mercredi 16 mars 2022

C'est à l'assureur qu'incombe de démontrer, en versant la police aux débats, qu'il ne doit pas sa garantie pour le sinistre, objet du litige

  Note JP. Karila, RGDA 2022-4, p. 25.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mars 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 217 F-D

Pourvoi n° E 20-22.486




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022

La caisse régionale d'assurance mutuelle agricole (CRAMA) du Nord-Est, dite Groupama Nord-Est, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 9], a formé le pourvoi n° E 20-22.486 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [X],

2°/ à Mme [B] [S], épouse [X],

tous deux domiciliés [Adresse 10], [Localité 4],

3°/ à M. [J] [N],

4°/ à Mme [W] [N],

tous deux domiciliés [Adresse 7], [Localité 8],

5°/ à la société Aviva assurances, devenue Abeille Iard & Santé, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

6°/ à M. [V] [Y], domicilié [Adresse 1], [Localité 3],

7°/ à la société Investim 'aube, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11], [Localité 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la CRAMA du Nord-Est, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [X], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [N], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Abeille Iard & Santé, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 15 septembre 2020), par acte authentique du 6 décembre 2004, M. et Mme [N] ont vendu à M. et Mme [X] une maison d'habitation avec garage, dont ils avaient confié la construction à M. [O], pour la maçonnerie.

2. Se plaignant de l'apparition de fissures, M. et Mme [X] ont, après expertise judiciaire, assigné en indemnisation les vendeurs et la caisse régionale d'assurance mutuelles agricoles du Nord-Est (la caisse Groupama Nord-Est), en sa qualité d'assureur de M. [O], depuis lors en liquidation judiciaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La caisse Groupama Nord-Est fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est le seul assureur de responsabilité décennale de M. [O] pour le sinistre, de rejeter les demandes dirigées à l'encontre de la société Aviva assurances, de la condamner in solidum avec M. et Mme [N] à payer diverses sommes au titre des travaux de reprise des désordres, des préjudices immatériels, de jouissance et moral et des frais de déménagement, de réaménagement et de relogement pendant la durée des travaux de reprise et de la condamner à garantir M. et Mme [N] des condamnations prononcées à leur encontre, alors « qu'il appartient à celui qui allègue l'existence d'une garantie plus étendue que la garantie de responsabilité décennale obligatoire de l'établir ; qu'en l'espèce, l'attestation d'assurance produite par M. et Mme [X] ne faisait pas état d'une garantie de responsabilité décennale étendue aux dommages immatériels ; qu'en jugeant Groupama tenue de garantir les dommages immatériels causés à M. et Mme [X] à défaut d'avoir rapporté la preuve du contenu de la police, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve de l'existence d'une garantie facultative couvrant les dommages immatériels et violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La Cour de cassation juge que, lorsque le bénéfice d'un contrat d'assurance est invoqué, non par l'assuré, mais par la victime du dommage, tiers à ce contrat, c'est à l'assureur qu'il incombe de démontrer, en versant la police aux débats, qu'il ne doit pas sa garantie pour le sinistre, objet du litige (1re Civ., 2 juillet 1991, pourvoi n° 88-18.486, Bull. 1991, I, n° 217).

6. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que, s'il résulte des articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur qui garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage ne s'étend pas aux dommages immatériels, la victime des dommages qui exerce l'action directe contre l'assureur de responsabilité décennale, étant tiers au contrat d'assurance, ne peut prouver le contenu de la police, de sorte qu'il appartient à l'assureur de produire son contrat afin d'établir si sa garantie couvre ou non les dommages immatériels.
7. Ayant relevé que l'existence du contrat d'assurance couvrant M. [O] pour le chantier litigieux était établie et constaté que la caisse Groupama Nord-Est, qui soutenait ne pas couvrir les dommages immatériels, n'avait pas produit la police malgré la sommation de communiquer délivrée par M. et Mme [X], la cour d'appel en a exactement déduit que, n'apportant pas la preuve, qui lui incombait, du contenu de la police, elle devait garantir les dommages immatériels résultant des dommages matériels relevant de la garantie décennale.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse régionale d'assurance mutuelles agricoles du Nord- Est (Groupama Nord-Est) aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale d'assurance mutuelles agricoles du Nord-Est (Groupama Nord-Est) et la condamne à payer à M. et Mme [X] la somme de 3 000 euros, à M. et Mme [N] la somme de 3 000 euros et à la société Abeille Iard & Santé la somme de 3 000 euros ;

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