jeudi 20 novembre 2014

1) Décennale et notion d'élément d'équipement; 2) police : clause d'exclusion des dommages aux "existants" ; 3) causalité

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 12 novembre 2014
N° de pourvoi: 12-35.138
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Terrier (président), président
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause M. X... et la société Swisslife France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 5 novembre 2012), que le 19 octobre 2005, M. et Mme Y... ont commandé à la société Cheminées et poêles faïence Z... (la société Z...) la fourniture et la pose d'une cuisinière qui a été installée avec une hotte dans leur maison ; qu'un procès-verbal de réception a été signé le 16 février 2006 ; que le 7 août 2006, M. X... a procédé au ramonage des installations sans pouvoir nettoyer le tuyau de raccordement de la cuisinière au conduit de fumée ; qu'un incendie a détruit l'immeuble dans la nuit du 2 au 3 novembre 2006 ; que M. et Mme Y... ainsi que leur fille (les consorts Y...) ont, avec leur assureur la MACIF, fait assigner la société Z... devant le tribunal de grande instance aux fins de voir engager la responsabilité de cette dernière et celle de M. X... et être indemnisés de leur préjudice ; que M. X... et son assureur, la société Swisslife France, ont appelé en garantie la société Axa France, assureur de la société Z... ; qu'ayant cédé les parts de la société Z... à la société Holding Drion par acte du 31 mars 2006 avec une garantie de passif, les consorts Z... sont intervenus volontairement à l'instance, ainsi que la société Holding Drion ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident relevé par la société Axa France, réunis, ci-après annexé, délibéré par la chambre commerciale :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Z... et Holding Drion font grief à l'arrêt de déclarer la société Z... responsable, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, de l'incendie et de dire que la société Axa ne doit pas sa garantie, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un élément d'équipement d'un ouvrage en est indissociable lorsque son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage, le désordre affectant un tel élément d'équipement relevant alors de la garantie décennale ; qu'en se bornant, pour considérer que la cuisinière n'était pas un élément d'équipement indissociable de la maison des consorts Y... et ainsi écarter l'application de la garantie décennale au profit de la responsabilité contractuelle de droit commun, à retenir que la hotte avait été fixée au mur et que le tuyau de raccordement avait été relié au conduit de fumée de la maison, sans rechercher, comme elle y était invitée par les dernières écritures d'appel des sociétés Z... et Holding Drion, si le démontage ou le remplacement de la hotte, même simplement fixée au mur, et du tuyau de raccordement, même simplement relié au conduit de fumée, pouvaient s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de la maison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-2 du code civil ;

2°/ que relèvent de la garantie décennale les désordres qui, même s'ils n'affectent qu'un élément d'équipement dissociable d'un immeuble d'habitation, rendent l'ouvrage impropre à sa destination, en raison du risque d'incendie qu'ils engendrent ; que la cour d'appel a estimé que l'absence d'un caisson de ventilation, la dimension réduite de la hotte et sa proximité avec le conduit de raccordement qu'elle contenait suffisaient à entraîner un échauffement excessif sous le plancher en bois, ce dont il résultait que ces désordres étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, en raison du risque d'incendie qu'ils engendraient ; qu'en retenant néanmoins que de tels désordres ne relevaient pas de la garantie décennale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les travaux exécutés ne constituaient pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et que le tuyau de raccordement et la hotte n'étaient que des éléments d'équipement de la cuisinière, la cour d'appel en a exactement déduit que la garantie décennale ne pouvait s'appliquer ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident relevé par les consorts Y... et la MACIF, réunis :

Attendu que les sociétés Z... et Holding Drion font grief à l'arrêt de débouter la société Z... de son action en garantie contre M. X... ; que les consorts Y... avec la société MACIF font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. X... et admis l'action en garantie contre son assureur, la société Swisslife et de les débouter de leur action dirigée contre M. X... et la société Swisslife, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un ramoneur, tenu à cet égard d'une obligation de résultat, doit procéder au démontage des éléments de l'installation qu'il a été chargé de nettoyer pour en assurer un complet nettoyage ; que la cour d'appel avait constaté que M. X... avait facturé le ramonage de deux cheminées à bois, dont le conduit de raccordement était un élément, ce dont il résultait qu'il était tenu de procéder au démontage de la hotte qui en fermait l'accès ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter sa responsabilité, qu'il ne lui incombait pas de démonter la hotte pour accéder au conduit de raccordement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'un ramoneur étant tenu d'un devoir de mise en garde concernant la dangerosité de l'installation qu'il a été chargé de nettoyer, et non seulement concernant la présence de suie, il ne suffit pas au juge, pour écarter le rôle causal que peut jouer un manquement à ce devoir dans la survenance d'un incendie, de constater que l'incendie n'a pas été causé par la présence de suie ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter tout rôle causal du manquement de M. X... à son devoir de mise en garde sur les dangers de l'installation qu'il avait été chargé de nettoyer, que l'incendie n'avait pas été provoqué par la présence de suie, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'est causale toute faute sans laquelle le dommage allégué ne se serait pas produit ; qu'en affirmant que le défaut de mise en garde de M. X... n'avait pas joué de rôle dans la survenance du sinistre, sans rechercher si informés de la dangerosité de l'installation et de l'impossibilité de la ramoner, les consorts Y... ne se seraient pas abstenus de la faire fonctionner, de sorte que le dommage ne se serait pas réalisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'expert n'avait pu constater l'encrassement du tuyau de raccordement et retenu, par une appréciation souveraine des moyens de preuve qui lui étaient soumis, que la cuisinière n'était pas le seul mode de chauffage de la maison, que le tuyau récent ne pouvait être couvert de suie et que les défauts de la hotte étaient, à eux seuls, suffisants pour générer l'incendie, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant sur l'absence d'obligation de démontage de la hotte par le ramoneur, a pu en déduire que l'insuffisance de ramonage et le défaut de mise en garde de M. X... sur l'absence de nettoyage intégral du raccordement, connue des consorts Y..., n'avaient pas eu de rôle causal dans la réalisation du sinistre ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Attendu que, pour débouter la société Z... de sa demande de garantie contre la société Axa France, l'arrêt retient que l'article 13 des conditions générales du contrat envisage différents cas de dommages matériels ou corporels couverts par la garantie responsabilité civile du chef d'entreprise ; que l'article 14 exclut, en ce qui concerne les travaux réalisés par l'assuré, les dommages affectant ces travaux et, après réception, les dommages causés par ces travaux aux existants ; que cet article ne vide pas de son sens la garantie prévue par l'article 13 compte tenu de l'étendue de ce dernier ;

Qu'en statuant ainsi, par voie d'affirmation générale, sans préciser l'étendue de la garantie subsistant après application de la clause d'exclusion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Et sur le cinquième moyen du pourvoi principal délibéré par la chambre commerciale :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Attendu que pour débouter la société Holding Drion de sa demande au titre de la garantie de passif, l'arrêt, après avoir constaté que l'acte de cession de parts de la société Z... énonçait que le passif qui pourrait donner lieu au versement par le cédant d'une indemnité au profit du cessionnaire comprendrait notamment toute somme supportée par la société Z... en exécution d'engagements donnés antérieurement au 31 décembre 2005, retient que si cette dernière doit indemnisation aux consorts Y... et à leur assureur des conséquences dommageables de l'incendie du 3 novembre 2006, en raison de l'installation de la cuisinière résultant d'une commande du 19 octobre 2005, la cause du sinistre n'est pas la commande, mais la mise en oeuvre de l'installation du 15 et 16 février 2006 ; qu'il en déduit que cette cause étant postérieure au 31 décembre 2005, la garantie n'est pas due ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les obligations contractuelles prennent naissance, sauf convention contraire, au jour de la conclusion du contrat et non au jour de leur exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Holding Drion de sa demande au titre de la garantie de passif et en ce qu'il a dit que la société Axa France IARD ne doit pas sa garantie au titre du contrat multirisque artisan du bâtiment la liant à la société cheminées et poêles Z..., l'arrêt rendu le 5 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;

Condamne les consorts Z..., les consorts Y... et la MACIF aux dépens exposés par M. X... et son assureur la société Swisslife ;

Dit que les autres dépens resteront à la charge des parties qui les ont exposés ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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