vendredi 7 novembre 2014

Devoir de conseil du courtier en assurances

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 21 octobre 2014
N° de pourvoi: 13-14.359
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Ghestin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 13 décembre 2012), que la société Entreprise de travaux industriels publics (ETIP), spécialisée dans les travaux du bâtiment et assurée pour son activité auprès de la société Axa France IARD (Axa) par l'intermédiaire de M. X..., agent général, a été chargée par la société civile immobilière La Brosse-Wenner (la SCI) de la réalisation d'un bâtiment à usage de bureaux ; que la société ETIP devant utiliser le procédé « Astron-Pinger », qui avait reçu l'appréciation technique d'expérimentation (Atex) le 11 avril 2005 et se plaignant des conséquences des doutes évoqués par M. X... quant à la couverture par l'assurance responsabilité décennale, a assigné celui-ci sur le fondement des articles L. 511-1 du code des assurances et 1384, alinéa 5, et 1382 du code civil, en paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société ETIP fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que manque à son obligation de non immixtion dans les relations entre le maître de l'ouvrage et le constructeur, l'agent général d'assurance d'une compagnie garantissant ce dernier au titre de sa responsabilité prévue par les articles 1792 et s. du code civil et qui lui a, de surcroît, délivré une attestation annuelle relative à cette garantie, qui fait publiquement état, sans la moindre réserve et à mauvais escient, d'une non-garantie au cours d'une réunion de chantier à laquelle il n'avait pas été invité par le constructeur ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que M. X... a déclaré au cours de la réunion de chantier que : « dans l'état actuel de l'appréciation M. X... (Axa) ne peut donner une garantie décennale à ETIP pour la construction en cours et a fortiori ne peut garantir la bâtiment en dommage-ouvrage », cependant que la société ETIP était assurée auprès d'Axa par un contrat « multigaranties entreprises de construction » garantissant notamment sa responsabilité décennale pour les travaux de bâtiment aux termes duquel « la garantie est conforme aux dispositions légales et réglementaires régissant l'assurance responsabilité obligatoire dans le domaine du bâtiment (article L. 241-1 du code des assurances) et fonctionne selon les règles de la capitalisation » et s'était vu délivrer une attestation aux termes de laquelle « Les garanties sont acquises pour les ouvrages réalisés suivant des procédés ou avec des produits ou matériaux de technique courante » (et) « pour les travaux de l'assuré relevant de ses activités telles que prévues aux conditions particulières du contrat et rappelées ci-dessous : Qualibat 1112 - 1152 - 2113 - 2251 - 1222 - 1331 - 12151 - 2153 - 2162 - 2241 - 2231) » ; qu'en analysant cette expression formelle d'un refus de garantie comme constitutive de simples « réserves », pour écarter toute faute personnelle de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que manque à son obligation de prudence l'agent général d'assurance d'une compagnie garantissant un constructeur au titre de sa responsabilité prévue par les articles 1792 et s. du code civil et qui lui a, de surcroît, délivré une attestation annuelle relative à cette garantie, qui fait publiquement état, sans la moindre réserve et à mauvais escient, d'une non garantie au cours d'une réunion de chantier à laquelle il n'avait pas été invité par le constructeur ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que M. X... a déclaré au cours de la réunion de chantier que : « dans l'état actuel de l'appréciation M. X... (Axa) ne peut donner une garantie décennale à ETIP pour la construction en cours et a fortiori ne peut garantir la bâtiment en dommage-ouvrage », cependant que la société ETIP était assurée auprès d'AXA par un contrat « multigaranties entreprises de construction » garantissant notamment sa responsabilité décennale pour les travaux de bâtiment aux termes duquel « la garantie est conforme aux dispositions légales et réglementaires régissant l'assurance responsabilité obligatoire dans le domaine du bâtiment (article L. 241-1 du code des assurances) et fonctionne selon les règles de la capitalisation » et s'était vu délivrer une attestation aux termes de laquelle « Les garanties sont acquises pour les ouvrages réalisés suivant des procédés ou avec des produits ou matériaux de technique courante » (et) « pour les travaux de l'assuré relevant de ses activités telles que prévues aux conditions particulières du contrat et rappelées ci-dessous : Qualibat 1112 - 1152 - 2113 - 2251 - 1222 - 1331 - 12151 - 2153 - 2162 - 2241 - 2231) » ; qu'en analysant cette expression formelle d'un refus de garantie comme constitutive de simples « réserves », pour écarter toute faute personnelle de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que manque à son obligation d'information et de conseil, l'agent général d'assurance d'une compagnie garantissant le constructeur au titre de sa responsabilité prévue par les articles 1792 et s. du code civil et qui lui a, de surcroît, délivré une attestation annuelle relative à cette garantie, qui fait publiquement état, sans la moindre réserve et à mauvais escient, d'une non garantie au cours d'une réunion de chantier à laquelle il n'avait pas été invité par le maître d'oeuvre ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que M. X... a déclaré au cours de la réunion de chantier que : « dans l'état actuel de l'appréciation M. X... (Axa) ne peut donner une garantie décennale à ETIP pour la construction en cours et a fortiori ne peut garantir la bâtiment en dommage-ouvrage », cependant que la société ETIP était assurée auprès d'Axa par un contrat « multigaranties entreprises de construction » garantissant notamment sa responsabilité décennale pour les travaux de bâtiment aux termes duquel « la garantie est conforme aux dispositions légales et réglementaires régissant l'assurance responsabilité obligatoire dans le domaine du bâtiment (article L. 241-1 du code des assurances) et fonctionne selon les règles de la capitalisation » et s'était vu délivrer une attestation aux termes de laquelle « Les garanties sont acquises pour les ouvrages réalisés suivant des procédés ou avec des produits ou matériaux de technique courante » (et) « pour les travaux de l'assuré relevant de ses activités telles que prévues aux conditions particulières du contrat et rappelées ci-dessous : Qualibat 1112 - 1152 - 2113- 2251 - 1222 - 1331 - 12151 - 2153 - 2162 - 2241 - 2231) » ; qu'en analysant cette expression formelle d'un refus de garantie comme constitutive de simples « réserves », pour écarter toute faute personnelle de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

4°/ subsidiairement, qu'au regard des articles L. 241-1, L. 243-8 du code des assurances, toute personne dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et s. du code civil à propos des travaux de bâtiment doit être couverte par une assurance ; que tout contrat d'assurance souscrit en vertu de cet article est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant à l'annexe I de l'article A. 243-1 du code des assurances, de sorte qu'aucune stipulation du contrat ne peut avoir pour effet d'amoindrir d'une manière quelconque, le contenu de ces garanties ; qu'après avoir constaté que la société ETIP était assurée auprès d'Axa par un contrat « multigaranties entreprises de construction » garantissant notamment sa responsabilité décennale pour les travaux de bâtiment aux termes duquel « la garantie est conforme aux dispositions légales et réglementaires régissant l'assurance responsabilité obligatoire dans le domaine du bâtiment (article L. 241-1 du code des assurances) et fonctionne selon les règles de la capitalisation » et s'était vu délivrer une attestation aux termes de laquelle « Les garanties sont acquises pour les ouvrages réalisés suivant des procédés ou avec des produits ou matériaux de technique courante » (et) « pour les travaux de l'assuré relevant de ses activités telles que prévues aux conditions particulières du contrat et rappelées ci-dessous : Qualibat 1112 - 1152 - 2113 - 2251 - 1222 - 1331 - 12151 - 2153 - 2162 - 2241 - 2231) », la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si, au regard de la doctrine de la Cour de cassation telle qu'elle était publiée à la date de l'attestation d'assurance du 4 janvier 2004 et de la réunion de chantier du 17 mai 2005, M. X... devait s'informer et informer la société ETIP quant au caractère éventuellement non écrit de la clause limitant la garantie aux produits ou matériaux de technique courante et, à tout le moins, devait s'abstenir de déclarer publiquement et sans la moindre réserve, qu'au regard au recours d'un procédé d'une technicité spécifique, la société ETIP n'était pas garantie, en garantie décennale et en garantie dommage-ouvrage ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... avait émis des réserves sur la garantie accordée par la société Axa, pour l'utilisation du procédé « Astron-Pinger », d'une technicité particulière, au cours de la réunion du 17 mai 2005, en présence des représentants de la SCI, de la société ETIP, de l'architecte Atelier 3 et du Bureau Veritas, qu'en sa qualité d'agent général, il avait adopté une attitude de prudence en s'en remettant à l'analyse de son mandant et des services compétents de la compagnie d'assurance et que la société ETIP avait obtenu directement de la société Axa, le 2 août 2005, une attestation d'assurance spécifique au chantier, la cour d'appel, qui a pu retenir de ces éléments qu'il était de l'intérêt de la société ETIP de connaître l'étendue exacte de la garantie dont elle bénéficiait pour le chantier en cours et qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire qu'aucun manquement contractuel n'était caractérisé à l'égard de M. X... et qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée pour les propos qu'il avait tenus lors de la réunion du 17 mai 2005 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société ETIP fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que manque à son obligation de loyauté à l'égard de son client constructeur, l'agent général d'assurance qui, sans l'informer, correspond avec un maître de l'ouvrage au sujet de l'application de la garantie délivrée au titre de la présomption de responsabilité prévue par les articles 1792 et s. du code civil ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que manque à son obligation d'information et de conseil à l'égard de son client constructeur, l'agent général d'assurance qui, sans l'informer, correspond avec un maître de l'ouvrage au sujet de l'application de la garantie délivrée au titre de la présomption de responsabilité prévue par les articles 1792 et s. du code civil ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;


Mais attendu qu'ayant relevé que M. X..., interrogé directement par la SCI sur la portée de l'attestation d'assurance du 2 août 2005, n'avait fait qu'en référer à son mandant et s'en était remis à l'analyse de sa direction générale, se bornant à un rôle de transmission des documents, la cour d'appel, a pu en déduire que dans ces conditions aucune faute ne pouvait être retenue contre lui de ce chef ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société ETIP fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen que dans ses conclusions d'appel, la société ETIP avait soutenu que la SCI de la Brosse s'était fondée sur les déclarations et les pièces de M. X... pour s'abstenir de payer des factures, au motif que la société ETIP n'était pas garantie, d'où un préjudice lié aux fautes alléguées, lié notamment au frais financiers et agios payés au titre des découverts bancaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à M. X... et que la société ETIP ne rapportait pas la preuve d'un préjudice, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a souverainement déduit que les demandes de cette société n'étaient pas justifiées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Entreprise de travaux industriels publics aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Entreprise de travaux industriels publics à payer à M. X..., la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Entreprise de travaux industriels publics ;


4 commentaires :

  1. ils ont été condamnés juste à 3000 € ?

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  2. Il s'agit d'un remboursement des honoraires d'avocat du courtier, la demande principale formée à son encontre ayant été considérée comme non fondée.

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  3. On comprend pourquoi AXA au salon de courtage de 2015 refusait d'ouvrir des nouveaux codes pour les courtiers désirant commercialisés l'assurance décennale.

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