vendredi 25 mars 2022

L'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré (suicide)

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 mars 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 272 F-D

Pourvoi n° C 20-19.057




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 MARS 2022

La société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-19.057 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [T] [P],

2°/ à M. [M] [V],

3°/ à Mme [D] [V],

tous trois domiciliés [Adresse 1],

4°/ à la société Assurances du crédit mutuel IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Generali IARD, de la SCP Gaschignard, avocat de Mme [P] et M. et Mme [V] et de la société Assurances du crédit mutuel IARD, et après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2020), le 2 août 2010, une explosion, suivie d'un incendie, a gravement endommagé un immeuble en copropriété, dont l'appartement de Mme [P], et a entraîné le décès d'une résidente.

2. M. [G] a déclaré avoir provoqué le sinistre en tentant de se suicider et a été reconnu coupable, par un tribunal correctionnel, des délits d'homicide involontaire et de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes. Sur l'action civile de Mme [P] et de ses enfants M. et Mme [V], le tribunal correctionnel a condamné M. [G] à leur payer certaines sommes en réparation de leurs préjudices.

3. Mme [P] et son assureur, la société Assurances du crédit mutuel IARD (la société ACM), ont assigné l'assureur de M. [G], la société Generali France assurances (la société Generali), en réparation du préjudice causé par l'incendie. M. et Mme [V] sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Generali fait grief à l'arrêt de la condamner, en application du contrat d'assurance souscrit par M. [G] et en garantie de la condamnation civile prononcée à l'encontre de celui-ci par le tribunal correctionnel de Colmar le 14 mars 2014, à payer à Mme [P] 3 000 euros au titre du préjudice moral et 2 000 euros au titre du préjudice matériel, de la condamner, en application du même contrat et en garantie de la condamnation civile prononcée à l'encontre de celui-ci par le tribunal correctionnel, à payer à M. et Mme [V] la somme de 3 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral et de la condamner, en application du même contrat, à payer à la société ACM une somme de 40 771,22 euros, alors « que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ; que la faute dolosive suppose la volonté de son auteur de commettre le manquement en connaissance de ses conséquences dommageables, mais sans que celles-ci constituent nécessairement le but même de son action fautive ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que la faute commise par M. [G] ne pouvait être qualifiée d'intentionnelle au sens de cette disposition, faute de démontrer que celui-ci avait eu la volonté de causer des dommages à autrui, sans vérifier, comme il lui était demandé, si la faute de l'assuré ne revêtait pas un caractère dolosif compte tenu de la conscience que M. [G] devait avoir des dommages que l'explosion volontaire de son appartement entraînerait nécessairement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances :

6. Selon ce texte, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

7. Pour condamner la société Generali, en application du contrat d'assurance souscrit par M. [G], payer les sommes de 3 000 euros et 2 000 euros à Mme [P] et de 3 000 euros à M. et Mme [V] en garantie de la condamnation civile prononcée contre M. [G], et la somme de 40 771,22 euros à la société ACM, l'arrêt énonce que la faute intentionnelle de l'assuré s'entend de celle qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu. Il ajoute que la société Generali n'invoque aucune circonstance permettant de démontrer que M. [G] avait la volonté de créer le dommage dont il est demandé réparation à son assureur et qu'il ressort au contraire des pièces produites que, s'il a commis volontairement l'acte à l'origine de l'incendie, sa seule volonté était d'attenter à sa vie et non de nuire à celle d'autrui ou à des biens. Il en déduit que la faute intentionnelle au sens de l'article susvisé n'est pas caractérisée, peu important que l'intéressé ait été condamné pour une infraction intentionnelle au sens du droit pénal.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [G] n'avait pas eu conscience de ce qu'une explosion provoquée dans son appartement entraînerait inéluctablement des conséquences dommageables dans l'ensemble de l'immeuble et n'avait pas, dès lors, commis une faute dolosive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action directe intentée par Mme [P], Mme [V], M. [V] et la société Assurances du crédit mutuel IARD à l'encontre de la société Generali IARD, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne Mme [P], Mme [V], M. [V] et la société Assurances du crédit mutuel IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [P], Mme [V], M. [V] et la société Assurances du crédit mutuel IARD et les condamne, in solidum, à payer à la société Generali IARD la somme de 3 000 euros ;

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