Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 24 octobre 2019
N° de pourvoi: 18-20.818
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Pireyre (président), président
Me Le Prado, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 24 mai 2005, le diagnostic de cancer du lobe pulmonaire inférieur gauche a été posé chez W... D... ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Charente Maritime, a pris en charge cette pathologie au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles par décision du 31 juillet 2006 ; qu'une rente lui a alors été versée à ce titre, à compter du 1er décembre 2008, sur la base d'un taux d'incapacité de 100% ; que W... D... a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de sa pathologie ; que, le 27 mars 2007, W... D... a accepté l'offre du FIVA portant sur les préjudices moral, physique, esthétique et d'agrément ; que le 13 juillet 2010, le FIVA lui a adressé une décision de rejet s'agissant du préjudice lié à son incapacité fonctionnelle, préjudice déjà entièrement pris en charge par l'organisme social, laquelle n'a pas été contestée ; que W... D... est décédé le [...] ; que ses ayants droit ont saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation des préjudices subis par leur auteur du fait de l'aggravation de son état de santé ainsi que de leurs propres préjudices résultant de son décès ; que le [...] , le FIVA leur a notifié une offre d'indemnisation ; que le 30 septembre 2016, Mme L... C... veuve D..., MM. M... et O... D..., Mme Q... D... épouse U..., agissant à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure V... U..., ainsi que M. K... U..., agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure V... U... (les consorts D...), ont saisi une cour d'appel pour contester cette offre ;
Sur le premier moyen pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 53, IV, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que, pour limiter l'indemnisation des consorts D... au titre de l'action successorale à la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice esthétique, l'arrêt énonce que c'est de façon justifiée que le FIVA oppose le fait que l'indemnisation acceptée en 2007 avait été accordée sur la base d'un taux d'incapacité de 100% définitif, incluant l'intégralité des souffrances endurées et restant à endurer, dans le cadre de l'évolution malheureusement logique et inévitable de la maladie cancéreuse ; que ce taux de 100% ayant vocation par définition à indemniser les préjudices subis et à venir et a été accepté tel quel ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une précédente indemnisation sur la base d'un taux d'incapacité de 100% ne fait pas obstacle à la réparation d'une aggravation des préjudices et qu'il lui appartenait de rechercher si la victime n'avait pas subi une aggravation de ses préjudices, distincte de leur évolution prévisible, entre la date de l'acceptation de l'offre du FIVA et le décès, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
Et sur le second moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article 53, I, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que pour fixer le montant du préjudice d'affection et d'accompagnement des consorts D... à la somme proposée par le FIVA, l'arrêt énonce que la somme allouée n'est pas négligeable ; qu'elle s'inscrit certes dans un barème mais que ce mécanisme permet d'assurer que la solidarité nationale soit mobilisée de façon raisonnable et harmonisée pour l'ensemble des victimes ;
Qu'en se déterminant ainsi, par voie de référence à un barème, sans rechercher si, en l'espèce, la somme qu'elle allouait aux consorts D... assurait la réparation intégrale de leur préjudice d'affection et d'accompagnement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute le FIVA de sa demande tendant au rejet des débats des pièces adverses numérotées de 29 à 35 et alloue à Mme L... D... la somme de 5 186 euros au titre des frais funéraires et d'accompagnement psychologique avec intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 5 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; le condamne à payer à Mme L... C... veuve D..., MM. M... et O... D..., Mme Q... D... épouse U..., agissant à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure V... U..., ainsi que M. K... U..., agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure V... U..., la somme globale de 3 000 euros ;
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