jeudi 7 juillet 2016

Devoir de conseil du banquier et perte de chance

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 29 juin 2016
N° de pourvoi: 15-17.502
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Balat, Me Blondel, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 décembre 2014), que M. et Mme X..., ayant contracté, le 7 juillet 2000, deux emprunts immobiliers auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin (la banque), ont adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur auprès de la Caisse nationale de prévoyance (l'assureur), qui garantissait les risques décès, invalidité permanente et absolue et incapacité temporaire totale de travail ; que Mme X..., ultérieurement atteinte d'une sclérose en plaques, a été placée en invalidité deuxième catégorie ; qu'un rapport d'expertise ayant conclu que, si elle était inapte, même à temps partiel, à poursuivre l'exercice de sa profession d'ouvrière d'usine, affectée à des tâches de contrôle d'emballage nécessitant une manutention d'objets en position debout, elle était apte à une activité assise, au besoin à temps partiel, n'imposant pas d'effort physique, l'assureur a refusé, à compter de décembre 2008, de continuer à prendre en charge le remboursement des prêts ; que M. et Mme X... ont engagé une action à l'encontre de la banque, en lui reprochant d'avoir manqué à son devoir d'information en n'attirant pas leur attention sur l'inadéquation de l'assurance proposée à leurs besoins d'artisan et d'ouvrière d'usine ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le manquement de l'établissement de crédit souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe à l'obligation de conseil et de mise en garde auquel il est tenu envers l'emprunteur adhérent a pour conséquence nécessaire, sauf circonstances tout à fait particulières qu'il appartient alors au juge de caractériser, de faire perdre à ce dernier une chance de bénéficier d'une assurance plus complète ou plus adaptée à sa situation personnelle, cette perte constituant un préjudice en relation directe et certaine de cause à effet avec la faute qui a été commise ; qu'en déboutant néanmoins les époux X... de l'intégralité de leurs demandes de réparation au motif, impropre à justifier le refus de toute indemnisation, fût-ce au titre de la réparation d'une simple perte d'une chance, que ceux-ci ne rapportaient pas la preuve que, même correctement éclairés, ils auraient souscrit une assurance plus complète mais nécessairement plus onéreuse, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1147 du code civil et de ce que postule le droit à la réparation intégrale du dommage, y compris lorsque celui-ci ne consiste qu'en la perte d'une chance d'éviter le préjudice qui s'est réalisé ;

2°/ que la méconnaissance par la banque de son obligation de conseil, d'information et de mise en garde était nécessairement génératrice d'un préjudice pour les victimes du manquement ; qu'en jugeant le contraire, à la faveur d'une motivation inopérante, la cour viole l'article 4 du code civil ;

3°/ que le juge doit appliquer la règle de droit pertinente au litige dont il est saisi, encore que celle-ci n'ait pas été spécialement invoquée par les parties ; qu'en déboutant les emprunteurs de leurs demandes d'indemnisation liées à un manquement imputable à la banque dans ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde, manquement constaté par la cour, sans examiner si à tout le moins ces manquements n'avaient pas été à l'origine d'une perte de chance de ne point contracter ou de contracter à d'autres conditions, la cour méconnaît son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile, de l'article 6-1 de la Convention européenne, ensemble violant par refus d'application l'article 1147 du code civil pourtant dûment invoqué par les appelants ;

Mais attendu qu'ayant relevé, à l'encontre de la banque, un manquement à son obligation d'éclairer les emprunteurs sur l'intérêt de l'assurance proposée et sur le bénéfice qu'ils pourraient en retirer, compte tenu de leur situation personnelle, et ayant justement retenu que le préjudice pouvant résulter d'un tel manquement correspondait à la perte d'une chance, pour M. et Mme X..., d'être totalement ou partiellement exonérés de la charge du remboursement de leurs emprunts, l'arrêt énonce à bon droit qu'il appartient à ceux-ci d'établir une relation entre la faute et le préjudice et énonce qu'ils ne rapportent pas la preuve que, dûment informés, ils auraient eu la volonté et les moyens de souscrire une assurance plus complète, nécessairement plus coûteuse, alors même qu'ils n'ont pas entendu s'assurer contre le risque de chômage, auquel Mme X... était pourtant exposée en sa qualité de salariée ; que la cour d'appel a pu déduire de ses constatations et énonciations, sans modifier l'objet du litige ni méconnaître son office, que les demandes de M. et Mme X... ne pouvaient être accueillies ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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