vendredi 8 juillet 2016

Notion de trouble de voisinage indemnisable après départ de la victime et résolution de la vente

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 30 juin 2016
N° de pourvoi: 15-10.507
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont réalisé en 2003 des travaux dans leur appartement situé au 5ème étage d'un immeuble en copropriété ; qu'ayant acquis en 2007 un appartement situé au 4e étage de cet immeuble, M. Y... et Mme Z..., se plaignant de nuisances sonores, ont obtenu, par une ordonnance de référé du 14 avril 2009 confirmée par un arrêt du 15 décembre 2009, la condamnation des premiers à faire exécuter les travaux destinés à restituer à l'immeuble son intégrité acoustique ; que les travaux n'ayant pas été exécutés, ils ont assigné, invoquant la persistance de ces nuisances, d'une part, M. et Mme X... en indemnisation de leur préjudice du fait d'un trouble anormal de voisinage, d'autre part, leurs vendeurs en résolution de la vente d'un bien impropre à sa destination ; que, par un arrêt du 20 décembre 2012, une cour d'appel a fait droit à la demande en résolution ; que MM. A... et B..., dont l'appartement est contigu à celui de M. et Mme X..., sont intervenus à l'instance engagée contre ces derniers pour leur demander des dommages-intérêts en réparation d'un trouble anormal de voisinage ;

Sur le premier moyen :

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble celui selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ;

Attendu que, pour limiter à une certaine somme l'indemnisation de M. Y... et de Mme Z... pour trouble anormal de voisinage, l'arrêt retient qu'ils ont subi un préjudice de jouissance pour la seule période allant d'août 2007, date à laquelle ils sont entrés dans les lieux, à avril 2009, date à laquelle ils ont déménagé pour habiter un autre logement qu'ils avaient loué, et qu'ils ne peuvent demander réparation du préjudice résultant de l'impossibilité pour eux de louer leur appartement devenu impropre à l'habitation et d'en percevoir les fruits puisque, par l'arrêt du 20 décembre 2012, la vente de l'appartement a été résolue, le bien devant être restitué aux vendeurs contre restitution du prix à leur profit ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que s'ils avaient déménagé c'était pour ne plus avoir à supporter le bruit provenant de l'appartement de leurs voisins dont les défectuosités d'isolation phonique rendaient leur logement impropre à sa destination, ce qui caractérisait la persistance d'un trouble indemnisable après leur départ qui n'avait pas disparu antérieurement à la résolution de la vente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 31 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à allouer à M. Y... et à Mme Z... la somme de 1 400 euros par mois jusqu'à l'exécution des travaux destinés à mettre fin aux nuisances sonores ordonnée en 2009, l'arrêt énonce qu'ils n'ont plus d'intérêt à agir du fait de la résolution de la vente en 2012 ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le défaut d'exécution des travaux ordonnés en 2009 ne laissait pas subsister un préjudice indemnisable malgré la vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement qui alloue à M. Y... et à Mme Z... au titre du préjudice de jouissance la somme de 90 784 euros, condamne M. et Mme X... à leur payer la somme de 28 000 euros et dit n'y avoir lieu à leur allouer la somme de 1 400 euros par mois jusqu'à l'exécution de la décision de la cour d'appel de Paris du 5 décembre 2009, l'arrêt rendu le 24 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. Y... et à Mme Z... la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

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