lundi 30 décembre 2019

L'assureur n'avait pas satisfait aux exigences d'informations légales

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 12 décembre 2019
N° de pourvoi: 18-25.424
Non publié au bulletin Rejet

M. Pireyre (président), président
SCP Célice, Texidor et Périer, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 septembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ, 18 mai 2017, pourvoi n° 16-18.802), que le 18 juillet 2007, Mme P... a adhéré au contrat collectif d'assurance sur la vie dénommé « Imaging », souscrit auprès de la société Inora Life LTD (l'assureur), en ayant versé la somme de 20 000 euros, investie sur un support libellé en unités de compte ; qu'invoquant le non-respect par l'assureur de son obligation d'information précontractuelle, elle a déclaré renoncer au contrat le 23 juillet 2012 ; que l'assureur ayant refusé de donner suite à sa demande, Mme P... l'a assigné en restitution des primes versées ;

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la cinquième branche du moyen unique, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et, sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et sixième branches :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme P... la somme de 20 000 euros avec intérêts de retard au taux légal majoré et capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, alors, selon le moyen :

1°/ qu' il appartient aux juges du fond, saisis d'un moyen fondé sur l'exercice abusif de la faculté de renonciation prévue par les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, de rechercher, au regard de la situation concrète du souscripteur et des informations dont il disposait réellement au moment de renoncer, si celui-ci n'a pas exercé cette faculté dans le seul dessein d'échapper à ses pertes et non dans le but de faire sanctionner un défaut d'information dirimant dont il aurait été victime ; que pour démontrer que Mme P... ne pouvait se plaindre du moindre défaut d'information relativement aux risques auxquels elle était exposée et que l'exercice, par celle-ci, de sa faculté de renonciation n'était qu'un prétexte pour échapper à ses pertes, l'assureur rappelait que les documents d'information précontractuelle remis à Mme P... contenaient l'ensemble des mentions prévues par le code des assurances relativement aux risques encourus et que l'existence et la nature de ces risques étaient par ailleurs rappelées à de multiples reprises dans les différents documents qui lui avaient été remis avant et lors de la signature de son contrat ; qu'en affirmant, pour exclure tout d'abus dans l'exercice par Mme P... de sa faculté de renonciation, « qu'il n'a pas été démontré que [l'assurée] avait parfaitement conscience des risques de celui-ci », sans même analyser les informations communiquées à la souscriptrice dans la documentation précontractuelle qui lui avait été remise ni expliquer en quoi l'information de Mme P... sur ce point aurait été insuffisante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les seuls manquements relevés par la cour d'appel consistent dans le fait, pour l'assureur, d'avoir, en méconnaissance de l'article L. 132-5-2 du code des assurances, utilisé une même police pour présenter dans l'encadré la nature du contrat et les autres informations devant y figurer et d'avoir réuni en une liasse unique la note d'information et les conditions générales; qu'à aucun moment, la cour d'appel n'a constaté que Mme P... n'avait pas disposé d'une information essentielle sur les caractéristiques de son investissement ; qu'en excluant dès lors tout abus dans l'exercice, par Mme P..., de sa faculté de renonciation, au motif « qu'il a été constaté que celle-ci ne disposait pas d'une information essentielle sur les caractéristiques de son investissement » sans préciser à quelle « information essentielle » elle se référait, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances ;

3°/ qu'en retenant, pour écarter l'abus allégué, « qu'il a été constaté que celle-ci ne disposait pas d'une information essentielle sur les caractéristiques de son investissement » et « qu'il n'a pas été démontré que [l'assurée] avait parfaitement conscience des risques de celui-ci », la cour d'appel de Versailles s'est bornée à reproduire une motivation type, apposée dans les différents arrêts rendus dans des litiges opposant l'assureur à d'autres souscripteurs, alors que cette motivation ne correspondait ni à ses propres constatations ni à celle des premiers juges ; qu'en procédant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que le tribunal de commerce de Nanterre avait, dans son jugement du 24 janvier 2014, reproché à l'assureur d'avoir remis à Mme P... une liasse unique mêlant conditions générales, encadré, et note d'information ; que pour retenir que contrairement à ce soutenait l'assureur, ce formalisme avait été préjudiciable à Mme P..., le tribunal de commerce avait ajouté que si Mme P... avait, par une mention manuscrite, apposée dans son bulletin de souscription, reconnu avoir reçu les conditions générales, la notice d'information et ses annexes, cette mention ne démontrait pas que Mme P... avait pris connaissance, avant de se déterminer, de chacun des documents qu'elle déclarait avoir reçus ; qu'à supposer ces motifs adoptés, la cour d'appel a en toute hypothèse privée sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, faute d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si, en sus de la mention manuscrite ainsi évoquée, Mme P... n'avait pas également déclaré « avoir pris connaissance des conditions générales et de la notice d'information du contrat Imaging », c'est-à-dire des documents individuellement désignés, et si, dans ces conditions, l'irrégularité formelle alléguée n'avait pas été sans incidence sur l'information de l'assurée ;

5°/ que c'est à la lumière d'un faisceau d'indices qu'il appartient au juge de déterminer si l'assuré a cherché à instrumentaliser la faculté de renonciation prévue par la loi afin d'échapper à un investissement jugé décevant ; qu'analysant partiellement des éléments invoqués par l'assureur, la cour d'appel a successivement retenu que le caractère abusif de l'exercice de la faculté de renonciation ne pouvait se déduire en soi du temps écoulé depuis la souscription du contrat, que la circonstance que le souscripteur ait renoncé à son contrat dans un contexte de forte perte, « pris isolément », ne pouvait établir l'abus, que les mentions par lesquelles Mme P... avait déclaré être suffisamment informée du fonctionnement du support et de la nature des risques et moins-values qu'il pouvait engendrer ne permettaient pas d'établir que Mme P... exerçait sa faculté de renonciation à des fins étrangères à sa finalité, et que les relevés de situation destinés à informer Mme P... du montant de l'épargne disponible, s'ils extériorisaient une baisse des avoirs investis, ne pouvaient suffire à caractériser la mauvaise foi de celle-ci dans l'exercice différé de sa faculté de renonciation ; qu'en statuant ainsi quand il fallait considérer le faisceau d'indices que ces éléments composaient en sus des éléments par ailleurs invoqués par l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par une décision motivée, que l'assureur n'avait pas satisfait aux exigences d'informations légales et que Mme P..., responsable administrative travaillant dans le domaine de la comptabilité, qui n'avait jamais souscrit auparavant un tel contrat et qui, après son adhésion, n'avait effectué aucune opération, ne disposait d'aucune compétence en matière d'assurance sur la vie et d'unités de compte, sans que les réponses données aux questions figurant à la rubrique du bilan de situation patrimoniale intitulée « connaissance du support » permettent d'établir qu'elle ait parfaitement compris les caractéristiques financières du contrat, la cour d'appel a retenu que, dans ce contexte, il n'était pas démontré qu'elle ait eu parfaitement conscience des risques et avantages de son investissement tandis que la réception des relevés de situation, destinés à l'informer, d'une part du montant de l'épargne disponible, d'autre part du montant du capital décès garanti et, enfin, de la performance annuelle brute de l'unité de compte, ne pouvaient suffire à caractériser sa mauvaise foi dans l'exercice différé de sa faculté de renonciation, sauf à présupposer que seule la perte de valeur avait motivé sa demande ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, sans encourir les griefs du moyen, qu'il n'était pas établi que Mme P... avait fait un usage abusif de cette faculté ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Inora Life LTD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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