Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 21-24.181
- ECLI:FR:CCASS:2024:C200014
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 janvier 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, du 16 septembre 2021Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 janvier 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 14 F-D
Pourvoi n° T 21-24.181
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2024
1°/ Mme [M] [Y], veuve [X], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [D] et [I] [X],
2°/ M. [E] [X],
3°/ Mme [F] [X],
tous trois domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° T 21-24.181 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [2], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [Y], veuve [X], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [D] et [I] [X], de M. [E] [X] et de Mme [F] [X], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société [2], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 septembre 2021), et les productions, [J] [X] (la victime), salarié de la société [2] (l'employeur), a été victime le 4 mai 2010 d'un accident mortel du travail, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse).
2. Mme [X], agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité d'administratrice légale de ses quatre enfants alors mineurs (les ayants droit de la victime) a saisi le 15 janvier 2015 une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. Les ayants droit de la victime font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que la prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est soumise aux règles du droit commun, de sorte que son cours est suspendu pendant la minorité des ayants droit de la victime d'un accident du travail ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'action a été intentée le 15 janvier 2015, soit à une date à laquelle les quatre enfants de la victime – [E] [X], né le 30 juillet 1997, [F] [X], née le 12 juillet 2001, [D] [X], né le 13 septembre 2005 et [I] [X], née le 16 septembre 2006 – étaient tous encore mineurs ; qu'en déclarant prescrite l'action en tant qu'elle émanait des enfants de la victime, les juges du fond ont violé l'article 2235 du code civil, ensemble l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant, irrecevable.
6. Cependant, le moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt attaqué, est de pur droit.
7. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 2235 du code civil et L. 431-2 du code de la sécurité sociale :
8. Il résulte de ces textes que le cours de la prescription de deux ans prévue par le second, soumise aux règles du droit commun, est suspendu pendant la minorité des ayants droit de la victime d'un accident du travail.
9. Pour déclarer prescrite l'action de la mère agissant en sa qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs, et celle de [E] et [F] [X], devenus majeurs en cours d'instance, l'arrêt énonce en substance que les ayants droit disposaient d'un délai de deux ans à compter du 5 juin 2010, date de la décision de prise en charge implicite de l'accident par la caisse, pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et que l'enquête préliminaire n'ayant pas interrompu ce délai, l'exercice de l'action pénale résultant des poursuites engagées par citation du procureur de la république du 21 décembre 2012 est intervenue à une date où le délai de prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable était déjà expiré.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'à la date où la procédure a été engagée par la mère, les enfants de la victime étaient mineurs, de sorte que la prescription de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale n'avait pas couru à leur égard, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. Les ayants droit de la victime font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en rejetant au fond les demandes formulées par les consorts [X], après avoir déclaré leur action irrecevable comme prescrite, les juges du fond ont violé l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 122 du code de procédure civile :
12. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant sur le fond.
13. La cour d'appel a confirmé le jugement qui avait déclaré prescrite l'action des ayants droit de la victime puis les a déboutés de leurs demandes.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a consacré l'excès de pouvoir commis par le premier juge.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable exercée par Mme [X] en sa qualité d'administratrice légale de [D] et [I], et l'action de [E] et [F] [X], et en ce qu'il rejette toutes leurs demandes, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société [2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [2] et la condamne à payer aux consorts [X] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200014
CIV. 2
LC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 janvier 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 14 F-D
Pourvoi n° T 21-24.181
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2024
1°/ Mme [M] [Y], veuve [X], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [D] et [I] [X],
2°/ M. [E] [X],
3°/ Mme [F] [X],
tous trois domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° T 21-24.181 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [2], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [Y], veuve [X], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [D] et [I] [X], de M. [E] [X] et de Mme [F] [X], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société [2], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 septembre 2021), et les productions, [J] [X] (la victime), salarié de la société [2] (l'employeur), a été victime le 4 mai 2010 d'un accident mortel du travail, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse).
2. Mme [X], agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité d'administratrice légale de ses quatre enfants alors mineurs (les ayants droit de la victime) a saisi le 15 janvier 2015 une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. Les ayants droit de la victime font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que la prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est soumise aux règles du droit commun, de sorte que son cours est suspendu pendant la minorité des ayants droit de la victime d'un accident du travail ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'action a été intentée le 15 janvier 2015, soit à une date à laquelle les quatre enfants de la victime – [E] [X], né le 30 juillet 1997, [F] [X], née le 12 juillet 2001, [D] [X], né le 13 septembre 2005 et [I] [X], née le 16 septembre 2006 – étaient tous encore mineurs ; qu'en déclarant prescrite l'action en tant qu'elle émanait des enfants de la victime, les juges du fond ont violé l'article 2235 du code civil, ensemble l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant, irrecevable.
6. Cependant, le moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt attaqué, est de pur droit.
7. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 2235 du code civil et L. 431-2 du code de la sécurité sociale :
8. Il résulte de ces textes que le cours de la prescription de deux ans prévue par le second, soumise aux règles du droit commun, est suspendu pendant la minorité des ayants droit de la victime d'un accident du travail.
9. Pour déclarer prescrite l'action de la mère agissant en sa qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs, et celle de [E] et [F] [X], devenus majeurs en cours d'instance, l'arrêt énonce en substance que les ayants droit disposaient d'un délai de deux ans à compter du 5 juin 2010, date de la décision de prise en charge implicite de l'accident par la caisse, pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et que l'enquête préliminaire n'ayant pas interrompu ce délai, l'exercice de l'action pénale résultant des poursuites engagées par citation du procureur de la république du 21 décembre 2012 est intervenue à une date où le délai de prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable était déjà expiré.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'à la date où la procédure a été engagée par la mère, les enfants de la victime étaient mineurs, de sorte que la prescription de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale n'avait pas couru à leur égard, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. Les ayants droit de la victime font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en rejetant au fond les demandes formulées par les consorts [X], après avoir déclaré leur action irrecevable comme prescrite, les juges du fond ont violé l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 122 du code de procédure civile :
12. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant sur le fond.
13. La cour d'appel a confirmé le jugement qui avait déclaré prescrite l'action des ayants droit de la victime puis les a déboutés de leurs demandes.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a consacré l'excès de pouvoir commis par le premier juge.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable exercée par Mme [X] en sa qualité d'administratrice légale de [D] et [I], et l'action de [E] et [F] [X], et en ce qu'il rejette toutes leurs demandes, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société [2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [2] et la condamne à payer aux consorts [X] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-quatre.
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