Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-19.472
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300023
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 18 janvier 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 25 mai 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 23 FS-B
Pourvoi n° V 22-19.472
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [K].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 6 janvier 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2024
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (CRCAM), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-19.472 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [N], domicilié [Adresse 4],
2°/ à Mme [C] [R], épouse [K], domiciliée [Adresse 2],
3°/ à M. [V] [K], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, de Me Brouchot, avocat de Mme [K], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [N], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 mai 2022), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque), créancière de la société civile immobilière Feeling (la SCI Feeling) et de la société civile immobilière CMDL (la SCI CMDL) au titre du solde débiteur de leurs comptes bancaires, a assigné M. [N] et Mme [K], associés de ces deux sociétés, en paiement de ces créances, par actes des 4 et 8 février 2016.
2. Deux jugements du 17 décembre 2018 ont rejeté ses demandes, au motif que la banque ne démontrait pas avoir engagé de vaines et préalables poursuites à l'encontre des SCI.
3. Après avoir obtenu l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SCI Feeling, par jugement du 22 octobre 2019, et à l'encontre de la SCI CMDL, par jugement du 15 novembre 2019, la banque a déclaré ses créances au passif de chacune de ces deux sociétés, puis a assigné leurs associés, notamment en paiement du solde débiteur des comptes bancaires de celles-ci.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes dirigées à l'encontre de M. [N] et de Mme [K] au titre des soldes débiteurs des comptes bancaires des SCI Feeling et CMDL, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements rendus le 17 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Chambéry, alors :
« 1°/ que lorsqu'a été rendue une décision d'irrecevabilité, une nouvelle demande tendant aux mêmes fins ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée si la cause d'irrecevabilité a entre-temps disparu ; Que dès lors que l'action intentée contre les associés avant la poursuite de la société, en méconnaissance des dispositions de l'article 1858 du code civil, peut toujours être régularisée et ainsi faire disparaître la cause d'irrecevabilité, cette régularisation, sous réserve des règles relatives à la prescription, peut intervenir à tout moment, de sorte qu'il ne saurait être reproché au plaideur qui y a intérêt d'avoir tardé à accomplir cette démarche en temps utile ; Qu'en l'espèce, pour déclarer l'exposante irrecevable en ses demandes dirigées contre M. [B] [N] et de Mme [C] [K] au titre des soldes débiteurs des comptes bancaires des SCI Feeling et CMDL, dont ils sont les associés, la cour d'appel a relevé d'une part, que s'il est exact que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice, encore faut-il que le caractère nouveau de ces événements ne résulte pas de ce que la partie qui les invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile, d'autre part qu'en l'espèce si, en l'état des jugements rejetant les demandes de la banque en paiement, dirigées contre les associés, au motif qu'elle ne justifiait pas avoir préalablement et vainement poursuivi les personnes morales, et que leur insolvabilité n'était pas démontrée, le Crédit agricole des Savoie a sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de chacune des sociétés susvisées, cette démarche aurait pu être accomplie avant les assignations délivrées aux associés en février 2016, et qu'ainsi les événements postérieurs aux jugements du 17 décembre 2018 ne peuvent pas conduire à écarter l'autorité de la chose jugée attachée à ces décisions ; Qu'en statuant ainsi quand l'action intentée contre les associés avant la poursuite de la société pouvait, en tout état de cause et à tout moment, être régularisée et faire ainsi disparaître la cause d'irrecevabilité des demandes de la banque, de sorte qu'il ne pouvait être reproché à l'intéressée, pour lui opposer l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements susvisés, d'avoir, en omettant de solliciter d'emblée l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire des deux sociétés, négligé d'accomplir en temps utile une diligence lui incombant, la cour d'appel a violé l'article 1858 du code civil, ensemble l'article 1355 du même code et l'article 480 du code de procédure civile ;
2°/ subsidiairement, que si, dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine est insuffisant pour le désintéresser et permet ainsi à ce dernier de démontrer qu'il a vainement poursuivi la personne morale en paiement d'une dette sociale, l'assignation d'un créancier aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ne préjuge pas de l'insolvabilité du débiteur ni de l'insuffisance du patrimoine social pour désintéresser ledit créancier, ce qu'il appartient au seul juge de la procédure collective d'établir en constatant que le redressement du débiteur est manifestement impossible ; Qu'en estimant dès lors qu'avant même d'assigner les associés en paiement au mois de février 2016, et donc avant le prononcé des jugements du 17 décembre 2018 ayant décidé que la banque ne démontrait pas l'insolvabilité des deux SCI et, notamment, ne démontrait pas que celles-ci ne disposaient pas d'actifs saisissables, l'exposante était en mesure de solliciter l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de ces sociétés, et a négligé d'entreprendre cette démarche en temps utile, pour en déduire que les jugements prononçant la liquidation judiciaire des deux sociétés ne pouvaient avoir pour effet d'écarter l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements susvisés du 17 décembre 2018, quand le créancier ne pouvait préjuger du sort qui serait réservé à son assignation délivrée sur le fondement de l'article L. 640-5 du code de commerce, ni du sens de la décision du juge de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1858 et 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile :
5. Aux termes du premier de ces textes, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.
6. Aux termes du deuxième, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
7. Selon le troisième, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
8. Il est jugé que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (1re Civ., 22 octobre 2002, n° 00-14.035, Bull. 2002, I, n° 234 ; 3e Civ., 25 avril 2007, n° 06-10.662, Bull. 2007, III, n° 59).
9. Pour déclarer les demandes irrecevables, l'arrêt rappelle que les jugements du 17 décembre 2018 avaient écarté les demandes de la banque à l'encontre des associés, au motif qu'elle ne justifiait pas avoir préalablement et vainement poursuivi les personnes morales et que leur insolvabilité n'était pas démontrée, et retient que c'est à la suite de ces jugements qu'elle a pris l'initiative de saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard des SCI, démarche qu'elle aurait dû accomplir avant les assignations en paiement délivrées aux associés en février 2016.
10. En statuant ainsi, alors que la liquidation judiciaire des SCI constituait un événement nouveau, sans qu'il soit établi qu'elle aurait pu être prononcée avant les jugements rendus le 17 décembre 2018, et que la banque aurait pu satisfaire aux conditions de l'article 1858 du code civil avant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la caisse régionale de Crédit agricole des Savoie irrecevable en ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de M. [N] et de Mme [K] au titre des soldes débiteurs des comptes bancaires des sociétés civiles immobilières Feeling et CMDL se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements rendus le 17 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Chambéry dans les affaires enrôlées sous les n° RG 16/342 et 16/343, l'arrêt rendu le 25 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [N] et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300023
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 23 FS-B
Pourvoi n° V 22-19.472
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [K].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 6 janvier 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2024
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (CRCAM), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-19.472 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [N], domicilié [Adresse 4],
2°/ à Mme [C] [R], épouse [K], domiciliée [Adresse 2],
3°/ à M. [V] [K], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, de Me Brouchot, avocat de Mme [K], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [N], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 mai 2022), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque), créancière de la société civile immobilière Feeling (la SCI Feeling) et de la société civile immobilière CMDL (la SCI CMDL) au titre du solde débiteur de leurs comptes bancaires, a assigné M. [N] et Mme [K], associés de ces deux sociétés, en paiement de ces créances, par actes des 4 et 8 février 2016.
2. Deux jugements du 17 décembre 2018 ont rejeté ses demandes, au motif que la banque ne démontrait pas avoir engagé de vaines et préalables poursuites à l'encontre des SCI.
3. Après avoir obtenu l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SCI Feeling, par jugement du 22 octobre 2019, et à l'encontre de la SCI CMDL, par jugement du 15 novembre 2019, la banque a déclaré ses créances au passif de chacune de ces deux sociétés, puis a assigné leurs associés, notamment en paiement du solde débiteur des comptes bancaires de celles-ci.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes dirigées à l'encontre de M. [N] et de Mme [K] au titre des soldes débiteurs des comptes bancaires des SCI Feeling et CMDL, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements rendus le 17 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Chambéry, alors :
« 1°/ que lorsqu'a été rendue une décision d'irrecevabilité, une nouvelle demande tendant aux mêmes fins ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée si la cause d'irrecevabilité a entre-temps disparu ; Que dès lors que l'action intentée contre les associés avant la poursuite de la société, en méconnaissance des dispositions de l'article 1858 du code civil, peut toujours être régularisée et ainsi faire disparaître la cause d'irrecevabilité, cette régularisation, sous réserve des règles relatives à la prescription, peut intervenir à tout moment, de sorte qu'il ne saurait être reproché au plaideur qui y a intérêt d'avoir tardé à accomplir cette démarche en temps utile ; Qu'en l'espèce, pour déclarer l'exposante irrecevable en ses demandes dirigées contre M. [B] [N] et de Mme [C] [K] au titre des soldes débiteurs des comptes bancaires des SCI Feeling et CMDL, dont ils sont les associés, la cour d'appel a relevé d'une part, que s'il est exact que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice, encore faut-il que le caractère nouveau de ces événements ne résulte pas de ce que la partie qui les invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile, d'autre part qu'en l'espèce si, en l'état des jugements rejetant les demandes de la banque en paiement, dirigées contre les associés, au motif qu'elle ne justifiait pas avoir préalablement et vainement poursuivi les personnes morales, et que leur insolvabilité n'était pas démontrée, le Crédit agricole des Savoie a sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de chacune des sociétés susvisées, cette démarche aurait pu être accomplie avant les assignations délivrées aux associés en février 2016, et qu'ainsi les événements postérieurs aux jugements du 17 décembre 2018 ne peuvent pas conduire à écarter l'autorité de la chose jugée attachée à ces décisions ; Qu'en statuant ainsi quand l'action intentée contre les associés avant la poursuite de la société pouvait, en tout état de cause et à tout moment, être régularisée et faire ainsi disparaître la cause d'irrecevabilité des demandes de la banque, de sorte qu'il ne pouvait être reproché à l'intéressée, pour lui opposer l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements susvisés, d'avoir, en omettant de solliciter d'emblée l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire des deux sociétés, négligé d'accomplir en temps utile une diligence lui incombant, la cour d'appel a violé l'article 1858 du code civil, ensemble l'article 1355 du même code et l'article 480 du code de procédure civile ;
2°/ subsidiairement, que si, dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine est insuffisant pour le désintéresser et permet ainsi à ce dernier de démontrer qu'il a vainement poursuivi la personne morale en paiement d'une dette sociale, l'assignation d'un créancier aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ne préjuge pas de l'insolvabilité du débiteur ni de l'insuffisance du patrimoine social pour désintéresser ledit créancier, ce qu'il appartient au seul juge de la procédure collective d'établir en constatant que le redressement du débiteur est manifestement impossible ; Qu'en estimant dès lors qu'avant même d'assigner les associés en paiement au mois de février 2016, et donc avant le prononcé des jugements du 17 décembre 2018 ayant décidé que la banque ne démontrait pas l'insolvabilité des deux SCI et, notamment, ne démontrait pas que celles-ci ne disposaient pas d'actifs saisissables, l'exposante était en mesure de solliciter l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de ces sociétés, et a négligé d'entreprendre cette démarche en temps utile, pour en déduire que les jugements prononçant la liquidation judiciaire des deux sociétés ne pouvaient avoir pour effet d'écarter l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements susvisés du 17 décembre 2018, quand le créancier ne pouvait préjuger du sort qui serait réservé à son assignation délivrée sur le fondement de l'article L. 640-5 du code de commerce, ni du sens de la décision du juge de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1858 et 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile :
5. Aux termes du premier de ces textes, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.
6. Aux termes du deuxième, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
7. Selon le troisième, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
8. Il est jugé que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (1re Civ., 22 octobre 2002, n° 00-14.035, Bull. 2002, I, n° 234 ; 3e Civ., 25 avril 2007, n° 06-10.662, Bull. 2007, III, n° 59).
9. Pour déclarer les demandes irrecevables, l'arrêt rappelle que les jugements du 17 décembre 2018 avaient écarté les demandes de la banque à l'encontre des associés, au motif qu'elle ne justifiait pas avoir préalablement et vainement poursuivi les personnes morales et que leur insolvabilité n'était pas démontrée, et retient que c'est à la suite de ces jugements qu'elle a pris l'initiative de saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard des SCI, démarche qu'elle aurait dû accomplir avant les assignations en paiement délivrées aux associés en février 2016.
10. En statuant ainsi, alors que la liquidation judiciaire des SCI constituait un événement nouveau, sans qu'il soit établi qu'elle aurait pu être prononcée avant les jugements rendus le 17 décembre 2018, et que la banque aurait pu satisfaire aux conditions de l'article 1858 du code civil avant cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la caisse régionale de Crédit agricole des Savoie irrecevable en ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de M. [N] et de Mme [K] au titre des soldes débiteurs des comptes bancaires des sociétés civiles immobilières Feeling et CMDL se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements rendus le 17 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Chambéry dans les affaires enrôlées sous les n° RG 16/342 et 16/343, l'arrêt rendu le 25 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [N] et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-quatre.
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