vendredi 8 juillet 2016

Assurance - notions de dommage matériel et de dommage immatériel consécutif

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 30 juin 2016
N° de pourvoi: 15-50.061
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Zribi et Texier, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fertinagro France (la société) exploite une unité de fabrication d'engrais fertilisants pour laquelle elle a souscrit une police multirisque professionnelle auprès de la société Generali IARD (l'assureur) ; qu'ayant été victime d'une tempête le 24 janvier 2009, elle a été indemnisée de ses dommages matériels par le versement de la somme de 577 230 euros HT conformément à un accord conclu avec l'assureur et a fait assigner celui-ci, à la suite du dépôt du rapport d'un expert désigné en référé, en paiement de certaines sommes au titre de l'indemnisation de dommages immatériels ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux dernières branches, tel que reproduit en annexe :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnisation au titre de la perte d'exploitation imputable au taux de rebut de production et à la surconsommation de matières premières ;

Mais attendu que, dès lors qu'elle a relevé que les conditions générales de la police applicable définissaient le dommage matériel comme toute détérioration ou destruction d'une chose et le dommage immatériel (consécutif) comme tout préjudice pécuniaire résultant de la perte d'un bénéfice directement consécutif à un dommage matériel garanti par le contrat, et retenu que la perte d'exploitation imputable à une surconsommation de matières premières constituait un dommage matériel au sens des conditions générales du contrat et qu'il en allait de même, s'agissant de l'altération des produits existants, pour la perte d'exploitation alléguée du chef d'un taux de rebut anormalement élevé, puis constaté que la société ne justifiait pas de l'accord des parties qu'elle alléguait quant à la requalification de ces préjudices en dommages immatériels, la cour d'appel a statué sans encourir les griefs des deux dernières branches du moyen ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, tel que reproduit en annexe :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société la somme de 488 765 euros au titre de la perte d'exploitation due à la baisse de chiffre d'affaires ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a procédé à la recherche mentionnée par la seconde branche ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucun de ses griefs ;

Sur le second moyen du pourvoi incident, tel que reproduit en annexe :

Attendu que l'assureur fait encore grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société la somme de 344 480 euros au titre de la perte d'exploitation due aux annulations de commandes d'engrais ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le lien de causalité entre la tempête et la perte de chiffre d'affaires résultant d'une diminution des commandes était suffisamment établi par la production d'attestations des clients concernés, dont certains s'étaient fait établir des avoirs ou avaient retourné des produits défectueux, desquelles il résulte que les produits livrés étaient mouillés ou en mottes, qu'ils avaient obstrué les tuyaux de descente des fertiliseurs, ces clients ayant été contraints de changer de fournisseur devant le mécontentement de leurs adhérents ; qu'elle a constaté que la preuve n'était pas rapportée d'une volonté délibérée de la société ou d'une négligence de celle-ci ayant permis d'écouler le stock de matières premières détérioré par la tempête, ou de conditions de stockage postérieures de nature à exclure ou à limiter le droit à garantie dès lors que les quantités concernées par les avoirs et retours n'étaient pas importantes au regard des stocks existant à la date du sinistre et que la société justifiait de la difficulté matérielle de trier la matière première détériorée, compte tenu des conditions de stockage des produits en vrac ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs consacrés à la demande d'indemnisation formée au titre des « litiges-qualité » qu'en considération des définitions figurant dans les conditions générales de la police applicable, seules peuvent être qualifiées de dommages immatériels les pertes financières liées aux coûts de reprise et de retraitement des marchandises effectivement retournées par les clients et que ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 5 251 euros correspondant au montant des frais de retraitement des marchandises retournées par la coopérative Agralia tel que l'a évalué l'expert judiciaire, l'arrêt déboute la société de sa demande d'indemnisation au titre de la perte d'exploitation due aux « litiges-qualité » ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Fertinagro France de sa demande d'indemnisation formée au titre de la perte d'exploitation due aux « litiges-qualité », l'arrêt rendu le 3 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Generali IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Fertinagro France la somme de 3 000 euros ;

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