise ne peut être retenue qu'en cas de commande, par le client, d'un produit ou matériel spécifique en vertu d'indications particulières et qui exclut toute possibilité de produire en série ; qu'en l'espèce, la société Comasud faisait valoir que le contrat la liant à la société Sirolaise était un contrat de vente, ainsi que l'avaient retenu les premiers juges et non un contrat d'entreprise ; que la cour d'appel a constaté que la société Sirolaise avait passé à la société Comasud, exerçant sous l'enseigne « Point P », une commande pour des matériels de série, lesquels n'avaient ensuite nécessité qu'une adaptation aux besoins de l'acquéreur ; qu'en décidant néanmoins que le contrat litigieux devait être qualifié de contrat d'entreprise aux motifs erronés que « le contrat de vente impose que les caractéristiques du produit soient déterminées à l'avance sans inclure un travail spécifique » et que le « contrat a pour objet la vente de matériels qui devaient subir une préparation spécifique destinée à satisfaire les besoins particuliers de la société Sirolaise quant à la réalisation de la canalisation et du siphon », tandis qu'il s'évinçait de ses constatations que les matériels en cause étaient des produits de série simplement adaptés aux besoins de cette société, la cour d'appel a violé les articles 1582 et 1787 du code civil ;

2°/ que lorsqu'un vendeur est chargé, outre la prestation de vente, d'une prestation de montage ou d'assemblage du matériel vendu, il y a lieu à application distributive des régimes du contrat de vente et du contrat d'entreprise, selon que la difficulté d'exécution relève de l'une ou l'autre de ces prestations, car elles sont distinctes l'une de l'autre ; que la société Comasud faisait valoir qu'elle avait la qualité de fournisseur de la société Sirolaise, tout en rappelant qu'elle avait été pressentie pour effectuer la pose des matériaux commandés, par l'intermédiaire d'un sous-traitant, la société Prouess, qui s'était révélé défaillant ; qu'elle rappelait que, selon l'expert lui-même, il convenait de distinguer la prestation de fabrication des matériaux commandés par la société Sirolaise, et la prestation d'installation de ces matériaux ; qu'elle faisait également valoir que la prestation de pose avait, en définitive, été accomplie par cette société, ce dont il s'évinçait d'autant plus que cette prestation était distincte de la prestation de fourniture de matériaux ; qu'en retenant la qualification unique de contrat d'entreprise s'agissant des prestations confiées à la société Comasud, au motif que « pour réaliser la polyfusion, la société Comasud a mandaté la société Prouess, qu'elle considère dans différentes correspondances comme son sous-traitant », sans rechercher si la prestation de polyfusion était distincte de celle de fourniture des matériels litigieux et si, en conséquence, cette prestation était indifférente à la qualification du contrat s'agissant de cette fourniture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1582 et 1787 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Sirolaise, antérieurement à la lettre de commande, a adressé une télécopie le 16 mars 2004 à la société Comasud en joignant le croquis de deux pièces de raccordement de part et d'autre du siphon, ces deux pièces étant, selon les prescriptions contenues dans cette correspondance, identiques et inversées à l'exception des angles et distances entre les deux axes longitudinaux, et demandé la réalisation en usine, après fourniture par ses soins d'un relevé isométrique des positions des axes des conduites à réaliser, des deux pièces de raccordement constituées d'une manchette, 1 de 710 égal avec collet bride soudé sur la tubulure et deux coudes 1/8 de 710, une longueur de 2,50 m devant être conservée en usine pour la réalisation des manchettes, ainsi que la préparation en usine de 2 BV de 710 constituée d'une manchette et d'un collier bride, ainsi que le transport sur le chantier de ces quatre pièces, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que ces matériels devaient subir une préparation spécifique destinée à satisfaire les besoins particuliers de la société Sirolaise quant à la réalisation de la canalisation et du siphon, ce dont il ressortait qu'ils avaient été conçus pour la seule exécution de ce chantier, a pu retenir, sans être tenue d'effectuer la recherche mentionnée à la seconde branche qui ne lui était pas demandée, que le contrat liant les parties s'analysait en un contrat d'entreprise, justifiant ainsi légalement sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le grief du troisième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1648 du code civil ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les appels en garantie de la société Comasud dirigés contre les sociétés Plastek et Deriplast, l'arrêt énonce que ces sociétés se prévalent à juste titre de la prescription de deux ans en ce que le rapport d'expertise objectivant les vices a été déposé le 31 janvier 2007 et que l'assignation qui leur a été délivrée par la société Comasud est en date du 19 février 2009 tandis qu'elle aurait dû leur être signifiée le 31 janvier 2009 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le délai de l'action récursoire en garantie exercée par le vendeur ou l'entrepreneur contre son fournisseur ne court pas de la connaissance du vice par l'acquéreur mais de la date de l'assignation principale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident relevé par la société Sirolaise, pris en ses deux branches :

Vu le principe de l'indemnisation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 et 1149 du code civil ;

Attendu que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ;

Attendu que pour condamner la société Comasud à payer à la société Sirolaise la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il est démontré que la carence de son cocontractant a imposé à la société Sirolaise de supporter des coûts supplémentaires qui constituent son préjudice, que selon les documents produits par cette société, le coût généré par cette carence est caractérisé par le maintien en sécurité du chantier en l'attente de l'intervention du sous-traitant de la société Comasud, par les frais d'assistance à ce sous-traitant lors de son intervention infructueuse, par le coût de l'envoi des matériels en usine et par le coût de leur assemblage ainsi que par les frais générés par le remblaiement des fouilles après l'intervention infructueuse de la société Prouess et la réouverture de ces fouilles en vue de permettre le raccordement en novembre 2004, retient qu'en l'état de ces éléments et en considération de l'attitude de la société Comasud dans l'exécution du contrat et de sa reconnaissance de responsabilité, il convient d'allouer à la société Sirolaise une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'un côté, la reconnaissance par l'auteur de sa faute ne constitue pas une cause d'exonération, même partielle, de responsabilité, et que, de l'autre, le dommage subi doit être réparé intégralement sans que puisse être prise en compte l'attitude de l'auteur du dommage dans l'exécution du contrat pour fixer le quantum des dommages-intérêts, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés ;

Et sur le premier moyen du pourvoi incident éventuel relevé par les sociétés Plastek et Deriplast :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;

Attendu que pour rejeter la demande des sociétés Plastek et Deriplast en nullité des assignations qui leur ont été délivrées, l'arrêt énonce que ces sociétés se prévalent à juste titre de la prescription de deux ans et retient que l'action en garantie est irrecevable, ce dont il résulte que la nullité de l'assignation soulevée a été implicitement rejetée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux écritures des appelées en garanties qui soulevaient à titre principal la nullité des assignations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° K-12-13.259 ;

Et sur le pourvoi n° C 12-18.933 :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a qualifié le contrat liant la société La Nouvelle sirolaise de construction à la société Comasud de contrat d'entreprise, et en ce qu'il a débouté la société Comasud de sa demande de garantie dirigée contre la société Prouess, l'arrêt rendu le 17 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Comasud aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société La Nouvelle sirolaise de construction et la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Plastek et Deriplast ; rejette les autres demandes ;


Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.