Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 22 octobre 2014
N° de pourvoi: 13-24.371
Non publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
SCP Boulloche, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
--------------------------------------------------------------------------------
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la SCI L'Espérance Janick frères du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Aviva assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 juin 2013), que la société civile immobilière L'Espérance Janick frères (la SCI) a conclu avec M. X... un contrat d'architecte limité à l'obtention d'un permis de construire en vue de la réhabilitation d'une habitation et de la construction de deux garages ; qu'elle a confié à M. Y... des travaux de défrichage et de dessouchage d'un talus et de terrassement ; qu'un éboulement et un glissement de terrain se sont produits ; que le permis de construire a été délivré le 8 août 2006 avec la réserve suivante : « le demandeur devra s'assurer, en cas d'affouillement, de la stabilité du terrain (risque de glissements dus à la forte pente), le chemin de ronde de l'ancien château passant juste au dessus de la propriété » ; qu'à la suite des travaux de construction des deux garages, un second glissement de terrain s'est produit provoquant un effondrement partiel du chemin de ronde ; que la SCI a, après expertise, assigné en indemnisation M. X..., M. Y... et son assureur, la société Generali IARD, ainsi que la société FLS TP, en soutenant que celle-ci avait réalisé des travaux de comblement à l'origine du second glissement, et ses assureurs les sociétés Axa France IARD et Aviva assurances ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes contre M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que l'architecte chargé d'établir et de déposer un dossier de permis de construire est tenu d'informer le maître de l'ouvrage sur les difficultés du projet, et spécialement sur les contraintes du sol, qu'il doit évaluer ; qu'en affirmant, pour exclure toute responsabilité de l'architecte, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mis en garde ou conseillé la SCI dans la mesure où il n'est pas démontré que l'architecte ait été informé du premier glissement de terrain intervenu à la suite des travaux de M. Y..., ou encore que les travaux d'aménagement du talus ne relevaient pas de sa mission limitée au dépôt du permis de construire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en affirmant « qu'il ne peut être reproché à l'architecte de ne pas avoir mis en garde ou conseillé la SCI compte tenu du fait qu'il n'est pas justifié qu'il ait été informé du premier glissement de terrain », tout en constatant que « les travaux de dessouchage et d'affouillement qui ont causé le premier glissement de terrain avaient déjà été réalisés » lorsque l'architecte est intervenu, ce dont il résulte que ce glissement de terrain était visible lorsque ce dernier a visité les lieux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que même lorsqu'il n'est chargé que de la conception d'un projet et de l'établissement des plans du permis de construire, l'architecte reste tenu à un devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage et doit concevoir un projet réalisable, en tenant compte des contraintes du sol ; qu'en affirmant qu'il n'était pas démontré « que ce soit lui qui ait sollicité la société Ardennes structures bureau d'études pour réaliser les plans d'exécution des deux garages du fait de ce glissement de terrain », quand il appartenait à l'architecte de tenir compte, de son propre chef, des contraintes de construction avant d'élaborer son projet, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à exclure la responsabilité de l'architecte, a privé sa décision de base légale au regard l'article 1147 du code civil ;
4°/ que les prescriptions du permis de construire édictées par le préfet après étude du dossier établi par l'architecte ne dispensent pas celui-ci de son obligation préalable de conseil et de renseignements du maître de l'ouvrage sur les difficultés du projet, compte tenu notamment des contraintes du sol ; qu'en considérant que la SCI avait été suffisamment informée par le préfet du risque de glissement et d'effondrement du chemin de ronde et de la nécessité de s'assurer de la stabilité des terres du fait du chemin de ronde et de la propriété bâtie en surplomb, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à exclure la faute de l'architecte ayant établi les plans, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la SCI avait fait appel à M. X... alors que les travaux de dessouchage et d'affouillement ayant causé le premier glissement de terrain avaient déjà été réalisés, et retenu qu'il n'était pas justifié qu'il ait été informé de ce premier incident, que sa mission s'était arrêtée avec le dépôt de la demande de permis de construire, qu'il n'avait pas été chargé de l'exécution des travaux d'aménagement du talus, et que la SCI était suffisamment informée du risque de glissement et d'effondrement du chemin de ronde et de la nécessité de s'assurer de la stabilité des terres, la cour d'appel a pu en déduire que M. X... n'avait pas manqué à son devoir de conseil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes contre M. Y..., alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque plusieurs fautes successives se sont conjuguées pour aboutir à l'effondrement d'un immeuble, chaque faute distincte ayant concouru à la réalisation du dommage ou à son aggravation présente un lien de causalité direct et certain avec le préjudice ; qu'en affirmant au contraire qu'il n'est pas démontré que les travaux réalisés par M. Y... ont contribué de façon directe et certaine au second glissement de terrain, et par conséquent à la survenance des dommages, après avoir expressément constaté qu'il ressort du rapport d'expertise « que les travaux réalisés par M. Y... à la demande de la SCI ont fragilisé le talus », ce dont il résulte que l'intervention de M. Y... sur le talus a concouru de façon directe et certaine à la réalisation du dommage ultérieur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en l'absence de maître d'oeuvre, l'entrepreneur doit se renseigner et manque à ses obligations en omettant de vérifier l'état du sol et d'indiquer au maître de l'ouvrage les travaux indispensables à réaliser ; qu'en considérant qu'aucun manquement contractuel ne pouvait être reproché à M. Y..., tout en constatant que son intervention avait fragilisé le talus, ce dont il résultait qu'il n'avait pas suffisamment tenu compte de la configuration préexistante des lieux et des répercussions prévisibles des travaux commandés, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'en l'absence de maître d'oeuvre, l'entrepreneur doit se renseigner et manque à ses obligations en omettant de vérifier l'état du sol et d'indiquer au maître de l'ouvrage les travaux indispensables à réaliser ; qu'en affirmant qu'il ne peut davantage être reproché à M. Y... de ne pas avoir mis en garde la SCI sur un nouveau risque d'effondrement des terres si elle prenait les terres de remblai dans le talus déjà fragilisé, la cour d'appel a derechef violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, selon l'expert, M. Y... avait correctement réalisé le profilage du talus et retenu qu'il n'était pas démontré que les travaux réalisés avaient contribué de façon directe et certaine à la survenance des dommages et que la SCI avait été informée par les réserves mentionnées au permis de construire du risque de glissement de terrain, la cour d'appel a pu en déduire que M. Y... n'avait pas manqué à ses obligations ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes contre la société FLS TP et ses assureurs, alors, selon le moyen :
1°/ que ni la société FLS TP, ni son mandataire judiciaire, qui n'ont pas comparu, ni même les assureurs de la société de travaux publics n'ont contesté que cette dernière avait réalisé elle-même les travaux de remblai sur le talus en 2007, au moyen d'une pelle mécanique ; qu'en affirmant, pour exclure toute responsabilité de la société FLS TP dans la survenance du sinistre, qu'il n'était pas démontré que la SCI lui avait commandé la réalisation des travaux, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que l'entrepreneur, chargé d'exécuter des travaux doit se renseigner sur leur finalité et les risques encourus et refuser, en cas de doute, de les exécuter ; qu'en considérant, pour décider que la société FLS TP ne pouvait en tout état de cause pas être tenue pour responsable des dommages causés par les prélèvements de terre sur un sol fragilisé, qu'il n'était pas démontré que cette société ait pris la direction des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que l'entrepreneur doit se renseigner sur la finalité et les risques des travaux qu'il a acceptés de réaliser et doit refuser de les exécuter en cas de risques potentiels ; qu'en retenant, pour exclure toute faute de la société, que la SCI ne l'a pas informée de l'effondrement qui avait déjà eu lieu et des réserves du permis de construire, quand il incombait à la société FLS TP de se renseigner sur les risques encourus avant d'exécuter les travaux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
4°/ que l'entrepreneur doit non seulement évaluer les risques encourus, mais encore en informer clairement le maître de l'ouvrage ; qu'en affirmant qu'il ne peut pas être reproché à la société FLS TP de ne pas avoir mis en garde la SCI sur un nouveau risque d'effondrement des terres si elle prenait les terres de remblais dans le talus déjà fragilisé, dans la mesure où la SCI avait été avisée par le préfet du risque de glissement de terrain pendant les travaux, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à exclure toute faute et toute responsabilité contractuelle de la société FLS TP, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, sans modifier l'objet du litige, qu'il n'était pas prouvé que la société FLS TP ait été chargée de réaliser le remblai, la cour d'appel a pu déduire, de ces seuls motifs, que cette société ne pouvait être tenue pour responsable des dommages causés par les prélèvements de terres ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société L'Espérance Janick frères aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société L'Espérance Janick frères à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Ce blog est la suite de mon blog de droit de la construction: http://www.blogavocat.fr/space/albert.caston .
Vous pouvez aussi me retrouver sur mon site : http://www.caston-avocats.com/ également sur Twitter .
Inscription à :
Publier les commentaires
(
Atom
)
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.