Note S. Bertolaso, RCA 2024-3, p. 20.
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-21.309
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300032
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 18 janvier 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 23 mai 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 32 F-D
Pourvoi n° S 22-21.309
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2024
1°/ M. [G] [Y],
2°/ Mme [O] [E], épouse [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° S 22-21.309 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige les opposant à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [Y], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mai 2022), le 24 juillet 2003, M. et Mme [Y] ont confié la construction d'une véranda à la société Lebaron et fils, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).
2. A la suite de l'apparition d'une fissure, la société Axa leur ayant notifié une position de non-garantie au motif que les travaux de maçonnerie relevaient d'une activité non déclarée, ils l'ont assignée en indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [Y] font grief à l'arrêt de rejeter leur action fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Axa, alors :
« 1°/ que l'assureur de responsabilité obligatoire qui délivre une attestation à son assuré destinée à l'information des tiers doit y mentionner des renseignements précis sur l'activité professionnelle déclarée par ce dernier ; qu'à défaut sa responsabilité civile délictuelle est engagée ; qu'en affirmant, sans même examiner les termes de l'attestation d'assurance, que les désordres dont les époux [Y] demandaient réparation, à savoir les dommages résultant des défauts affectant la construction de la véranda, n'étaient pas une conséquence directe et certaine de la délivrance d'une attestation par l'assureur ou d'une omission à cette occasion, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1240 du même code ;
2°/ que l'assureur de responsabilité obligatoire qui délivre une attestation à son assuré destinée à l'information des tiers doit y mentionner des renseignements précis sur l'activité professionnelle déclarée par ce dernier ; que, par suite, l'assureur qui, par la délivrance fautive d'une attestation d'assurances imprécise, crée à l'égard d'un tiers l'apparence illusoire au profit d'un entrepreneur de garanties professionnelles et incite ainsi un particulier à contracter avec ce professionnel, engage sa responsabilité délictuelle, et, concourant à la conclusion du contrat et donc à la réalisation du dommage résultant de ce contrat, doit supporter la réparation du préjudice qu'il a contribué à causer ; qu'en affirmant, pour débouter les époux [Y] de leur action délictuelle contre l'assureur, que « les désordres dont ils demandent réparation ne sont pas une conséquence directe et certaine de la délivrance d'une attestation par l'assureur ou d'une omission à cette occasion », sans rechercher, ainsi qu'il le leur était demandé (conclusions, p. 17 et 18), si l'attestation délivrée par l'assureur n'avait pas créé une apparence trompeuse ayant conduit les maîtres de l'ouvrage à conclure le contrat avec l'entrepreneur, et ainsi nécessairement contribué à la réalisation du dommage subi du fait de la mauvaise exécution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1240 du même code ;
3°/ que l'assureur de responsabilité obligatoire qui délivre une attestation à son assuré destinée à l'information des tiers doit y mentionner des renseignements précis sur l'activité professionnelle déclarée par ce dernier ; qu'à défaut sa responsabilité délictuelle est engagée ; que, par suite, l'assureur qui, par la délivrance fautive d'une attestation d'assurance inexacte et imprécise, crée à l'égard d'un tiers l'apparence illusoire au profit d'un entrepreneur de garanties professionnelles et incite ainsi un particulier à contracter avec ce professionnel, engage sa responsabilité délictuelle en privant, en tout état de cause, ce particulier, d'une chance de ne pas contracter ; qu'en affirmant, pour débouter les époux [Y] de leur action en responsabilité délictuelle formée contre l'assureur, que « les maîtres de l'ouvrage ne peuvent donc invoquer une perte de chance d'être indemnisés par l'assureur en raison d'un défaut d'exactitude de l'attestation délivrée par celui-ci », sans rechercher ainsi qu'il le leur était demandé si la faute de l'assureur n'avait pas privé les maîtres de l'ouvrage d'une chance de ne pas contracter avec l'entrepreneur et corrélativement de ne pas subir le dommage résultant de l'inexécution du contrat, la cour d'appel a une fois encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1240 du code civil ;
4°/ que le juge ne peut dénaturer l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en déboutant les époux [Y] de leur action en responsabilité délictuelle dirigée contre l'assureur de l'entrepreneur du fait de l'inexactitude de l'attestation d'assurance, aux motifs que « les maîtres de l'ouvrage ne peuvent donc invoquer une perte de chance d'être indemnisés par l'assureur en raison d'un défaut d'exactitude de l'attestation délivrée par celui-ci » lorsque les époux [Y] invoquaient une perte de chance de ne pas conclure le contrat avec l'entrepreneur, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant par là-même l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a, d'abord, retenu que la réception étant intervenue au plus tard le 6 janvier 2006, l'action directe des maîtres de l'ouvrage, introduite le 29 janvier 2016 à l'encontre de l'assureur, se heurtait à la prescription, qu'elle soit fondée sur la responsabilité décennale ou contractuelle du constructeur.
5. Elle a, ensuite, retenu que les désordres dont M. et Mme [Y] demandaient réparation n'étaient pas la conséquence directe et certaine de la délivrance par l'assureur d'une attestation inexacte ou imprécise.
6. Elle a également relevé que, l'échec de leur recours étant sans lien avec un éventuel défaut d'exactitude de l'attestation d'assurance, ils ne pouvaient pas invoquer une perte de chance d'être indemnisés par l'assureur.
7. En l'état de ces constatations, énonciations et appréciations, faisant ressortir que le préjudice découlant de la délivrance par l'assureur d'une attestation inexacte résidait dans l'application de la garantie d'assurance à des travaux qui n'auraient pas du être couverts et que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité décennale au titre de cette garantie d'assurance n'étaient pas réunies, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, que le préjudice invoqué par M. et Mme [Y] était sans lien avec la faute alléguée.
8. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 32 F-D
Pourvoi n° S 22-21.309
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2024
1°/ M. [G] [Y],
2°/ Mme [O] [E], épouse [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° S 22-21.309 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige les opposant à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [Y], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mai 2022), le 24 juillet 2003, M. et Mme [Y] ont confié la construction d'une véranda à la société Lebaron et fils, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).
2. A la suite de l'apparition d'une fissure, la société Axa leur ayant notifié une position de non-garantie au motif que les travaux de maçonnerie relevaient d'une activité non déclarée, ils l'ont assignée en indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [Y] font grief à l'arrêt de rejeter leur action fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Axa, alors :
« 1°/ que l'assureur de responsabilité obligatoire qui délivre une attestation à son assuré destinée à l'information des tiers doit y mentionner des renseignements précis sur l'activité professionnelle déclarée par ce dernier ; qu'à défaut sa responsabilité civile délictuelle est engagée ; qu'en affirmant, sans même examiner les termes de l'attestation d'assurance, que les désordres dont les époux [Y] demandaient réparation, à savoir les dommages résultant des défauts affectant la construction de la véranda, n'étaient pas une conséquence directe et certaine de la délivrance d'une attestation par l'assureur ou d'une omission à cette occasion, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1240 du même code ;
2°/ que l'assureur de responsabilité obligatoire qui délivre une attestation à son assuré destinée à l'information des tiers doit y mentionner des renseignements précis sur l'activité professionnelle déclarée par ce dernier ; que, par suite, l'assureur qui, par la délivrance fautive d'une attestation d'assurances imprécise, crée à l'égard d'un tiers l'apparence illusoire au profit d'un entrepreneur de garanties professionnelles et incite ainsi un particulier à contracter avec ce professionnel, engage sa responsabilité délictuelle, et, concourant à la conclusion du contrat et donc à la réalisation du dommage résultant de ce contrat, doit supporter la réparation du préjudice qu'il a contribué à causer ; qu'en affirmant, pour débouter les époux [Y] de leur action délictuelle contre l'assureur, que « les désordres dont ils demandent réparation ne sont pas une conséquence directe et certaine de la délivrance d'une attestation par l'assureur ou d'une omission à cette occasion », sans rechercher, ainsi qu'il le leur était demandé (conclusions, p. 17 et 18), si l'attestation délivrée par l'assureur n'avait pas créé une apparence trompeuse ayant conduit les maîtres de l'ouvrage à conclure le contrat avec l'entrepreneur, et ainsi nécessairement contribué à la réalisation du dommage subi du fait de la mauvaise exécution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1240 du même code ;
3°/ que l'assureur de responsabilité obligatoire qui délivre une attestation à son assuré destinée à l'information des tiers doit y mentionner des renseignements précis sur l'activité professionnelle déclarée par ce dernier ; qu'à défaut sa responsabilité délictuelle est engagée ; que, par suite, l'assureur qui, par la délivrance fautive d'une attestation d'assurance inexacte et imprécise, crée à l'égard d'un tiers l'apparence illusoire au profit d'un entrepreneur de garanties professionnelles et incite ainsi un particulier à contracter avec ce professionnel, engage sa responsabilité délictuelle en privant, en tout état de cause, ce particulier, d'une chance de ne pas contracter ; qu'en affirmant, pour débouter les époux [Y] de leur action en responsabilité délictuelle formée contre l'assureur, que « les maîtres de l'ouvrage ne peuvent donc invoquer une perte de chance d'être indemnisés par l'assureur en raison d'un défaut d'exactitude de l'attestation délivrée par celui-ci », sans rechercher ainsi qu'il le leur était demandé si la faute de l'assureur n'avait pas privé les maîtres de l'ouvrage d'une chance de ne pas contracter avec l'entrepreneur et corrélativement de ne pas subir le dommage résultant de l'inexécution du contrat, la cour d'appel a une fois encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1240 du code civil ;
4°/ que le juge ne peut dénaturer l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en déboutant les époux [Y] de leur action en responsabilité délictuelle dirigée contre l'assureur de l'entrepreneur du fait de l'inexactitude de l'attestation d'assurance, aux motifs que « les maîtres de l'ouvrage ne peuvent donc invoquer une perte de chance d'être indemnisés par l'assureur en raison d'un défaut d'exactitude de l'attestation délivrée par celui-ci » lorsque les époux [Y] invoquaient une perte de chance de ne pas conclure le contrat avec l'entrepreneur, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant par là-même l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a, d'abord, retenu que la réception étant intervenue au plus tard le 6 janvier 2006, l'action directe des maîtres de l'ouvrage, introduite le 29 janvier 2016 à l'encontre de l'assureur, se heurtait à la prescription, qu'elle soit fondée sur la responsabilité décennale ou contractuelle du constructeur.
5. Elle a, ensuite, retenu que les désordres dont M. et Mme [Y] demandaient réparation n'étaient pas la conséquence directe et certaine de la délivrance par l'assureur d'une attestation inexacte ou imprécise.
6. Elle a également relevé que, l'échec de leur recours étant sans lien avec un éventuel défaut d'exactitude de l'attestation d'assurance, ils ne pouvaient pas invoquer une perte de chance d'être indemnisés par l'assureur.
7. En l'état de ces constatations, énonciations et appréciations, faisant ressortir que le préjudice découlant de la délivrance par l'assureur d'une attestation inexacte résidait dans l'application de la garantie d'assurance à des travaux qui n'auraient pas du être couverts et que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité décennale au titre de cette garantie d'assurance n'étaient pas réunies, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, que le préjudice invoqué par M. et Mme [Y] était sans lien avec la faute alléguée.
8. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-quatre.
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