jeudi 2 octobre 2014

La maison mal implantée doit être démolie

Voir notes :

- Malinvaud, RDI 2014, p. 644.
- Poumarède, RTDI-4, p. 38.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 17 septembre 2014
N° de pourvoi: 12-24.122 12-24.612
Non publié au bulletin Rejet

M. Mas (conseiller doyen faisant fonction de président), président
Me Blondel, Me Foussard, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° T 12-24. 122 et n° A 12-24. 612 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 mai 2012), que M. et Mme X... ont signé un contrat de construction de deux maisons individuelles sur un même terrain avec la société Maisons Oméga (la société Oméga) ; que la société Caisse de garantie immobilière du bâtiment (la société CGI) s'est portée caution ; que pour financer l'opération, M. et Mme X... ont contracté deux prêts auprès de la Caisse d'épargne Aquitaine-Poitou-Charentes (caisse d'épargne) ; qu'invoquant des désordres et des défauts d'implantation et d'altimétrie, M. et Mme X... , estimant ne pas pouvoir réceptionner les ouvrages, ont, après expertise, assigné la société Oméga, la société CGI et la caisse d'épargne aux fins de voir ordonner la démolition et la reconstruction des ouvrages et indemniser leurs préjudices ;

Sur les premiers moyens des pourvois principaux, réunis :

Attendu que les sociétés Oméga et CGI font grief à l'arrêt d'ordonner la démolition des deux maisons litigieuses et leur reconstruction conforme au contrat, soit notamment, en ce qui concerne l'altimétrie, selon les indications du pré-rapport d'expertise, de préciser les conditions de réalisation des travaux de terrassement, d'ordonner à la société CGI de mettre la société Oméga en demeure d'exécuter les travaux de démolition et de reconstruction prescrits, et faute d'exécution, de désigner la personne appelée à achever les travaux conformément au contrat, alors, selon le moyen :

1°/ que si la partie envers laquelle l'engagement n'a point exécuté peut forcer l'autre à l'exécution de la convention, c'est à la condition que l'exécution forcée soit possible ; que cette condition doit s'apprécier au regard de ce que postule le principe de proportionnalité ; qu'il s'ensuit que, dans l'hypothèse où l'exécution conforme postule la destruction et la reconstruction d'un ouvrage, le juge ne peut faire droit à la demande sans s'être préalablement assuré, en fonction des intérêts en présence, que l'exécution n'entraîne pas pour le débiteur des efforts ou des dépenses déraisonnables au regard du bénéfice que peut en retirer le créancier ; qu'en ordonnant la destruction et la reconstruction des deux maisons individuelles édifiées par la société Omega, motif pris d'une implantation et d'une altimétrie prétendument non conformes aux prévisions contractuelles, sans s'être préalablement livrée à ce contrôle de proportionnalité, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1184, alinéa 2, du code civil ;

2°/ que dans le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, le constructeur s'engage à réaliser un ouvrage cantonne aux caractéristiques qui doivent obligatoirement figurer dans le contrat, la notice descriptive et le plan de la construction ; qu'il s'ensuit que le constructeur n'est engagé que par les valeurs et cotes expressément mentionnées sur l'un ou l'autre de ces documents et non par celles qui pourraient en être déduites par raisonnement ou par calcul ; qu'en l'espèce, la société Omega avait formellement contesté s'être engagée au respect des valeurs qui lui étaient reproché d'avoir méconnues ; que dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait retenir, au prix d'un véritable forçage du contrat, que n'avaient pas été respectés notamment les niveaux de sol du rez-de-chaussée respectif des deux maisons et de dénivelé de chacun des ouvrages par rapport à l'autre, tels qu'ils avaient pu être reconstitués par les experts et géomètres des parties, en l'absence de toute stipulation contractuelle et/ ou de cotes portées directement sur les plans qui puissent faire conclure à l'obligation du constructeur de les respecter ; que sous cet angle, l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article 1134 du code civil et des articles L. 231-2, R. 231-3 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ qu'un pré-rapport d'expertise ne constituant qu'un document préparatoire destiné à être soumis à la discussion des parties de façon à ce que l'expert puisse ensuite affiner et, le cas échéant, modifier ses constatations et appréciations, il ne saurait constituer en lui-même et indépendamment du rapport d'expertise définitif qui lui fait suite, un élément de preuve loyal et légalement admissible de nature à justifier une condamnation ; qu'en écartant les conclusions du rapport définitif de M. Y... , en ce que l'homme de l'art avait retenu que le calage altimétrique des seuils des maisons A et B ne pouvait être considéré comme une erreur d'exécution du constructeur Maisons Omega, pour préférer se fonder sur le pré-rapport du 12 janvier 2009 et conclure sur cette base à la non-conformité de l'ouvrage et prescrire sa reconstruction selon les valeurs retenues dans ce même pré-rapport, la cour viole les articles 9 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et le principe de loyauté de la preuve en matière civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le constructeur s'était engagé à édifier les deux maisons aux points précis définis par un plan de masse permettant de déterminer leur implantation et par un plan présentant en coupe l'ensemble du projet, revêtus de la signature des parties, et retenu, par une appréciation souveraine de la valeur probante du pré-rapport et du rapport de l'expert, M. Y... , et des constatations des géomètres, que la dénivellation entre les seuils des deux constructions présentait une différence de 0, 86 mètre par rapport aux plans contractuels, aggravant la pente entre les maisons et modifiant la perception des volumes, et qu'une maison avait été implantée à 4, 05 mètres de la limite de propriété nord et non à 6, 94 mètres comme prévu, la cour d'appel, qui a retenu que l'exécution de l'obligation de la société Oméga n'était possible que par la démolition et la reconstruction des ouvrages, a légalement justifié sa décision ;

Sur les seconds moyens des pourvois principaux, réunis :

Attendu que les sociétés Oméga et CGI font grief à l'arrêt de les condamner à payer la somme de 167 223, 37 euros correspondant aux pénalités contractuelles dues à la date du 25 février 2012, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel ne pouvait qualifier de fait constant le retard de livraison des ouvrages litigieux, alors que ce fait était contesté par la société Omega, qui rappelait que les ouvrages avaient été achevés et offerts à la réception dès avant l'expiration du délai contractuel d'exécution, ce qui avait été d'ailleurs constaté par huissier puis confirmé par l'expert, M. Y... , lequel avait retenu que les travaux étaient achevés au 25 novembre 2003 ; qu'en statuant ainsi au prix d'une méconnaissance des termes du litige, la cour viole l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe dispositif ;

2°/ que dans un contrat de construction de maison individuelle, les pénalités de retard ont pour seul objet de sanctionner le dépassement du délai contractuel de livraison et non la livraison d'un ouvrage non-conforme ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si indépendamment de leur non-conformité prétendue, les immeubles n'avaient pas été achevés et en l'état d'être livré dès avant la date contractuellement prévue, comme cela était soutenu, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 231-2 et R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ qu'en s'abstenant de faire ressortir en quoi les défauts de conformité qu'elle a cru pouvoir relever, s'agissant de l'implantation des deux maisons, étaient de nature à rendre les deux maisons inhabitables ou à tout le moins impropres à leur destination d'habitation, et partant à faire obstacle à la prise de possession des lieux par les maîtres d'ouvrage dès la date de son achèvement, la cour prive sa décision de base légale au regard des articles L. 231-2 et R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'exécution par la société Oméga de son engagement contractuel n'était possible que par la démolition et la reconstruction des ouvrages, qu'elle a ordonnées, ce dont il résultait que les maisons n'avaient pas été livrées à la date à laquelle elle a arrêté le cours des pénalités de retard, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que M. et Mme X... , ayant obtenu paiement de pénalités de retard, ne pouvaient prétendre au versement de sommes distinctes indemnisant un préjudice découlant du retard, la cour d'appel a pu rejeter leur demande de dommages-intérêts ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes

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