mercredi 16 mars 2022

La responsabilité incombant à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public, en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs relève de la compétence de la juridiction administrative

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 mars 2022




Cassation sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 231 FS-B

Pourvoi n° A 19-24.594





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022

La commune de [Localité 6], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 7], a formé le pourvoi n° A 19-24.594 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [J],

2°/ à Mme [H] [J],

tous deux domiciliés [Adresse 10],

3°/ au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 8], dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic le cabinet LVS, domicilié [Adresse 2],

4°/ à la société Roosendaal France, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 9],

5°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé [Adresse 11], dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic la société RI syndic, domicilié [Adresse 3],

6°/ à la société Atelier Baraness et Cawker, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

7°/ à la société [L]-Molla, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], représentée par Mme [O] [L], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société XL construction,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la commune de [Localité 6], de la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Atelier Baraness et Cawker, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 8], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 septembre 2019), la société XL construction a édifié un immeuble sur le territoire de la commune de [Localité 6] (la commune).

2. Le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] (le syndicat des copropriétaires), la société civile immobilière Roosendaal France (la SCI) et M. et Mme [J], copropriétaires, l'ont assignée ainsi que la société Atelier Baraness et Cawker, architecte, et la commune, en indemnisation de leurs préjudices découlant du rehaussement de l'immeuble et de la construction hors-sol sur une zone non aedificandi.

3. La commune a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La commune fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence, alors « que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître de l'action mettant en cause la responsabilité d'une personne publique du fait des dommages causés à l'occasion de l'exercice de prérogatives de puissance publique ; qu'en considérant, pour retenir la compétence du juge, que l'action dirigée contre la commune de [Localité 6] n'était pas fondée sur une éventuelle illégalité du permis de construire mais sur la responsabilité de la commune, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

5. Il résulte de ces textes que, sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public, en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs, est soumise à un régime de droit public et relève, en conséquence, de la compétence de la juridiction administrative.

6. Pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt retient que, si le contentieux de la légalité des permis de construire relève de la compétence de la juridiction administrative, le syndicat des copropriétaires, la SCI et M. et Mme [J] entendent fonder leurs demandes à l'encontre de la commune sur l'article 544 du code civil et sur l'article 1382 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et non sur une éventuelle illégalité du permis de construire accordé à la société XL construction.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. La responsabilité pouvant incomber à la commune étant soumise à un régime de droit public, il y lieu de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour en connaître.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître des demandes formées par le syndicat des copropriétaires [Adresse 8], la société civile immobilière Roosendaal France et M. et Mme [J] à l'encontre de la commune de [Localité 6] ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir de ce chef ;

Condamne le syndicat des copropriétaires [Adresse 8], la société civile immobilière Roosendaal France et M. et Mme [J] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] et le condamne ainsi que la société civile immobilière Roosendaal France et M. et Mme [J] à payer à la commune de [Localité 6] la somme globale de 3 000 euros ; 

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