Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 22-23.383
- ECLI:FR:CCASS:2023:C100657
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 06 décembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 27 janvier 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 décembre 2023
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 657 F-D
Pourvoi n° W 22-23.383
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023
Mme [E] [P], épouse [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-23.383 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la Mutualité sociale agricole du Puy de Dôme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [P], de la SCP Thomas-Raquin,Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 janvier 2022), après avoir été traitée avec du Mediator de janvier 2006 à octobre 2009, Mme [P] a présenté une valvulopathie.
2. Le 20 novembre 2017, estimant cette pathologie imputable au traitement, Mme [P] a assigné en responsabilité et indemnisation la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), et mis en cause la Mutualité sociale agricole du Puy-de-Dôme.
3. Le défaut du Mediator et son lien causal avec la valvulopathie ont été admis.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors « que le producteur qui invoque l'exonération pour risque de développement doit prouver que l'état objectif des connaissances techniques et scientifiques, en ce compris son niveau le plus avancé, au moment de la mise en circulation du produit en cause, ne permettait pas de déceler le défaut de celui-ci (CJUE 29 mai 1997 Commission / Royaume-Uni, C-300/95) ; qu'il s'ensuit que le producteur dont il est établi qu'il avait connaissance du défaut au moment de la mise en circulation du produit est infondé à invoquer l'exception de risque de développement ; qu'en affirmant que la connaissance personnelle qu'a pu avoir ou non la société Les Laboratoires Servier du défaut lors de la mise en circulation du médicament administré à Mme [P] est indifférente, la cour d'appel a violé l'article 1245-10, 4°, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil :
5. Selon ce texte, le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par le défaut de son produit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut.
6. Il s'en déduit que, sans être exigée pour écarter la cause d'exonération pour risque de développement, la connaissance personnelle par le producteur du défaut de son produit fait nécessairement obstacle à son application.
6. Pour retenir que le producteur rapporte la preuve d'une cause d'exonération pour risque de développement sur le fondement de l'article 1245-10, 4°, du code civil et rejeter les demandes formées par Mme [P] contre le producteur, l'arrêt retient que la connaissance personnelle du défaut qu'a pu avoir, ou non, le producteur lors de la mise en circulation du médicament administré à Mme [P] est indifférente.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
8. Mme [P] fait le même grief à l'arrêt, alors « que Mme [P] soutenait que le retrait du benfluorex en Suisse en 1998, puis en Espagne et en Italie en 2003, mis en évidence par ses pièces (rapports parlementaires et articles de la presse spécialisée), n'établissait pas [lire : établissait] que la société Les Laboratoires Servier, au regard du niveau des connaissances médicales au moment de la mise en circulation du Médiator entre 2006 et 2009, était en mesure de déceler le risque de toxicité du Médiator ; qu'en n'examinant pas ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.»
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
10. Pour rejeter les demandes, l'arrêt retient encore que l'état des connaissances scientifiques et techniques lorsque Mme [P] s'est vue prescrire le Mediator n'a pas permis de déceler le défaut de ce produit.
11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [P] qui faisait valoir que le retrait du benfluorex en Suisse en 1998, puis en Espagne et en Italie en 2003, établissait que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment de la mise en circulation des produits administrés entre 2006 et 2009, permettait au producteur de déceler l'existence du défaut du Mediator, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Les Laboratoires Servier rapporte la preuve d'une cause d'exonération pour risque de développement sur le fondement de l'article 1245-10 du code civil, déboute en conséquence Mme [V] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Les Laboratoires Servier, dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision et statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Laboratoires Servier à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C100657
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 décembre 2023
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 657 F-D
Pourvoi n° W 22-23.383
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023
Mme [E] [P], épouse [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-23.383 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la Mutualité sociale agricole du Puy de Dôme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [P], de la SCP Thomas-Raquin,Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 janvier 2022), après avoir été traitée avec du Mediator de janvier 2006 à octobre 2009, Mme [P] a présenté une valvulopathie.
2. Le 20 novembre 2017, estimant cette pathologie imputable au traitement, Mme [P] a assigné en responsabilité et indemnisation la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), et mis en cause la Mutualité sociale agricole du Puy-de-Dôme.
3. Le défaut du Mediator et son lien causal avec la valvulopathie ont été admis.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors « que le producteur qui invoque l'exonération pour risque de développement doit prouver que l'état objectif des connaissances techniques et scientifiques, en ce compris son niveau le plus avancé, au moment de la mise en circulation du produit en cause, ne permettait pas de déceler le défaut de celui-ci (CJUE 29 mai 1997 Commission / Royaume-Uni, C-300/95) ; qu'il s'ensuit que le producteur dont il est établi qu'il avait connaissance du défaut au moment de la mise en circulation du produit est infondé à invoquer l'exception de risque de développement ; qu'en affirmant que la connaissance personnelle qu'a pu avoir ou non la société Les Laboratoires Servier du défaut lors de la mise en circulation du médicament administré à Mme [P] est indifférente, la cour d'appel a violé l'article 1245-10, 4°, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du code civil :
5. Selon ce texte, le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par le défaut de son produit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut.
6. Il s'en déduit que, sans être exigée pour écarter la cause d'exonération pour risque de développement, la connaissance personnelle par le producteur du défaut de son produit fait nécessairement obstacle à son application.
6. Pour retenir que le producteur rapporte la preuve d'une cause d'exonération pour risque de développement sur le fondement de l'article 1245-10, 4°, du code civil et rejeter les demandes formées par Mme [P] contre le producteur, l'arrêt retient que la connaissance personnelle du défaut qu'a pu avoir, ou non, le producteur lors de la mise en circulation du médicament administré à Mme [P] est indifférente.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
8. Mme [P] fait le même grief à l'arrêt, alors « que Mme [P] soutenait que le retrait du benfluorex en Suisse en 1998, puis en Espagne et en Italie en 2003, mis en évidence par ses pièces (rapports parlementaires et articles de la presse spécialisée), n'établissait pas [lire : établissait] que la société Les Laboratoires Servier, au regard du niveau des connaissances médicales au moment de la mise en circulation du Médiator entre 2006 et 2009, était en mesure de déceler le risque de toxicité du Médiator ; qu'en n'examinant pas ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.»
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
10. Pour rejeter les demandes, l'arrêt retient encore que l'état des connaissances scientifiques et techniques lorsque Mme [P] s'est vue prescrire le Mediator n'a pas permis de déceler le défaut de ce produit.
11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [P] qui faisait valoir que le retrait du benfluorex en Suisse en 1998, puis en Espagne et en Italie en 2003, établissait que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment de la mise en circulation des produits administrés entre 2006 et 2009, permettait au producteur de déceler l'existence du défaut du Mediator, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Les Laboratoires Servier rapporte la preuve d'une cause d'exonération pour risque de développement sur le fondement de l'article 1245-10 du code civil, déboute en conséquence Mme [V] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Les Laboratoires Servier, dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision et statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Laboratoires Servier à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.
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