jeudi 7 juillet 2016

Mode de preuve de la commande de travaux

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 29 juin 2016
N° de pourvoi: 15-11.392
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)


--------------------------------------------------------------------------------


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 25 novembre 2014), que Mme X... a confié des travaux de rénovation de son domicile à la société Agema qui les a sous-traités à la société Y... bâtiment (la société), lesquels ont été achevés et payés en décembre 2003 ; qu'elle a, de décembre 2003 à mai 2005, vécu en union libre avec M. Y..., unique associé et dirigeant de la société ; qu'au cours de cette période, d'autres travaux ont été réalisés au domicile de Mme X... par la société qui a, après la rupture de la relation entre M. Y... et Mme X..., émis une facture que cette dernière a refusé de payer ; que la société, aux côtés de laquelle est intervenu volontairement M. Y..., a assigné Mme X... en paiement ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société et M. Y... font grief à l'arrêt de rejeter la demande en paiement ;

Attendu que la cour d'appel a, par une décision motivée, souverainement estimé que les relations existant entre M. Y... et Mme X... ne rendaient pas moralement impossible, pour la société, la rédaction d'un écrit si Mme X... avait effectivement commandé les travaux litigieux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société et M. Y... font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu'un entrepreneur réalise, sans contestation sur l'existence d'un contrat d'entreprise, des travaux constituant une première phase de rénovation, les travaux constitutifs d'une nouvelle tranche et qui permettent un achèvement des premiers travaux, de nature préparatoire, sont présumés avoir été commandés et acceptés par le propriétaire des lieux sauf sa preuve contraire ; qu'en l'espèce, la société et M. Y..., faisaient principalement valoir, que, lors du tout début de la première tranche du chantier facturée à la société Agema, Mme X... dite Z... avait en projet la réalisation future de la 2ème tranche des travaux et que les acomptes réglés dans le cadre de cette 1ère phase correspondaient à des travaux préparatoires de la 2ème tranche contestée (modification de la trémie de l'escalier en prévision de l'agrandissement et du réaménagement de la cuisine, acheminement d'un point d'eau contigu au terrain de pétanque, fourniture et pose d'un lampadaire en prévision de l'éclairage de ce terrain) et qu'il était ainsi constant que le paiement d'acomptes pour la première tranche des travaux prouvait la connaissance et l'acceptation de la 2ème tranche des travaux ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la preuve de l'existence du contrat d'entreprise n'implique pas celle du prix exact des prestations facturées et litigieuses ; que, dans sa déclaration auprès des services de police du 4 juin 2005, Mme X... dite Z... avait déclaré « M. Y... m'a donné les factures des travaux qu'il a faits chez moi sans mon accord pour la plus grande partie » ; qu'il en résultait, l'accord pour une partie des travaux étant admis, que le principe même d'un contrat d'entreprise entre la société et Mme X... dite Z... était admis par celle-ci et que seul le montant des travaux facturables était discuté ; qu'en retenant cependant que la déclaration de Mme X... dite Z... selon laquelle elle était prête à régler « une partie des facture de M. Y... après expertise puisqu'une partie des travaux faits chez moi l'ont été avec des matériaux récupérés dans ma propre maison » ne pouvait constituer un aveu judiciaire – et partant un commencement de preuve par écrit-de la réalité du contrat d'entreprise allégué par la société et portant sur des travaux d'un montant avoisinant les 100 000 euros, la cour d'appel, qui a confondu preuve de l'existence du contrat d'entreprise et preuve du montant des travaux réalisés et facturés, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences s'en évinçant, violant de ce fait l'article 1347 du code civil ;

3°/ que celui qui accepte les travaux réalisés est débiteur de leur prix quand bien même ne les aurait-il pas commandés ; qu'en l'espèce, la société et M. Y... offraient de prouver, au moyen de nombreux éléments, que les travaux réalisés chez Mme X... dite Z..., sur une période de plusieurs mois voire plusieurs années, avaient été pleinement acceptés par celle-ci, satisfaite de la rénovation de son bien ; qu'en déboutant cependant la société et M. Y... de leur demande en paiement par cela seul qu'ils n'établissaient pas que Mme X... dite Z... avait initialement passé commande des travaux litigieux, sans rechercher si, du fait des circonstances décrites, elle ne les avait pas manifestement acceptés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1315 et 1710 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir rappelé que la société et M. Y... faisaient état de l'exécution sans devis de la première phase des travaux, non contestée et payée sur facture, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a relevé que, sur ce point, les documents produits n'émanaient pas de Mme X... et que la société ne disposait d'aucun commencement de preuve par écrit, ce qui rendait inutile l'examen des témoignages et indices dont elle faisait état ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, après avoir relevé que Mme X... avait déclaré aux services de police que les travaux réalisés durant sa vie commune avec M. Y... l'avaient été sans son accord et qu'elle ne les avait jamais sollicités, mais qu'elle était prête à régler une partie des factures après expertise, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, estimé que cette déclaration ne constituait pas un aveu judiciaire de la réalité du contrat d'entreprise allégué par la société ;

Et attendu, enfin, que la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Y... bâtiment et M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.