Les espèces suivantes illustrent le soin mis par la Cour suprême au respect de cette distinction fondamentale, ainsi méconnue, étant observé qu’il incombe toujours au juge du fait de mettre la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle de motivation :
« Ne donne pas de base légale à sa décision la Cour d'appel qui, pour déclarer prescrite l'action d'un acquéreur d'immeuble à construire tendant à la réparation à la fois de vices de construction et de défauts de conformité, se borne à retenir qu'il y a en fait identité entre les vices apparents prévus à l'article 1642 et les désordres qualifiés de défauts de conformité, sans préciser quels étaient les vices et les défauts de conformité allégués et en quoi les seconds s'identifiaient aux premiers »[1]
« Encourt la cassation l'arrêt qui, pour rejeter la demande en réparation formée par un acquéreur de locaux vendus en l'état futur d'achèvement, retient qu'il s'agit d'un défaut de conformité apparent et que l'action en garantie de l'article 1642-1 du Code civil n'a pas été introduite dans le délai prescrit par l'article 1648, alinéa 2, du même Code, sans relever que la réception était intervenue sans réserves et alors que les défauts de conformité au contrat relèvent du régime de la responsabilité contractuelle et de la prescription de droit commun »[2].
« Vu les articles 1147, 1604 et 1642-1 du code civil ; […] Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que le syndicat des copropriétaires caractérise la faute commise par la SCI de Pierlas en ce qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de délivrance et qu'il ne s'agit pas d'une mauvaise exécution ou d'un désordre mais d'une inexécution d'une obligation contractuelle qui ne relève pas du régime des vices de la construction mais de la responsabilité contractuelle pour inexécution ; Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser un manquement du vendeur à son obligation de délivrance et alors que les défauts d'étanchéité à l'origine des infiltrations constituaient des malfaçons affectant l'ouvrage et donc des vices de construction , la cour d'appel a violé les textes susvisés »[3] ;
« Vu l'article 1641 du Code civil ; […] Attendu que pour accueillir la demande de garantie formée contre la société UTPM, l'arrêt retient que la SCI, maître de l'ouvrage, en remettant aux époux A... de Monclinun appartement équipé de sols de marbre dépourvus d'homogénéité, avait manqué à son obligation de délivrance, que la prestation effectuée était conforme au dallage prévu, sauf sur le manque d'homogénéité de ce dallage, et que le défaut de conformité avait pour cause la faute de l'entrepreneur, qui avait posé les dalles au fur et à mesure de leur livraison, sans avoir au préalable réuni les pierres ;Qu'en statuant par ces motifs, d'où il résultait que les dommages constatés ne provenaient pas d'un défaut de conformité de la chose livrée à la chose promise, mais d'un vice de construction de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; » [4]
« Un revêtement de sol brûlé par une cigarette, un miroir rayé et de la colle débordant sur toutes les parcloses tenant le vitrage d'une porte vitrée, ne relèvent pas d'un non respect par le vendeur de son obligation contractuelle de délivrer une chose conforme à ce qui a été acheté mais constituent des malfaçons affectant l'ouvrage et donc des vices de construction ; » [5]
« Vu les articles 1641, 1642-1 et 1643 du Code civil ;Attendu que pour déclarer la société Kaufman et Broad Homes responsable, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, des dysfonctionnements de l'installation électrique du pavillon Bruckert, l'arrêt retient qu'elle a manqué à son obligation de délivrance ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'installation n'était pas conforme aux règles de l'art et était donc atteinte de vices, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » [6]
Les vices de construction ne peuvent jamais relever de la responsabilité contractuelle :
« Vu les articles 1147, 1604 et 1642-1 du code civil ;Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 janvier 2011), que la SCI de Pierlas a fait édifier un “ensemble immobilier” qu’elle a vendu en l’état futur d’achèvement ; que la société SAEA, devenue société Eiffage, avait en charge le lot comprenant les terrassements généraux et le gros-œuvre ; que la réception est intervenue le 5 décembre 2000 ; que se plaignant de désordres et non conformités, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Résidence Garibaldi a, par acte du 22 mai 2006, après expertise, fait assigner la SCI de Pierlas en responsabilité des vices de construction et défaut de conformité ;attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que le syndicat des copropriétaires caractérise la faute commise par la SCI de Pierlas en ce qu’elle n’a pas satisfait à son obligation de délivrance et qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise exécution ou d’un désordre mais d’une inexécution d’une obligation contractuelle qui ne relève pas du régime des vices de la construction mais de la responsabilité contractuelle pour inexécution ; Qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser un manquement du vendeur à son obligation de délivrance et alors que les défauts d’étanchéité à l’origine des infiltrations constituaient des malfaçons affectant l’ouvrage et donc des vices de construction , la cour d’appel a violé les textes susvisés »[7] ;
« Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'opération de réhabilitation, qui avait pour but de transformer une gare ferroviaire en immeuble en copropriété était, par son envergure, assimilable à des travaux de construction d'un ouvrage, que la SCI s'était engagée à vendre hors d'eau les combles, et que les infiltrations constatées affectaient cet ouvrage dans ses éléments constitutifs et le rendaient impropre à sa destination, d'où il résultait que, relevant d'une garantie légale, les désordres ne pouvaient donner lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une contestation relative à la réception des ouvrages, a pu retenir, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à la mise en jeu de la police d'assurances dommages-ouvrage, que la responsabilité de la SCI était engagée sur le fondement de l'article 1646-1 du Code civil et que son assureur devait sa garantie au titre de la police "constructeur non-réalisateurs" »[8] ;
Faute d’avoir satisfait ainsi aux conditions exigées par la Cour de cassation, et pour avoir vu une non-conformité là où le débat ne portait que sur des vices de construction, le jugement entrepris (qui a jugé le dommage « décennal ») ne pourra donc qu’être infirmé, pour violation de l’article 1147 du code civil.
[1] Cass. civ. 3ème, 10 mars 1981, 79-12.885, publié.
[2] Cass. civ. 3ème, 28 juin 1995, 93-20.505, publié, RDI 1995, p. 761, J.-C. Groslière et C. Saint-Alary-Houin
[3] Cass. civ.3ème , 25 septembre 2012, 11-17.236 ; dans le même sens : Cass. civ.3ème 13 février 2013, n° 11-28.376.
[4]Cass. civ. 3ème, 27 septembre 2000, 99-10.017, C. Saint-Alary-Houin, RDI 2001 p. 74 ;
[5] Cass. civ. 3ème, 21 septembre 2011, 09-69.933, publié. Note O. Tournafond RDI 2011 p. 568, Constr.-Urb. 2011, com. 165, C. Sizaire
[6] 3e civ., 17 novembre 2004, 03-13.187 :Constr.-Urb. 2005, comm. 2, D. Sizaire
[7] Cass. civ. 3ème, 25 septembre 2012, 11-21.269
[8] Cass. civ. 3ème, 31 octobre 2001, 99-20.046, RDI 2002, p. 363 »
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