mercredi 3 janvier 2024

Portée d'une expertise amiable

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2023




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1225 F-B


Pourvois n°
D 21-25.640
X 22-10.297
P 22-24.526 JONCTION





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023


I. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° 21-25.640 contre l'arrêt n° RG : 19/02573 rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [W] [O], veuve [I], domiciliée [Adresse 6],

2°/ à M. [M] [I], domicilié [Adresse 2],

3°/ à M. [Z] [I], domicilié [Adresse 5],

4°/ à M. [J] [I], domicilié [Adresse 1],

5°/ à M. [C] [I], domicilié [Adresse 2],

tous cinq pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [N] [I],

6°/ à la société [9], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société [8],

défendeurs à la cassation.

II. La société [9], société par actions simplifiée, venant aux droits de la société [8], a formé le pourvoi n° 22-10.297 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [W] [O],

2°/ à M. [M] [I],

3°/ à M. [Z] [I],

4°/ à M. [J] [I],

5°/ à M. [C] [I],

6°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle,

défendeurs à la cassation.

III. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle a formé le pourvoi n° 22-24.526 contre l'arrêt n° RG : 19/02573 rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), rectifié par l'arrêt n° RG : 22/01413 rendu le 25 octobre 2022 par cette même cour, dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [W] [O], veuve [I],

2°/ à M. [M] [I],

3°/ à M. [Z] [I],

4°/ à M. [J] [I], domicilié [Adresse 4],

5°/ à M. [C] [I],

tous cinq pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [N] [I],

6°/ à la société [9], société par actions simplifiée, venant aux droits de la société [8],

défendeurs à la cassation.

La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, demanderesse au pourvoi n° 21-25.640, invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La société [9], venant aux droits de la société [8], demanderesse au pourvoi n° 22-10.297, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, demanderesse au pourvoi n° 22-24.526, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, de la SCP Gury & Maitre, avocat de la société [9], venant aux droits de la société [8], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [O], veuve [I], M. [M] [I], M. [Z] [I], M. [J] [I] et M. [C] [I], tous pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [N] [I], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-10.297, 21-25.640 et 22-24.526 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 novembre 2021, rectifié par l'arrêt du 25 octobre 2022), et les productions, par décision du 9 juin 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de la Meurthe-et-Moselle (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par [N] [I] (la victime), salarié de la société [8] (l'employeur), puis, par décision du 2 mars 2016, son décès survenu le 27 novembre 2015.

3. Le 27 février 2017, la veuve de la victime a adressé une nouvelle déclaration de maladie professionnelle, diagnostiquée en 2015, que la caisse a refusé de prendre en charge au motif que cette maladie est la même que celle déclarée le 19 janvier 2009, déjà indemnisée.

4. La veuve de la victime, et leurs quatre enfants, ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée en 2017 et de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° 22-10.297, formé par l'employeur

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le premier moyen du pourvoi n° 21-25.640, dirigé contre l'arrêt du 9 novembre 2021, et sur le moyen du pourvoi n° 22-24.526 dirigé contre l'arrêt du 9 novembre 2021, rectifié par l'arrêt du 25 octobre 2022, formés par la caisse, qui sont similaires

Enoncé du moyen

6. La caisse fait grief d'accueillir le recours, alors « que le juge ne peut se fonder sur un rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, s'il n'est pas corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en se fondant exclusivement, sans référence aucune à un autre élément de preuve, sur le rapport du dr [K] établi sans que la Caisse ait été régulièrement appelée aux opérations d'expertise, pour dire que la maladie déclarée le 27 février 2017 était sans lien aucun avec la maladie déclarée le 19 janvier 2009, ensuite en reconnaître le caractère professionnel et enfin faire droit à l'action des consorts [I] en reconnaissance de la faute inexcusable, les juges du fond ont violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

7. Lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

8. Pour dire que la maladie déclarée le 27 février 2017 était distincte de la maladie déclarée le 19 janvier 2009, l'arrêt retient qu'il ressort des conclusions, claires et dépourvues d'ambiguïté, du rapport de l'expert désigné par la cour que le « cancer à petites cellules » décrit dans le certificat du docteur [L] établi le 14 février 2017 est différent de l'« adéno-carcinome squameux du lobe supérieur droit du poumon » ayant fait l'objet de la déclaration de maladie professionnelle du 19 janvier 2009, les deux affections n'ayant aucun lien entre elles.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, alors que la caisse faisait valoir, sans être contredite, qu'elle n'avait pas été régulièrement convoquée aux opérations d'expertise, qui s'est fondée sur les seuls éléments d'une expertise judiciaire non contradictoire, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt reconnaissant le caractère professionnel de la maladie déclarée le 27 février 2017 entraîne la cassation des chefs de dispositif relatifs à la faute inexcusable et à ses conséquences, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° 21-25.640, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement rendu le 17 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Nancy et rejette la demande tendant à voir dire nulle l'expertise du docteur [K], l'arrêt rendu le 9 novembre 2021, entre les parties, rectifié par l'arrêt du 25 octobre 2022, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

Condamne les consorts [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C201225

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