jeudi 10 mars 2022

Eolienne - vice caché - déblocage prétendu fautif du financement de l'installation par le prêteur avant réception

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 123 F-D

Pourvoi n° P 20-17.066




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-17.066 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [I] [G],

2°/ à Mme [O] [D], épouse [G],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

3°/ à la société Mandataires judiciaires associés, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [K] [C], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Wéole Energy,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit lyonnais, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [G], après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 mars 2020), M. et Mme [G] (les emprunteurs) ont acquis une éolienne auprès de la société Wéole Energy (le vendeur) et souscrit le 15 octobre 2009 auprès de la société Crédit lyonnais (la banque) un prêt destiné à financer cette acquisition. Le vendeur a été placé en liquidation judiciaire le 9 octobre 2013.

2. Les 19 et 20 février 2015, les emprunteurs ont assigné la société MJA prise en la personne de M. [C], en qualité de liquidateur du vendeur, et la banque en résolution des contrats, indemnisation de leurs préjudices et privation de la banque de sa créance en restitution du capital prêté, en soutenant que, depuis 2013, l'éolienne avait cessé de fonctionner en raison d'un vice caché mis en évidence par une expertise.

3. La résolution des contrats a été prononcée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer aux emprunteurs l'intégralité des sommes versées par eux au titre du contrat de prêt, en principal, intérêts et frais, jusqu'au jour de la résolution du contrat, alors « qu'en se bornant, pour priver la banque de sa créance de restitution de la somme prêtée aux emprunteurs, à retenir que l'établissement de crédit avait débloqué la somme prêtée au vu de simples demandes à cette fin des emprunteurs avant l'établissement du procès-verbal de réception des travaux, sans expliquer en quoi ce déblocage de fonds antérieurement à la réception de l'éolienne avait effectivement joué un quelconque rôle causal dans le préjudice subi par les emprunteurs, tenant selon l'arrêt à une prétendue absence de contrepartie du fait de l'absence de fonctionnement durable de l'installation litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités des articles L. 311-31, alinéa 1er, devenu L. 312-48, du code de la consommation, ensemble l'article 1147 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 311-20 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. La résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

7. Pour condamner la banque à restituer aux emprunteurs l'intégralité des sommes versées par eux au titre du contrat jusqu'à sa résolution, après avoir retenu que celle-ci avait commis une faute en débloquant les fonds avant l'établissement du procès-verbal de réception des travaux, sans s'être assurée de la complète exécution du contrat de vente, l'arrêt relève que le financement de l'installation qui n'a pas fonctionné durablement en raison du défaut l'affectant a nécessairement causé un préjudice aux emprunteurs qui en ont payé le prix sans contrepartie.

8. En se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi le préjudice subi par les emprunteurs, consécutif au vice caché affectant l'éolienne, révélé plusieurs années après la réception de l'installation, était en lien causal avec la faute de la banque lors de la délivrance des fonds, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande formée par M. et Mme [G] d'annulation du contrat intervenu entre eux et la société Weole Energy, prononce la résolution de ce contrat, prononce la résolution du contrat de crédit conclu entre M. et Mme [G] et la société Crédit lyonnais, l'arrêt rendu le 5 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne M. et Mme [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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