Actualité 2016 de
l’assurance construction
L’assurance de responsabilité civile décennale
Mobilisation de la garantie
L’assureur, qui, en
connaissance des résultats de l'expertise dont le but est d'établir la réalité
et l'étendue de la responsabilité de son assuré qu'il garantit, a eu la
possibilité d'en discuter les conclusions, ne peut, sauf s'il y a eu fraude à
son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable
Cass. 3e civ.,
29 sept. 2016, n° 15-16.342, Constr.-Urb. 2016, comm. 150, M.-L.
Pagès-de Varenne, RGDA 2016.528, J.-P. Karila :
« Attendu, selon
l'arrêt attaqué (Metz, 9 décembre 2014), que M. et Mme X... ont confié à la
société Archica, en qualité de maître d'oeuvre et de constructeur, assurée
auprès de la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics
(CAMBTP), la construction de trois pavillons mitoyens et d'une maison
d'habitation ; que le chantier a été interrompu, la société Archica ayant été
placée en liquidation judiciaire ; que M. et Mme X... ont, après expertise,
assigné la CAMBTP en indemnisation de leurs préjudices ;
[…]
Vu l'article 16 du
code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire
que le rapport d'expertise n'est pas opposable à la CAMBTP, l'arrêt retient que
l'assureur n'a pas été appelé à la procédure de référé engagée par M. et Mme
X... à l'encontre de la société Archica et de l'administrateur judiciaire,
qu'ainsi le rapport d'expertise judiciaire, à laquelle la partie à qui on
l'oppose n'a pas été appelée, qui, certes, a été soumis à la libre discussion
des parties durant les procédures de première instance et d'appel, ne peut à
soi seul constituer la preuve des manquements contractuels du maître d'oeuvre à
ses obligations en qualité de constructeur ;
Qu'en statuant ainsi,
alors que l'assureur, qui, en connaissance des résultats de l'expertise dont
le but est d'établir la réalité et l'étendue de la responsabilité de son assuré
qu'il garantit, a eu la possibilité d'en discuter les conclusions, ne peut,
sauf s'il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable,
la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »
La décision
judiciaire, condamnant l'assuré en raison de sa responsabilité, constitue, pour
l'assureur de cette responsabilité, la réalisation, tant dans son principe que
dans son étendue, du risque couvert et lui est, dès lors opposable, à moins de
fraude à son encontre. L'assuré
n'ayant pas mis en cause son assureur, peut-il se prévaloir de la décision
judiciaire le condamnant pour obtenir par la suite sa garantie ? Il peut être
répondu par l'affirmative et ce en raison du principe de la dette de
responsabilité. (L113-5 c. ass.)
Cass. 3e civ., 18
févr. 2016, n° 14-29.200, Constr.-Urb. 2016, comm. 57, M.-L. Pagès-de
Varenne :
« Vu l'article
L. 113-5 du code des assurances ;
Attendu que, pour
l'application de ce texte, la décision judiciaire, condamnant l'assuré en
raison de sa responsabilité, constitue, pour l'assureur de cette
responsabilité, la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du
risque couvert et lui est, dès lors opposable, à moins de fraude à son encontre
;
Attendu, selon l'arrêt
attaqué (Rennes, 2 octobre 2014), que la société European Homes France a été
condamnée, par deux jugements irrévocables du 12 décembre 2007, à refaire la
toiture de deux maisons qu'elle avait fait construire et qu'elle avait vendues ;
que la condamnation, prononcée au profit d'un des deux acquéreurs, est
intervenue sur le fondement de la responsabilité décennale de la société
European Homes France et celle prononcée au profit de l'autre acquéreur sur le
fondement de l'engagement contractuel de remplacement de la toiture pris par le
vendeur sans que le tribunal n'ait eu à caractériser le caractère décennal du
désordre eu égard au cadre juridique contractuel du litige ; que la société
European Homes France a assigné en garantie la société L'Equité, assureur de
responsabilité décennale ;
Attendu que, pour
rejeter la demande, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que, dans le délai
décennal, des infiltrations se seraient produites, que l'isolation thermique
serait affectée ni que la toiture ne remplirait pas sa fonction d'étanchéité,
de sorte que les conditions d'application de l'article 1792 du code civil ne
sont pas réunies, faute d'un dommage compromettant la solidité de l'ouvrage ou
le rendant impropre à sa destination ;
Qu'en statuant
ainsi, alors que la dette de responsabilité de l'assuré, acquise en son
principe comme en son montant, était opposable à l'assureur qui ne pouvait plus
contester sa garantie qu'au regard des stipulations de sa police, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ; »
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