mardi 1 mars 2022

Le juge ne peut refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 177 F-D

Pourvoi n° X 20-22.778




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société [Adresse 1], société civile de construction vente, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-22.778 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [W] [G], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société [Adresse 1], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 novembre 2020), la société Initiative 2008, aux droits de laquelle vient la société civile de construction-vente 251-253 rue Judaïque (la SCCV), a confié à M. [G], architecte, la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un immeuble destiné à être vendu en l'état futur d'achèvement et placé sous le régime de la copropriété.

2. Le maître d'ouvrage a assigné le maître d'oeuvre en indemnisation du préjudice résultant du déficit de surface d'un des lots vendus.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La SCCV fait grief à l'arrêt de déclarer un certificat de mesurage inopposable à M. [G] et de rejeter ses demandes, alors « que le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en refusant de prendre en compte les certificats de mesurage « loi Carrez » réalisés le 22 mars 2013 et le 3 mars 2020 par la SCCV 251-253 Rue judaïque produits, au motif qu'ils avaient été réalisés à sa seule demande, même après convocations de M. [G] et de l'assureur dont la présence n'est pas avérée, au lieu de rechercher si ces rapports, dont elle constatait la production et la communication régulières et leur soumission à la discussion contradictoire, ne se corroboraient pas mutuellement et ne pouvaient donc avoir une portée probante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ce texte que le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

5. Pour rejeter la demande d'indemnisation du préjudice lié à la différence entre la surface prévue et la surface obtenue, l'arrêt, après avoir énoncé que le juge ne pouvait se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, retient que les certificats de mesurage « loi Carrez », réalisés à la seule demande de la SCCV, ne peuvent suffire à établir la réalité du préjudice invoqué.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les deux rapports, dont elle avait constaté qu'ils avaient été soumis à la libre discussion des parties, ne se corroboraient pas entre eux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

7. Selon l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

8. La cassation du rejet de la demande d'indemnisation entraîne, par voie de conséquence, la cassation du rejet de la demande subsidiaire d'expertise judiciaire avant dire droit.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à la société civile de construction-vente 251-253 rue Judaïque la somme de 3 000 euros ;

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.