mardi 9 janvier 2024

Caducité de la promesse de vente immobilière

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 décembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 837 F-D

Pourvoi n° T 22-15.583





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023

M. [L] [F], domicilié [Adresse 6], [Localité 9], a formé le pourvoi n° T 22-15.583 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [O] [D], épouse [R], domiciliée[Adresse 3]s, [Localité 10],

2°/ à Mme [Z] [Y] épouse [C], domiciliée [Adresse 5], [Localité 12],

3°/ à Mme [M] [N], veuve [Y], domiciliée [Adresse 7], [Localité 2],

4°/ à M. [G] [N], domicilié [Adresse 4], [Localité 11],

5°/ à Mme [E] [N], domiciliée [Adresse 1], [Localité 8], tous trois venant aux droits de [P] [A], décédée,

défendeurs à la cassation.

Mme [M] [N], veuve [Y], a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [F], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [M] [N], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mmes [D] et [Z] [Y] et de M. [G] et Mme [E] [N], après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 mars 2022), par acte sous seing privé du 25 novembre 2009, [K] [Y] et son épouse, [P] [A], ont vendu à M. [F] une maison d'habitation moyennant le prix de 200 000 euros.

2. La promesse devait être réitérée par acte authentique avant le 25 novembre 2010.

3. [K] [Y] est décédé le 23 mai 2010, laissant pour lui succéder, son épouse et son fils, M. [K] [Y], qui a renoncé à la succession le 9 mars 2011. En conséquence, ses deux filles, Mmes [O] [R] et [Z] [C], nées [Y], sont devenues héritières de leur grand-père.

4. Par acte du 9 juin 2015, M. [F] a assigné [P] [A] et Mmes [R] et [C] en réalisation forcée de la vente et paiement de dommages-intérêts.

5. [P] [A] est décédée le 22 décembre 2019, laissant pour lui succéder, Mme [M] [N] veuve [Y], Mme [E] [N] et M. [G] [N].

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

6. M. [F] et Mme [M] [Y] font grief à l'arrêt de déclarer nulle et de nul effet la promesse synallagmatique du 25 novembre 2009, alors « que seule la promesse de vente dont la validité est supérieure à dix-huit mois, ou la prorogation écrite d'une telle promesse portant sa durée totale à plus de dix-huit mois est nulle et de nul effet si elle n'a pas été constatée par un acte authentique ; qu'en faisant application de cette disposition à la promesse de vente consentie le 25 novembre 2009 dont la validité était limitée au 20 novembre 2010 et qui ne comportait aucune clause de prorogation, sans rechercher si le retard pris dans la réitération de la promesse par acte notarié n'était pas exclusivement imputable au refus de [K] [Y] de répondre à la sommation délivrée par M. [F] le 19 novembre 2010, soit dans le délai prévu par la promesse de vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. Mmes [R], [C] et [E] [N] et M. [N] contestent la recevabilité du moyen comme étant nouveau.

8. Cependant, le moyen, ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

9. Le moyen, de pur droit, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation :

10. Aux termes de ce texte, toute promesse de vente ayant pour objet la cession d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier, dont la validité est supérieure à dix-huit mois, ou toute prorogation d'une telle promesse portant sa durée totale à plus de dix-huit mois, est nulle et de nul effet si elle n'est pas constatée par un acte authentique, lorsqu'elle est consentie par une personne physique.

11. Pour déclarer nulle la promesse de vente du 25 novembre 2009, l'arrêt retient qu'elle est soumise de plein droit à l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation, qu'elle devait être réitérée par les parties ou leurs ayants droit avant le 25 mai 2011, et qu'il appartenait à l'acquéreur de sommer les héritiers de [K] [Y] et [P] [A] de comparaître devant le notaire chargé de la rédaction de l'acte authentique, aux fins de signature de cet acte, ce qu'il n'a pas fait alors que [P] [A] avait manifesté son intention de réitérer l'acte sous seing privé et que M. [K] [Y] avait renoncé le 9 mars 2011 à la succession, laissant en qualité d'héritières, ses deux filles qui devaient être convoquées devant le notaire.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la promesse de vente expirait le 20 novembre 2010, soit moins d'un an après sa conclusion, et que sa validité n'avait fait l'objet d'aucune prorogation expresse par les parties, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne Mmes [O] [D] épouse [R], [Z] [Y] épouse [C], [E] [N] et M. [G] [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [O] [D], épouse [R], [Z] [Y], épouse [C], [E] [N] et M. [G] [N] et les condamne in solidum à payer à M. [F] et Mme [M] [Y], chacun, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300837

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