Voir note Pezzela, RTDI 20144, n° 3, p. 46.
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 8 avril 2014
N° de pourvoi: 09-72.747
Non publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 octobre 2009), que par acte du 21 janvier 2000, et par l'intermédiaire de la société Cabinet X... (société X...), M. et Mme Y...ont vendu à M. et Mme Z...une maison d'habitation ; qu'ayant découvert la présence de la mérule, ceux-ci ont, après expertise, assigné les époux Y...et la société X... en indemnisation de leur préjudice ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que les époux Y...font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux époux Z...la somme de 40 806, 98 euros avec intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents ou facilement décelables dont l'acheteur a pu se convaincre s'il avait fait preuve de vigilance ; que la cour d'appel qui a constaté l'état particulièrement dégradé de certaines pièces et éléments de la charpente invoqués par les vendeurs, mais qui a retenu que le vice litigieux était caché pour les acquéreurs dès lors que l'état de vétusté constaté ne permettait pas de rendre apparent le vice de la mérule, nonobstant le devoir de vigilance des acquéreurs et le caractère facilement décelable du vice par un professionnel auquel les époux Z..., alertés par l'état global du bien, auraient dû faire appel, a violé les dispositions de l'article 1641 du code civil ;
2°/ que la clause exonératoire de garantie contre les vices apparents comme cachés est efficace, sauf lorsque la mauvaise foi du vendeur occasionnel est dûment constatée par les juges ; que la cour d'appel qui a refusé d'appliquer la clause exonératoire de garantie des vices cachés, au motif « qu'une telle clause ne peut toutefois pas recevoir application lorsque le vice était connu du vendeur qui ne l'a pas révélé à l'acquéreur », constatant que les époux Y...qui avaient procédé eux-mêmes à des travaux de rénovation de la maison ne pouvaient ignorer l'existence de la mérule, sans néanmoins constater que la présence de la mérule aurait été volontairement cachée par les vendeurs aux acquéreurs, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1643 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le mauvais état de certaines pièces de la maison ne suffisait pas à rendre apparent le vice lié à la mérule, que les époux Z..., acquéreurs profanes, ignoraient les éléments permettant de faire le diagnostic d'une telle contamination, que la rénovation récente, apparemment de qualité, du bâtiment par les époux Y...ne pouvait pas inciter les acquéreurs à s'inquiéter de la présence éventuelle d'un champignon, que le seul fait qu'ils s'étaient faits accompagner lors d'une visite d'un membre de leur famille exerçant la profession de marbrier funéraire ne permettait pas de retenir qu'ils auraient dû voir le vice dont l'immeuble était affecté, la cour d'appel a souverainement retenu que l'infection par la mérule était un vice caché pour les acquéreurs ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que M. Y..., artisan maçon, professionnel de la construction, avait réalisé lui-même les travaux de rénovation, que l'expert indiquait que les attaques de la mérule étaient antérieures à la vente du bien aux époux Y..., qu'il avait constaté au dos des panneaux de lambris que M. Y...avait démontés un taux de contamination de 20 % par la mérule, que les époux Y...considéraient que les signes de la mérule étaient visibles et ne contestaient pas avoir eu connaissance du vice, la cour d'appel en a justement retenu que la clause d'exonération de garantie ne pouvait s'appliquer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Attendu que les époux Y...font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux époux Z...la somme de 40 806, 98 euros avec intérêts, alors, selon le moyen, qu'il incombe aux juges de constater que les dommages et intérêts alloués à une victime réparent le préjudice subi sans qu'il en résulte pour cette dernière ni perte ni profit ; que la cour d'appel qui a minoré le montant évalué par l'expert du coût de la réparation du préjudice subi du fait de la réfection du parquet au regard du coût réel subi de la réparation effectuée, mettant ce faisant en exergue l'absence de fiabilité de l'évaluation de l'expert, mais qui a cru pouvoir s'approprier cette même évaluation pour les autres préjudices invoqués, sans constater qu'une telle évaluation serait exacte et au prétexte inopérant que le principe de la réparation intégrale du préjudice n'exigerait pas le suivi de l'emploi des fonds versés de ce chef, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs adoptés, retenu que l'expert avait justement évalué le coût des réparations à l'exception de la réfection du parquet, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié et évalué le préjudice résultant du vice caché affectant l'immeuble, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi provoqué de M. Z...:
Attendu que M. Z...fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte financière lors de la revente de l'immeuble, alors, selon le moyen, que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire rembourser le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts ; que pour débouter les acquéreurs de leur demande en dommages et intérêts pour perte de valeur de l'immeuble, la cour d'appel a retenu qu'ils ne rapportaient pas la preuve de l'évaluation qu'ils avançaient ; qu'en statuant ainsi cependant que la réduction du prix doit être arbitrée par experts, la cour d'appel a violé l'article 1644 du code civil ;
Mais attendu que les époux Z...n'ayant pas demandé une réduction du prix mais la réparation d'un préjudice, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et, partant irrecevable ;
Sur le deuxième moyen du moyen principal et le premier moyen du moyen provoqué, réunis :
Attendu que les époux Y...et M. Z...font grief à l'arrêt d'écarter la responsabilité de la société X... et la demande en garantie, alors, selon le moyen :
1°/ que le professionnel de l'immobilier, intermédiaire à la vente, est tenu d'une obligation de se renseigner pour informer ensuite ses clients et attirer leur attention sur l'état du bien et les risques de l'opération ; que la cour d'appel qui a relevé que l'agent immobilier n'étant pas un professionnel de la construction, ne pouvait être alerté par le constat de l'état des pièces non rénovées laissant apparaître les indices de mérule, statuant ce faisant par la voie de motifs inopérants dès lors qu'il incombait à l'agent immobilier en sa qualité de professionnel de l'immobilier, qui plus est expert judiciaire, et à la vue des vices apparents constatés sur les murs, de se renseigner sur l'état exact du bien, objet de la convention, n'a pu écarter la responsabilité du Cabinet X... et débouter les époux Y...de leur action en garantie, sans violer l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'il incombe au professionnel, tenu d'une obligation d'information à l'égard de son cocontractant d'établir avoir satisfait à son obligation ; que les époux Z..., non contestés sur ce point par les époux Y..., avaient affirmé avant tout contentieux à l'expert en diagnostic que l'embrasement de la fenêtre à droite n'avait pas été ôté après la vente mais avant, ce dont il résultait que la présence des filaments caractéristiques de la mérule étaient visibles avant la vente, que la cour d'appel qui a néanmoins cru pouvoir écarter toute responsabilité de l'agent immobilier du chef de son obligation d'information des risques liés aux vices dont il avait pu se rendre compte avant la vente au motif que ce dernier affirmait le contraire sans établir pour autant la réalité de ses allégations, a renversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315, alinéa 2, du code civil ;
3°/ qu'en niant toute obligation d'avertissement à la charge de l'agent immobilier au profit du vendeur comme de l'acquéreur s'agissant des risques liés à la présence de la mérule au moment de la vente, au motif inopérant que la société X... niait que la présence apparente avérée de la mérule l'aurait été avant la vente, nonobstant les affirmations combinées de l'acquéreur comme du vendeur et la charge de la preuve qui incombait au professionnel d'établir que le vice apparent lui aurait été caché au moment de la vente, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ qu'en sa qualité de professionnel, l'agent immobilier, doit non seulement connaître les dispositions légales qui s'imposent aux parties, mais encore savoir où se situent les difficultés et les pièges de l'opération envisagée ; que la cour d'appel qui a jugé, contrairement au tribunal, que l'agent immobilier n'était pas tenu à plus de vigilance en dépit de sa connaissance de l'état des lieux avant les travaux réalisés par les époux Y..., au motif qu'il pouvait légitimement croire que ces derniers avaient réalisé les travaux nécessaires, a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil, ensemble les principes applicables en matière d'obligation d'information et de conseil des professionnels ;
5°/ que manque à son devoir de conseil l'agent immobilier qui omet d'informer l'acheteur de l'immeuble vendu par son entremise de l'existence des désordres qui l'avaient affecté et des risques liés à ces désordres, qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier il ne peut ignorer ; qu'en l'espèce, il est établi que la société X..., qui avait servi d'intermédiaire lors de la vente de l'immeuble aux époux Y..., avait eu connaissance de l'état de vétusté de l'immeuble avant sa revente aux époux Z...; que la cour d'appel a constaté qu'au moment de la revente aux époux Z..., en dépit des travaux effectués par les époux Y..., subsistaient des indices tels que la déformation de certaines boiseries, gonflées ou boursouflées, l'ouverture de joints entre des panneaux, de grossières traces de masticage de certaines plinthes et la dégradation du parquet à proximité de plinthes gonflées ; qu'en affirmant, pour exonérer la société X... de tout manquement à son devoir de conseil, que l'agent immobilier pouvait penser que les travaux réalisés par M. Y..., maçon, étaient satisfaisants et que ces indices apparents pour tous n'étaient pas suffisants pour suspecter la présence de mérule, quand il appartenait à la société X..., en sa qualité de professionnel de l'immobilier, d'informer M. et Mme Z...de l'existence de cet état de vétusté et des risques d'infection qu'il présentait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
6°/ que la cour d'appel qui a expressément constaté que la société X..., agent immobilier dont il est établi qu'il a eu connaissance de l'état de vétusté de l'immeuble et du risque lié à la mérule avant la revente de l'immeuble, n'est pas un professionnel de la construction, et qui, cependant, s'est fondée sur son appréciation de l'état des travaux de réfection pour l'exonérer de son devoir de conseil à l'égard des acquéreurs, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... était certes expert judiciaire mais aux rubriques " estimations immobilières " et " gestion d'immeubles " et non à la rubrique " bâtiments ", que le diagnostic de la présence de mérule ne pouvait s'effectuer qu'après sondages destructifs, que la déformation de certaines boiseries, l'ouverture de joints entre panneaux, la dégradation de certains endroits du parquet et les traces d'humidité n'étaient pas des indices susceptibles de laisser suspecter la présence de mérule pour un non professionnel de la construction, que les désordres relevés pouvaient s'expliquer par la vétusté de l'immeuble qui était évidente pour tous, et que le vice n'était pas apparent au moment de la vente, la cour d'appel, qui a pu retenir que la société X... n'était pas un professionnel de la construction et que les acquéreurs ne pouvaient soutenir que le vice était caché pour eux mais apparent pour l'agent immobilier, en a déduit, sans se contredire et sans inverser la charge de la preuve, qu'aucune faute ni manquement ne pouvait être reproché à la société X... et que l'appel en garantie des époux Y...était sans objet ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les époux Y...et M. Z...aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y...à payer à la société X... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
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