Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 20-23.446
- ECLI:FR:CCASS:2022:C200232
- Non publié au bulletin
- Solution : Annulation
Audience publique du jeudi 03 mars 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 02 décembre 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 mars 2022
Annulation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 232 F-D
Pourvoi n° Y 20-23.446
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022
Mme [L] [O], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 20-23.446 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Polysurfaces France Ouest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Hôtel Royal Saint-Germain, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2020), Mme [O], estimant ne pas avoir été remplie de ses droits et contestant le bien-fondé de son licenciement par la société Polysurfaces France Ouest qui l'avait mise à la disposition de la société Hôtel Royal Saint-Germain, a saisi un conseil de prud'hommes qui l'a déboutée de ses demandes.
2. Mme [O] a interjeté appel le 1er août 2018.
3. La cour d'appel a relevé d'office la caducité de sa déclaration d'appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [O] fait grief à l'arrêt de déclarer sa déclaration d'appel caduque, alors :
« 1°/ que si la jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; que les conclusions d'appelante de Mme [O] ont été régulièrement notifiées et déposées en 2018 alors qu'elle ne pouvait ni connaître ni prévoir l'obligation nouvelle de mentionner dans le dispositif de ses conclusions une demande d'infirmation du jugement, qui a été consacrée pour la première fois par un arrêt publié de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 et qui résulte de l'interprétation nouvelle des articles 542 et 954 du code de procédure civile au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; que dès lors, l'application immédiate de cette nouvelle règle de procédure à l'instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt la consacrant aboutit à priver Mme [O] d'un procès équitable en lui interdisant l'accès au juge d'appel ; qu'en appliquant cependant cette nouvelle règle de procédure à l'instance introduite par Mme [O] deux années auparavant, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en tout état de cause, lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; qu'en déclarant la déclaration d'appel déposée en 2018 par Mme [O] caduque au motif que ses conclusions remises dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile comportent un dispositif qui ne sollicite à aucun moment l'infirmation totale ou partielle du jugement quand la cour d'appel pouvait seulement confirmer le jugement, la cour d'appel a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile tels qu'interprétés au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
5. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue, à l'article 914 du code de procédure civile, de relever d'office la
caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d‘appel si les conditions en sont réunies.
6. Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties
à la procédure d'appel ayant été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié) pour la première fois dans un arrêt publié, son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
7. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient qu'il se déduit de la combinaison des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile que les conclusions d'appelant devant être remises au greffe dans le délai de trois mois, à compter de la déclaration d'appel, doivent déterminer l'objet du litige soumis à la cour d'appel portant sur la réformation partielle ou totale ou l'annulation du jugement entrepris. Il ajoute que, sur la question de la présentation des prétentions, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a repris in extenso les prescriptions applicables antérieurement, de sorte que le non-respect de ces dispositions caractérise une absence de conformité substantielle des conclusions de l'appelante et que ces règles, découlant de ce même décret, entré en vigueur le 1er septembre 2017, soit onze mois avant la déclaration d'appel de Mme [O], encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel selon lesquelles la partie appelante est représentée par un professionnel du droit, sont dépourvues d'ambiguïté et ne remettent pas en cause le droit à l'accès au juge d'appel et le droit à un procès équitable.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours aboutissant à priver Mme [O] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne les sociétés Polysurfaces France Ouest et Hôtel Royal Saint-Germain aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Polysurfaces France Ouest et Hôtel Royal Saint-Germain à payer à Mme [O] la somme globale de 3 000 euros ;
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 mars 2022
Annulation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 232 F-D
Pourvoi n° Y 20-23.446
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022
Mme [L] [O], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 20-23.446 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Polysurfaces France Ouest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Hôtel Royal Saint-Germain, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2020), Mme [O], estimant ne pas avoir été remplie de ses droits et contestant le bien-fondé de son licenciement par la société Polysurfaces France Ouest qui l'avait mise à la disposition de la société Hôtel Royal Saint-Germain, a saisi un conseil de prud'hommes qui l'a déboutée de ses demandes.
2. Mme [O] a interjeté appel le 1er août 2018.
3. La cour d'appel a relevé d'office la caducité de sa déclaration d'appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [O] fait grief à l'arrêt de déclarer sa déclaration d'appel caduque, alors :
« 1°/ que si la jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; que les conclusions d'appelante de Mme [O] ont été régulièrement notifiées et déposées en 2018 alors qu'elle ne pouvait ni connaître ni prévoir l'obligation nouvelle de mentionner dans le dispositif de ses conclusions une demande d'infirmation du jugement, qui a été consacrée pour la première fois par un arrêt publié de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 et qui résulte de l'interprétation nouvelle des articles 542 et 954 du code de procédure civile au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; que dès lors, l'application immédiate de cette nouvelle règle de procédure à l'instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à l'arrêt la consacrant aboutit à priver Mme [O] d'un procès équitable en lui interdisant l'accès au juge d'appel ; qu'en appliquant cependant cette nouvelle règle de procédure à l'instance introduite par Mme [O] deux années auparavant, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en tout état de cause, lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; qu'en déclarant la déclaration d'appel déposée en 2018 par Mme [O] caduque au motif que ses conclusions remises dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile comportent un dispositif qui ne sollicite à aucun moment l'infirmation totale ou partielle du jugement quand la cour d'appel pouvait seulement confirmer le jugement, la cour d'appel a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile tels qu'interprétés au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
5. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue, à l'article 914 du code de procédure civile, de relever d'office la
caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d‘appel si les conditions en sont réunies.
6. Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties
à la procédure d'appel ayant été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié) pour la première fois dans un arrêt publié, son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
7. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient qu'il se déduit de la combinaison des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile que les conclusions d'appelant devant être remises au greffe dans le délai de trois mois, à compter de la déclaration d'appel, doivent déterminer l'objet du litige soumis à la cour d'appel portant sur la réformation partielle ou totale ou l'annulation du jugement entrepris. Il ajoute que, sur la question de la présentation des prétentions, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a repris in extenso les prescriptions applicables antérieurement, de sorte que le non-respect de ces dispositions caractérise une absence de conformité substantielle des conclusions de l'appelante et que ces règles, découlant de ce même décret, entré en vigueur le 1er septembre 2017, soit onze mois avant la déclaration d'appel de Mme [O], encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel selon lesquelles la partie appelante est représentée par un professionnel du droit, sont dépourvues d'ambiguïté et ne remettent pas en cause le droit à l'accès au juge d'appel et le droit à un procès équitable.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours aboutissant à priver Mme [O] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne les sociétés Polysurfaces France Ouest et Hôtel Royal Saint-Germain aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Polysurfaces France Ouest et Hôtel Royal Saint-Germain à payer à Mme [O] la somme globale de 3 000 euros ;
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