mardi 30 janvier 2024

Depuis la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'est pas expiré à cette date, l'action en garantie des vices cachés est encadrée par le délai-butoir de vingt ans de l'article 2232 courant à compter de la vente

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2024




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 31 F-D

Pourvoi n° Z 22-12.737







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2024

La société Sogea Nord-Ouest Travaux Publics, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 22-12.737 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2022 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mita Water technologies, société à responsabilité limitée, anciennement dénommée Mita Biorulli, venant aux droits de la société Simeco, société de droit italien, dont le siège est [Adresse 3] (Italie),

2°/ à la société Simop France, société par actions simplifiée unipersonnelle, venant aux droits de la société Franceaux, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Sogea Nord-Ouest Travaux Publics, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Simop France, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Mita Water technologies, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 janvier 2022), le syndicat intercommunal à vocation unique du Cassis (le SIVU) a confié la réalisation d'une station d'épuration à la société Sogea Nord-Ouest TP (la société Sogea) qui a commandé le 13 octobre 2006 une unité bio-disque et deux décanteurs primaires avec cloison siphoïde à la société Franceaux, devenue la société Simop France (la société Simop), laquelle s'est fournie le 10 novembre 2006 auprès de la société Simeco, devenue la société Mita Water technologies (la société Mita).

2. Un élément du bio-disque s'étant désolidarisé de son arbre puis effondré le 2 novembre 2015, le SIVU a formé une requête en référé-expertise le 4 janvier 2016.

3. Après expertise, la juridiction administrative a condamné la société Sogea à payer au SIVU une certaine somme à titre de dommages et intérêts.

4. Les 4 et 5 octobre 2016, la société Sogea a assigné en garantie les sociétés Simop et Mita sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du code civil :

6. Selon le premier de ces textes, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

7. Selon le second, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

8. Il a été jugé qu'en application de ces textes, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie (Ch. mixte., 21 juillet 2023, pourvoi n° 20-10.763, publié ; Ch. mixte., 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-17.789, publié ; Ch. mixte., 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-19.936, publié).

9. Pour déclarer prescrites les actions récursoires de la société Sogea, l'arrêt énonce que le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce constitue le délai-butoir de la prescription extinctive de l'action en garantie des vices cachés et ce, y compris depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, qu'il appartenait à la société Sogea d'agir avant l'expiration de ce délai, lequel, ramené de dix à cinq ans par la loi précitée et non encore échu à l'entrée en vigueur de ce texte, les matériaux ayant été vendus le 10 novembre 2006, expirait le 18 juin 2013.

10. En statuant ainsi, alors que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'est pas expiré à cette date, l'action en garantie des vices cachés est encadrée par le délai-butoir de vingt ans de l'article 2232 du code civil courant à compter de la vente conclue par la partie recherchée en garantie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne les sociétés Simop France et Mita Water technologies aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300031

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