mardi 8 mars 2022

Cassation "disciplinaire" d'un arrêt trop exigeant sur le mode de rédaction du dispositif des conclusions d'appel...

 Note S. Amrani-Mekki, GP 2022-14,  p. 52.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 mars 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 244 F-B

Pourvoi n° W 20-20.017




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022

La société Entreprise Bonnevie et fils, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-20.017 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant à la société Bardage étanchéité couverture isolation bâtiments et travaux publics, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société Entreprise Bonnevie et fils, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Bardage étanchéité couverture isolation bâtiments et travaux publics, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mai 2020), la société Entreprise Bonnevie et fils a relevé appel, le 22 mars 2018, d'un jugement d'un tribunal de commerce, qui l'a notamment condamnée à paiement dans un litige l'opposant à la société Bardage étanchéité couverture isolation bâtiments et travaux publics (BECI BTP).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2.En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La société Bonnevie et fils fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris l'ayant condamnée à payer à la société BECI BTP la somme de 32 753,78 euros avec pénalités de retard calculées au taux d'intérêts appliqué par la banque centrale européenne pour son opération de refinancement la plus récente, augmentée de 10 points de pourcentage à compter du 13 décembre 2015 et l'ayant déboutée de sa demande reconventionnelle alors « que les conclusions d'appel comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions ; qu'il n'est pas exigé que l'énoncé des chefs de jugement critiqués soit mentionné dans le dispositif ; qu'en se fondant, pour déclarer les conclusions de l'appelante irrecevables et en déduire qu'elle n'était pas saisie régulièrement de l'appel de la société Bonnevie, sur l'absence, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, des dispositions du jugement dont il est sollicité la réformation, cependant, d'une part, que les chefs de jugement critiqués étaient mentionnés dans lesdites conclusions et, d'autre part, que le dispositif de celles-ci sollicitait l'infirmation du jugement et récapitulait les prétentions de l'appelante, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 1, 2 et 3 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 applicable au litige :

4. Selon l'alinéa 1er, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

5. Aux termes des alinéas 2 et 3, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

6. Pour confirmer le jugement, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 954, énonce en substance qu'elles imposent à la cour de ne statuer que sur les prétentions expresses, récapitulées dans le dispositif des conclusions et que l'absence dans le dispositif des conclusions d'une partie appelante de la demande expresse d'infirmation de dispositions du jugement clairement mentionnées ne la saisit pas de cette demande et ne l'autorise pas à infirmer le jugement.

7. Il ajoute qu' en l'absence d'infirmation préalable de ce qui a déjà été jugé, la cour ne peut pas statuer sur les prétentions figurant dans le dispositif des conclusions des appelants, auxquelles il a été déjà répondu par un jugement qui subsiste à défaut d'infirmation et que la circonstance que des prétentions claires, précises et motivées figurent dans le dispositif des conclusions n'est pas de nature à combler cette absence, dès lors que la cour ne peut y faire droit, ou les rejeter, que si dans le même temps elle infirme, ou confirme, le jugement critiqué sur des dispositions clairement visées.

8. Il relève que la société Bonnevie et fils, appelante principale, sollicite dans le dispositif de ses conclusions d'« infirmer la décision dont appel sur les chefs du dispositif critiqués » mais ce dispositif n'indique nullement les dispositions du jugement dont il est sollicité la réformation de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie de demande d'infirmation par l'appelant principal.

9. En statuant ainsi, alors que l'appelante, dans le dispositif de ses conclusions, ne se bornait pas à demander à la cour de réformer la décision entreprise, mais formulait plusieurs prétentions, et qu'elle n'était pas tenue de reprendre, dans celui-ci, les chefs de dispositif du jugement dont elle demandait l'infirmation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Condamne la société Bardage étanchéité couverture isolation bâtiments et travaux publics aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bardage étanchéité couverture isolation bâtiments et travaux publics et la condamne à payer à la société Entreprise Bonnevie et fils la somme de 3 000 euros ;

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