Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 18 juin 2014
N° de pourvoi: 13-19.893
Non publié au bulletin Rejet
M. Charruault (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 mars 2013), que par acte passé le 3 décembre 2007 devant Mme Y..., notaire, M. X... a vendu à la SARL Fassel immobilier (la société Fassel) un bien immeuble, qu'il est apparu le jour de la signature de l'acte que l'acquéreur ne disposait pas des fonds nécessaires au paiement du prix convenu et qu'il a été alors stipulé que ce prix serait payé au plus tard le 30 janvier 2008, que cet engagement n'a pas été tenu, que M. X... a obtenu une ordonnance du juge des référés visant à l'y contraindre, que la société Fassel a été mise en liquidation judiciaire sans que cette ordonnance eut été exécutée ; que M. X... a recherché la responsabilité du notaire et a obtenu sa condamnation à lui payer une somme correspondant au prix de vente, outre intérêt, sauf à déduire toute somme qui pourrait lui être allouée au titre de la vente forcée de l'immeuble par le mandataire-liquidateur de la société Fassel ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de la condamner ainsi, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une faute ne peut être retenue comme cause d'un préjudice que s'il est démontré que, sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en condamnant Mme Y... à indemniser M. X... du défaut de paiement du prix de vente, sans établir que, si le notaire avait attiré son attention sur l'insuffisance des garanties et le cas échéant lui avait conseillé de repousser la vente, M. X... aurait évité la réalisation de son dommage en obtenant de l'acquéreur des garanties supplémentaires ou en concluant la vente à des conditions différentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que la faute de la victime exonère en tout ou partie le notaire de sa responsabilité ; qu'en condamnant Mme Y... à payer à M. X... la somme de 270 00 euros représentant l'intégralité du prix de vente que la société Fassel immobilier ne lui avait pas versée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... n'avait pas commis une faute d'imprudence de nature à exonérer le notaire de tout ou partie de sa responsabilité en ne demandant pas la résolution de la vente avant que la société Fassel immobilier dont l'impécuniosité était manifeste ne soit placée en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ que constitue une faute le défaut de diligence dans la préservation de ses droits ; qu'en relevant par motifs adoptés qu'« il ne saurait être reproché à M. X... d'avoir tardé à défendre ses droits » puisque « l'action résolutoire n'était enfermée dans aucun délai » bien que le seul retard à exercer l'action résolutoire constituait une faute quand bien même elle n'aurait été soumise à aucun délai, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant et a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que, d'abord, l'arrêt, après avoir relevé que les garanties constituées étaient insuffisantes pour prémunir le vendeur des conséquences d'une défaillance de l'acquéreur dans l'exécution de ses obligations, alors qu'une telle hypothèse devait être envisagée en vue d'assurer l'efficacité même de l'acte, énonce que l'importance du risque aurait dû conduire le notaire, soit à s'informer préalablement de la solvabilité de l'acquéreur, soit à conseiller de reporter la vente au jour prévu pour le paiement du prix, soit à assortir l'acte d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur, caractérisant ainsi un manquement du notaire à son devoir de conseil et à son obligation d'assurer l'efficacité de son acte ; qu'ensuite, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, constatant que, par suite de négligences du notaire, M. X..., qui ne pouvait opposer le privilège du vendeur à la date de la vente forcée de l'immeuble, ce qui rendait quasi-inexistantes ses chances de participer à la distribution du prix d'adjudication, qui ne disposait pas d'autre voie de droit efficace résultant de la situation juridique créée par l'acte, à défaut de stipulation d'une clause résolutoire de plein droit, a pu en déduire, sans être tenu de rechercher si M. X... avait commis une faute dans la préservation de ses droits en n'usant pas à l'encontre de la société Fassel d'autres voies de droit qu'il n'était pas tenu d'exercer, que le préjudice n'avait aucun caractère aléatoire en dépit de la volonté du vendeur de faire aboutir la vente et qu'il était entièrement consommé pour être incontestablement en relation avec les manquements relevés à l'encontre de Mme Y... ; que le moyen, non fondé en sa première branche, est inopérant en ses deuxième et quatrième branches ;
Et attendu que la troisième branche du moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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mardi 14 octobre 2014
Devoir de conseil du notaire et caractère non aléatoire du préjudice
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