Conseil d'État
N° 374287
ECLI:FR:Code Inconnu:2014:374287.20140326
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7ème / 2ème SSR
M. Stéphane Bouchard, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; SCP BOULLOCHE, avocats
lecture du mercredi 26 mars 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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Texte intégral
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 décembre 2013 et 14 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour, dont le siège est 15 avenue du Maréchal Foch à Bayonne (64100), représentée par son président ; la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 12BX01062 du 28 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a, sur la requête de la société Sita Sud-Ouest, annulé l'ordonnance n° 1102679 du 6 avril 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Pau et l'a condamnée à verser à cette société une somme de 126 660,77 euros à titre de provision, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2011 ;
2°) statuant en référé, de rejeter l'appel de la société Sita Sud-Ouest ;
3°) de mettre à la charge de la société Sita Sud-Ouest le versement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Bouchard, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour, et à la SCP Boulloche, avocat de la société Sita Sud-Ouest ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Bordeaux que la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour a, par un marché public de services signé le 7 février 2011, confié à un groupement conjoint composé de la société Sita Sud-Ouest et d'une autre société, l'enlèvement et le traitement de l'ensemble des déchets industriels présents sur le site d'une ancienne fonderie à Bayonne, en vue de permettre la reconversion du site en zone d'activité ; que le volume global des déchets retirés par le groupement ayant substantiellement excédé celui qui avait été estimé au moment de la signature du contrat, la communauté d'agglomération a refusé de verser à la société Sita Sud-Ouest la somme de 126 660,77 euros TTC au motif que cette somme dépassait, selon elle, le montant contractuellement prévu entre les parties ; que toutefois, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, condamné la communauté d'agglomération à verser à la société Sita Sud-Ouest cette même somme à titre de provision ;
3. Considérant qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine des stipulations contractuelles exempte de dénaturation, d'une part, que le marché de services conclu entre la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour et la société Sita Sud-Ouest prévoyait que le paiement des prestations accomplies par cette société s'effectuerait sur la base de prix unitaires appliqués aux volumes des déchets effectivement enlevés et traités et, d'autre part, que les stipulations du contrat relatives aux quantités de déchets à enlever et au montant du marché ne constituaient que de simples estimations qui pouvaient être dépassées sans que les entreprises aient à solliciter un nouvel ordre de service, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit ni entacher son arrêt d'inexacte qualification juridique des faits, que la créance de 126 660,77 euros TTC réclamée par la société Sita Sud-Ouest, qui correspondait à la valorisation, sur la base des prix unitaires contractuels, de quantités de déchets réellement enlevés et traités par elle, n'était pas sérieusement contestable ;
4. Considérant que la cour n'ayant pas jugé que les prestations en litige exécutées par la société Sita Sud-Ouest revêtaient un caractère indispensable, le moyen tiré de ce qu'elle aurait, ce faisant, inexactement qualifié les faits est inopérant ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros à verser à la société Sita Sud-Ouest sur le même fondement ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour est rejeté.
Article 2 : La communauté d'agglomération Côte Basque-Adour versera à la société Sita Sud-Ouest une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération Côte Basque-Adour et à la société Sita Sud-Ouest.
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Analyse
Abstrats : 54-03-015-03 PROCÉDURE. PROCÉDURES DE RÉFÉRÉ AUTRES QUE CELLES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. RÉFÉRÉ-PROVISION. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. - APPRÉCIATION DU CARACTÈRE NON SÉRIEUSEMENT CONTESTABLE DE L'OBLIGATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - CONTRÔLE DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS [RJ1] - CAS OÙ L'APPRÉCIATION DÉPEND, EN AMONT, DE L'INTERPRÉTATION DES CLAUSES D'UN CONTRAT - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION SUR CETTE INTERPRÉTATION - APPRÉCIATION SOUVERAINE DU JUGE DU FOND, SOUS RÉSERVE DE DÉNATURATION.
54-03-015-04 PROCÉDURE. PROCÉDURES DE RÉFÉRÉ AUTRES QUE CELLES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. RÉFÉRÉ-PROVISION. CONDITIONS. - CARACTÈRE NON SÉRIEUSEMENT CONTESTABLE DE L'OBLIGATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION SUR L'APPRÉCIATION PORTÉE SUR CE POINT PAR LE JUGE DU FOND - CONTRÔLE DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS [RJ1] - CAS OÙ L'APPRÉCIATION DÉPEND, EN AMONT, DE L'INTERPRÉTATION DES CLAUSES D'UN CONTRAT - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION SUR CETTE INTERPRÉTATION - APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND, SOUS RÉSERVE DE DÉNATURATION.
54-08-02-02-01-03 PROCÉDURE. VOIES DE RECOURS. CASSATION. CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION. BIEN-FONDÉ. APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND. - RÉFÉRÉ PROVISION - INTERPRÉTATION DES STIPULATIONS D'UN CONTRAT DONT DÉPEND LE CARACTÈRE NON CONTESTABLE DE L'OBLIGATION, NONOBSTANT LE CONTRÔLE DE QUALIFICATION JURIDIQUE OPÉRÉ SUR CE DERNIER CARACTÈRE [RJ1].
Résumé : 54-03-015-03 Lorsque l'appréciation par le juge du référé provision du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dépend, en amont, de l'interprétation des stipulations du contrat dont l'exécution est l'objet du référé provision, cette interprétation relève de l'appréciation souveraine du juge du fond, nonobstant le contrôle de qualification juridique opéré par le juge de cassation sur l'appréciation, qui en découle, du caractère non sérieusement contestable de l'obligation.
54-03-015-04 Lorsque l'appréciation par le juge du référé provision du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dépend, en amont, de l'interprétation des stipulations du contrat dont l'exécution est l'objet du référé provision, cette interprétation relève de l'appréciation souveraine du juge du fond, nonobstant le contrôle de qualification juridique opéré par le juge de cassation sur l'appréciation, qui en découle, du caractère non sérieusement contestable de l'obligation.
54-08-02-02-01-03 Lorsque l'appréciation par le juge du référé provision du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dépend, en amont, de l'interprétation des stipulations du contrat dont l'exécution est l'objet du référé provision, cette interprétation relève de l'appréciation souveraine du juge du fond, nonobstant le contrôle de qualification juridique opéré par le juge de cassation sur l'appréciation, qui en découle, du caractère non sérieusement contestable de l'obligation.
[RJ1] Cf. CE, Section, 6 décembre 2013, M. Thévenot, n° 363290, à publier au Recueil.
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lundi 2 juin 2014
Conseil d'Etat : référé-provision et obligation sérieusement contestable
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