mardi 8 mars 2022

Si le défendeur a présenté une défense au fond ou une fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste, le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 février 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 156 F-D

Pourvoi n° C 20-18.919




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 FÉVRIER 2022

La société British Airways Plc, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 20-18.919 contre le jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal de proximité de Villejuif, dans le litige l'opposant à Mme [D] [X], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société British Airways PLC, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de proximité de Villejuif, 16 juin 2020), rendu en dernier ressort, Mme [X] a saisi un tribunal de proximité d'une demande d'indemnisation de son préjudice découlant du retard subi dans son trajet entre [Localité 3] et [Localité 5] du fait de l'annulation du vol assuré par la société British Airways (la société) entre [Localité 3] et [Localité 2].

2. Mme [X] s'est désistée de l'instance et de son action le 24 février 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de donner acte à Mme [X] de son désistement d'instance et d'action et de rejeter ses conclusions reconventionnelles comme irrecevables, alors « que le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur si celui-ci a antérieurement présenté une défense au fond ; que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que, dans ses conclusions du 18 février 2020, pour s'opposer à la demande en indemnisation de Mme [X], la société British Airways faisait valoir que celle-ci avait déjà été indemnisée ; qu'en retenant néanmoins qu'il aurait été « constant » qu'à la date du désistement de Mme [X], le 24 février 2020, « la société British Airways n'avait présenté aucune défense au fond », quand il résultait des écritures de cette société, antérieures au dit désistement, qu'elle entendait que cette demande soit rejetée comme mal fondée, le tribunal a violé les articles 71 et 395 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 71 et 395 du code de procédure civile :

4. Aux termes du premier de ces textes, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter, comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.

5. Il résulte du second que si le défendeur a présenté une défense au fond ou une fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste, le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur.

6. Pour rejeter les conclusions contenant des demandes reconventionnelles de la société comme irrecevables, le jugement retient qu'il est constant qu'à la date du 24 février 2020 à laquelle Mme [X] s'est désistée de son instance et de son action, la société n'avait présenté aucune défense au fond ni fin de non recevoir.

7. En statuant ainsi, alors que par des conclusions communiquées antérieurement à cette date au tribunal et au demandeur, la société avait conclu au rejet de la demande qu'elle estimait mal fondée du fait du paiement déjà intervenu, le tribunal a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La société fait grief au jugement de donner acte à Mme [X] de son désistement d'instance et d'action et de rejeter ses conclusions reconventionnelles comme irrecevables, alors « que le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur si celui-ci a antérieurement formulé une demande reconventionnelle ; que, dans ses conclusions du 18 février 2020, la société British Airways formulait, à titre reconventionnel, une demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ; qu'en se bornant à retenir qu'il aurait été « constant » qu'à la date du désistement de Mme [X], le 24 février 2020, « la société British Airways n'avait présenté aucune défense au fond », sans rechercher si la société British Airways n'avait pas formulé une demande reconventionnelle, antérieurement au désistement de Mme [X], le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 395 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 394 et 395 du code de procédure civile :

9. Il résulte de ces textes que le désistement d'action, quand il est total, a pour effet d'entraîner l'extinction de l'instance et que la partie adverse n'a pas à accepter ce désistement à moins qu'elle ait déjà formé une demande reconventionnelle.

10. Pour rejeter les conclusions contenant les demandes reconventionnelles de la société comme irrecevables, le jugement retient qu'il est constant qu'à la date du 24 février 2020 à laquelle Mme [X] s'est désistée de son instance et de son action, la société n'avait présenté aucune défense au fond ni fin de non recevoir et que son désistement n'avait pas à être accepté.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la société n'avait pas, antérieurement au désistement d'action de Mme [X], formulé une demande reconventionnelle, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. La société fait grief au jugement de dire que les dépens resteront à la charge de l'une et l'autre partie, alors « que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l'instance éteinte ; qu'en jugeant que les dépens resteraient à la charge de l'une et l'autre partie, après avoir donné acte à Mme [X] de son désistement d'action et d'instance, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 399 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 399 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l'instance éteinte.

14. Pour déterminer la soumission aux dépens, le tribunal retient qu'ils resteront à la charge de l'une et l'autre des parties.

15. En statuant ainsi, alors que Mme [X], auteur du désistement était tenue, en l'absence de convention contraire, de régler les frais de l'instance éteinte, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par le tribunal de proximité de Villejuif ;

Remet, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Créteil ;

Condamne Mme [X] aux dépens ;


En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

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