vendredi 12 janvier 2024

Le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par les parties

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

IJ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 décembre 2023




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 679 F-D

Pourvoi n° T 22-10.684




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 DÉCEMBRE 2023

1°/ M. [S] [F], domicilié [Adresse 2],

2°/ Mme [T] [F], domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° T 22-10.684 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), dans le litige les opposant à Mme [E] [P] épouse [F], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [F], de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 novembre 2021), [Y] [F] est décédé le 2 octobre 2012, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [P], avec laquelle il s'était marié sous le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au conjoint survivant, et ses enfants nés d'une précédente union, [S] et [T] (les consorts [F]).

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de reconstitution de leur réserve héréditaire, de réduction des droits de Mme [P], de reconstitution de leurs droits pour les biens constitués pendant le mariage, d'attribution en intégralité à leur profit, à hauteur de moitié chacun, des biens propres avant mariage, d'expertise avant-dire droit et d'injonction de production de pièces sous astreinte, alors « que commet un déni de justice le juge qui refuse de juger sous prétexte de l'insuffisance des preuves fournies par les parties ; qu'en l'espèce, où elle a constaté que les consorts [F] sont fondés à agir en retranchement pour récupérer leur part de réserve héréditaire sur le fondement de l'article 1527 du code civil, la cour d'appel qui les a cependant déboutés de leur demande de reconstitution de leur réserve et de réduction des droits de Mme [P] au seul motif de l'absence de production de pièces probantes, a commis un déni de justice et violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

3. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par les parties.

4. Pour rejeter les demandes des consorts [F] tendant à la reconstitution de leur réserve et la réduction en conséquence des droits du conjoint survivant, l'arrêt, après avoir constaté que [Y] [F] était marié avec Mme [P] sous le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au conjoint survivant, retient que les consorts [F] sont donc fondés à agir en retranchement pour récupérer leur part de réserve héréditaire sur le fondement de l'article 1527 du code civil, mais que les pièces qu'ils produisent ne permettent pas de justifier du chiffrage de leur demande.

5. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant de l'indemnité de réduction dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [S] [F] et Mme [T] [F] de reconstitution de leur réserve héréditaire, de réduction des droits de Mme [P], de reconstitution de leurs droits pour les biens constitués pendant le mariage et d'attribution en intégralité à leur profit, à hauteur de moitié chacun, des biens propres avant mariage, d'expertise avant-dire droit et d'injonction de production de pièces sous astreinte et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel, l'arrêt rendu le 10 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [P] et la condamne à payer à M. [S] [F] et Mme [T] [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

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