jeudi 11 janvier 2024

Cité et commenté au Rapport annuel de la Cour de cassation : Assurance (règles générales) – Garantie – Exclusion – Exclusion formelle et limitée –

https://www.courdecassation.fr/publications/rapport-annuel/rapport-annuel-2022

Assurance (règles générales) – Garantie – Exclusion – Exclusion formelle et limitée – Définition – Cas – Pertes d’exploitation Covid-19

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi no 21-15.392, publié au Bulletin, rapport de M. Besson et avis de M. Grignon Dumoulin 

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi no 21-19.341, publié au Bulletin, rapport de M. Besson et avis de M. Grignon Dumoulin 

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi no 21-19.342, publié au Bulletin, rapport de M. Besson et avis de M. Grignon Dumoulin 

2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi no 21-19.343, publié au Bulletin, rapport de M. Besson et avis de M. Grignon Dumoulin

Une clause d’exclusion n’est pas formelle au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances lorsqu’elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 

S’agissant d’un contrat prévoyant la garantie des pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu’il énumère, dont l’épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d’exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique. 

Une clause d’exclusion n’est pas limitée au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances lorsqu’elle vide la garantie de sa substance en ce qu’après son application elle ne laisse subsister qu’une garantie dérisoire. 

N’a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d’exploitation consécutives à la fermeture administrative de l’établissement assuré, pour plusieurs causes qu’elle énumère, dont l’épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l’une de celles énumérées.

À la suite des périodes récentes de confinement sanitaire, de nombreux litiges, ayant connu un certain écho médiatique, en raison plus particulièrement de leurs incidences économiques, se sont noués entre certains assureurs et, notamment, des professionnels de la restauration.

 La Cour de cassation a ainsi été saisie d’un ensemble de pourvois concernant des restaurateurs ayant conclu avec un assureur un contrat d’assurance « multirisque professionnelle » prévoyant la garantie des pertes d’exploitation résultant de la fermeture administrative de leur établissement en raison « d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication ». Ces pourvois émanaient de l’assureur et étaient formés contre des arrêts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence l’ayant condamné, par des motifs similaires, à prendre en charge les pertes d’exploitation subies par ces commerçants lors des périodes de confinement instaurées en raison de l’épidémie de Covid-19. 

Les assurés qui s’étaient vu opposer par l’assureur une clause excluant de cette garantie « les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique », avaient contesté avec succès la validité de cette exclusion. 

Ces pourvois posaient la question de la validité de cette clause au regard des dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances qui prévoient qu’une clause d’exclusion de garantie n’est valable que si elle est « formelle et limitée ». 

Il convient tout d’abord de rappeler que pour l’application des dispositions légales en cause, la Cour de cassation, au fil de ses arrêts, a développé une jurisprudence dont on peut retenir : 

– que le caractère formel d’une exclusion de garantie s’apprécie à l’aune de la perception que peut avoir l’assuré de l’étendue de l’assurance. La clause se trouve soumise à cet égard à une exigence de clarté, de précision et de certitude en tant qu’elle doit permettre à l’assuré d’identifier sans hésitation et sans que la clause puisse donner lieu à interprétation les cas dans lesquels il ne sera pas garanti ; 

– que le caractère limité de l’exclusion exige que la clause ne puisse aboutir, selon l’expression consacrée, à « vider la garantie de sa substance ». 

Répondant aux critiques adressées aux arrêts attaqués, qui contestaient l’appréciation de la cour d’appel selon laquelle la clause en cause n’était ni formelle ni limitée, la Cour de cassation a jugé, par les quatre arrêts commentés : 

– s’agissant du caractère formel de la clause, que celle-ci était claire et dépourvue d’ambiguïté et ne nécessitait pas interprétation, dès lors que « la circonstance particulière de réalisation du risque privant l’assuré du bénéfice de la garantie n’était pas l’épidémie », mais, bien différemment, « la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement [du même département] faisait l’objet d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique ». 

Aussi a-t-elle considéré, par voie de conséquence, que la question de savoir si la notion d’épidémie pouvait donner lieu à interprétation était sans incidence sur le caractère clair et précis de la clause puisqu’elle conduisait seulement à comparer les motifs de fermeture administrative figurant dans les décisions administratives de fermeture des établissements concernés. 

– s’agissant du caractère limité de l’exclusion, que la clause ne vidait pas la garantie de sa substance, dès lors qu’après son application, demeuraient dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à l’une des autres causes de fermeture administrative prévues au contrat ou survenues dans d’autres circonstances que celles stipulées à la clause d’exclusion. 

On doit insister sur le fait qu’à l’occasion de ces arrêts, la Cour de cassation a énoncé pour la première fois, du moins sous une formulation aussi nette, la règle selon laquelle une garantie se trouve vidée de sa substance par une clause d’exclusion lorsque, après son application, il ne subsiste qu’une garantie dérisoire. 

On indiquera, enfin, quand bien même cette observation relève de l’évidence, que la réponse apportée aux questions posées était tributaire du contenu et du libellé des clauses en cause et ne vaut que dans ces strictes limites.

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