mercredi 16 mars 2022

La garantie des dommages immatériels prévue par la police était-elle subordonnée à ce que ces dommages soient consécutifs à un dommage matériel résultant d'un désordre de nature décennale ?

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mars 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 218 F-D

Pourvoi n° X 21-10.155




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° X 21-10.155 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société BECI, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société BS, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Fibie, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société BS,

4°/ à Mme [T] [P], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur de la société BECI,

défenderesses à la cassation.

Mme [P] agissant en qualité de liquidateur de la société BECI a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société BECI et de Mme [P], ès qualités, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat des sociétés BS et Fibie, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 octobre 2020), la société civile immobilière BS (la SCI BS), assurée, suivant police dommages-ouvrage, par la société Axa France IARD (la société Axa), a fait construire par la société Bureau d'études commercialisation industrielle (la société BECI) un immeuble à usage de bureaux.

2. Après réception avec réserves, le maître de l'ouvrage, soutenant que le béton cellulaire utilisé n'était pas conforme à celui qui avait été contractuellement prévu, a assigné les sociétés BECI et Axa.

3. La SCI BS ayant vendu l'immeuble à la société civile professionnelle Fibie (la SCI Fibie), celle-ci est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur les trois moyens du pourvoi incident, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SCI Fibie la somme de 161 280 euros au titre de la perte de loyers subie par cette société durant la durée des travaux de reprise, « alors qu'il relève de la liberté des parties au contrat d'assurances de déterminer la nature et l'étendue des garanties ; qu'en condamnant l'assureur au titre des dommages immatériels, pour la raison qu'il résulte des conditions particulières de l'assurance dommages-ouvrage souscrite le 24 juillet 2006 par la société BS auprès d'Axa que les dommages après réception sont couverts, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dommages immatériels dont la prise en charge était demandée étaient la conséquence d'un dommage matériel garanti, c'est-à-dire d'un désordre de nature décennal, conformément à l'article 4.3.1 des conditions générales de la police, ce qui conditionnait l'acquisition de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 du code des assurances et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 févier 2016 ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

7. Pour accueillir la demande de la SCI Fibie au titre des dommages immatériels, l'arrêt, qui relève que la violation par la société Axa de ses obligations découlant de l'annexe II à l'article A. 243-1 du code des assurances l'expose à la mise en oeuvre de la garantie automatique, sans la faculté de discuter de la nature des désordres déclarés, retient que, si l'article L. 242-1 du code des assurances fixe limitativement les sanctions applicables aux manquements de l'assureur dommages-ouvrage à ses obligations, de sorte que la sanction de l'inobservation des formes et délai d'instruction de la déclaration de sinistre ne s'étend pas à la garantie des dommages immatériels, il résulte en l'espèce des conditions particulières de l'assurance dommages-ouvrage, souscrite le 24 juillet 2006 par la SCI BS auprès de la société Axa, que les dommages immatériels après réception sont couverts.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la garantie des dommages immatériels contractuellement prévue par les conditions générales de la police n'était pas subordonnée à la constatation que ces dommages étaient consécutifs à un dommage matériel résultant d'un désordre de nature décennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à payer à la société civile immobilière Fibie la somme de 161 280 euros au titre de la perte de loyers subie par cette société durant la durée des travaux de reprise, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne les sociétés civiles professionnelles BS et Fibie aux dépens du pourvoi principal et la société Bureau d'études commercialisation industrielle et Mme [P], ès qualités, à ceux du pourvoi incident ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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