Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-21.518
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300845
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 21 décembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, du 25 août 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 décembre 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 845 F-D
Pourvoi n° U 22-21.518
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023
Mme [R] [N], veuve [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 22-21.518 contre l'arrêt rendu le 25 août 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [U], épouse [F], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société L'Immobilière Guignard, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [N], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 25 août 2022) et les productions, par acte authentique du 8 juin 2017, Mme [N] (l'acquéreur) a acquis de Mme [U] (la venderesse) une maison d'habitation par l'intermédiaire de la société L'Immobilière Guignard (l'agent immobilier).
2. La venderesse avait hérité de l'immeuble à la suite du décès de sa mère, survenu le 17 mai 2016.
3. Soutenant avoir découvert des fissures et des lézardes après avoir détapissé les murs, l'acquéreur a, après expertise, assigné la venderesse et l'agent immobilier aux fins d'annulation de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, de résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme et en garantie des vices cachés.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résolution de la vente formée sur le fondement de la garantie vices cachés, alors :
« 1°/ qu'il est interdit de dénaturer les éléments produits aux débats ; qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la "présence d'une lézarde au droit d'un passage de noeud de canalisation, situé dans la cave sous le mur de refend du RDC" était pour Mme [N] "non décelable, car la chaufferie est sans éclairage zénithal (absence de fenêtre) " alors que concernant "le caractère d'ignorance de la part de la venderesse" l'expert judiciaire a au contraire précisé qu'elle était "sans caractère d'ignorance"; qu'il résulte ainsi des termes clairs et précis du rapport d'expertise judiciaire que la venderesse, Mme [F], n'ignorait aucunement la présence d'une lézarde au droit d'un passage de noeud de canalisation, situé dans la cave sous le mur de refend du rez-de-chaussée; qu'en énonçant néanmoins que "s'il ressort du rapport d'expertise que le désordre d'ordre structurel est grave [...] il en ressort également [...] que Mme [F] ne disposait pas plus d'informations qu'elle (Mme [N]) à cet égard" de sorte que "la clause d'exonération de la garantie des vices cachés stipulée par les parties doit recevoir application", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise judiciaire et méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
2°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; que le vendeur qui, ayant connaissance d'un vice lors de la conclusion du contrat, stipule qu'il ne le garantira pas, est tenu à garantie, nonobstant cette clause; qu'en l'espèce, les juges du fond ont à juste titre constaté que les vices déplorés par Mme [N] existaient avant la vente, qu'ils n'étaient pas visibles dans toute leur ampleur lors de celle-ci et que le désordre structurel est grave pour exiger dans un bref délai des travaux de réfection jusqu'à la réalisation desquels le grenier doit rester inexploité ; qu'en déboutant néanmoins Mme [N] de sa demande de résolution de la vente pour vices cachés au motif que "la clause d'exonération de la garantie des vices cachés stipulée par les parties doit recevoir application", sans répondre aux moyens pertinents de l'exposante qui faisait valoir que si Mme [F] n'avait jamais habité la maison, il résulte néanmoins des pièces versées aux débats qu'elle connaissait la maison, qu'elle avait hérité de sa mère, depuis de nombreuses années et notamment avant les travaux litigieux de 2010, que l'existence d' "une grande fissure" était connue même des voisins dès 2010 et que la venderesse n'avait supprimé la mention du mandat de vendre, importante pour l'acquéreur, visant "un potentiel de 90 m2 aménageable" qu'au moment de la signature de l'acte de vente faisant ainsi état de sa volonté de dissimuler le caractère inexploitable du grenier en raison des vices l'affectant, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a, d'abord, rappelé que l'acte de vente stipulait une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, à laquelle il ne pouvait être fait obstacle que par la preuve de la connaissance, par la venderesse, avant la vente, de l'existence des désordres révélés par l'expert.
6. Elle a, ensuite, par motifs propres et adoptés, constaté que le rapport d'expertise indiquait que la venderesse « pouvait ignorer le désordre d'ordre structurel concernant le mur intérieur porteur » et que celle-ci, profane en matière de construction, n'avait jamais habité les lieux et n'avait hérité de la maison que six mois avant la signature du mandat de vente.
7. Elle a pu en déduire, par une appréciation souveraine des pièces qui lui étaient soumises, exclusive de dénaturation, et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu'il n'était pas établi que la venderesse avait eu connaissance de l'existence des désordres relevés par l'expert judiciaire.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
9. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire que l'agent immobilier avait manqué à son obligation d'information à son égard, ainsi que ses demandes en résolution de la vente et en paiement, par ce dernier, de diverses sommes, alors :
« 1°/ que le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion; que commet une faute l'agent immobilier qui omet d'attirer l'attention des acquéreurs sur l'origine très vraisemblable des fissures apparentes et sur leur gravité potentielle pouvant affecter la structure de l'immeuble ; qu'en l'espèce, il est constant que l'agence L'Immobilière Guignard, contrairement à Mme [N], avait connaissance de l'existence de la lézarde affectant le mur porteur intérieur au sous-sol ; que comme l'a fait valoir l'exposante "l'agent immobilier, même s'il n'est pas un professionnel de la construction, [...] se doit de conseiller le potentiel acquéreur, en cas de doute, sur la nécessité de réaliser une contre visite avec un professionnel du bâtiment. [...] la lézarde située au droit du mur de refend en sous-sol [...] aurait dû conduire l'agence immobilière à conseiller à l'acquéreur de s'entourer des conseils d'un maçon et d'un BET structures. La Sarl L'Immobilière Guignard avait l'obligation [...] de se renseigner davantage (et d') alerter l'acquéreur sur la nécessité de procéder à des vérifications complémentaires" ; qu'en déboutant Mme [N] de sa demande formée à l'encontre de la société L'Immobilière Guignard au seul motif qu' "il n'est pas établi que la présence d'une telle (lézarde), affectant un immeuble construit en 1979, aurait permis à la société L'Immobilière Guignard d'envisager l'existence d'un désordre général d'ordre structurel", bien qu'il importait peu de savoir si l'agence avait elle-même compris qu'il s'agissait d'un désordre général d'ordre structurel puisqu'en tant que profane en matière de construction il lui appartenait simplement d'alerter Mme [N] pour lui permettre d'obtenir l'avis d'un professionnel, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 1992 du code civil ;
2°/ qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'il convient de distinguer entre la connaissance qu'une partie peut avoir de l'existence des plis du papier peint et la compréhension de la signification de ces plis concernant l'existence d'éventuelles fissures ; que selon l'expert en effet, pour Mme [N] les "plis (étaient) décelables" mais que les "fissurations (étaient) non décelables sans retirer expressément le revêtement mural", tandis que l'agence immobilière était "sans caractère d'ignorance de l'état de revêtement mural" et "sans caractère d'ignorance relativement à la présence potentielle" de fissurations localisées ; en déboutant néanmoins Mme [N] de sa demande formée contre l'agent immobilier au motif qu'"il résulte du procès-verbal de constat et de l'expertise judiciaire que les fissures et lézardes affectant l'intérieur de la maison d'habitation pouvaient être décelées en raison des nombreux plis affectant le revêtement mural les recouvrant" et que "Mme [N] a pu constater au cours de ses deux visites des lieux en date des 7 et 10 janvier 2017", sans rechercher si Mme [N] avait les connaissances et l'expérience suffisante pour comprendre la signification des plis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1992 du code civil. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel a, d'abord, retenu qu'il résultait du procès-verbal de constat et du rapport d'expertise que les fissures et lézardes affectant l'intérieur de la maison pouvaient être décelées en raison des nombreux plis affectant le revêtement mural les recouvrant, que l'acquéreur avait pu elle-même constater au cours des deux visites réalisées avant la vente.
11. Elle a, ensuite, relevé que le désordre structurel affectant l'immeuble n'avait été révélé que par l'expert judiciaire, et n'avait été décelé ni par les diagnostiqueurs immobiliers, ni par le bureau d'étude mandaté par l'acquéreur.
12. Elle a pu en déduire que, même si la présence d'une lézarde affectant le mur porteur intérieur au sous-sol avait pu être constatée par l'agent immobilier, il n'était pas établi, celui-ci n'étant pas un professionnel de la construction, que cela lui aurait permis d'envisager l'existence d'un désordre général d'ordre structurel, ce dont il ressortait que l'acquéreur n'avait été privé d'aucune information dont elle ne disposait pas elle-même.
13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir dire que la venderesse a manqué à son obligation de délivrance, à prononcer la résolution de la vente et à la condamner à lui verser diverses sommes, alors « que tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur qui est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige ; qu'en l'espèce, en décidant que la seule mention, dans le compromis de vente du 14 février 2017 et dans l'acte authentique de vente du 8 juin 2017 de l'existence d'un grenier n'impliquait pas "que le caractère exploitable ou aménageable du grenier serait rentré dans le champ contractuel", sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [F], en vendant un bien doté d'un grenier sans faire mention de son caractère inexploitable, n'avait pas omis d'expliquer clairement ce à quoi elle s'obligeait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1602 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1602 du code civil :
15. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur.
16. Pour rejeter la demande en résolution de la vente pour défaut de conformité, l'arrêt retient, après avoir rappelé que, selon l'acte authentique de vente, l'immeuble à usage d'habitation comprenait un grenier, que l'expert judiciaire considérait comme inutilisable, dès lors qu'il n'était pas possible d'en charger le solivage, qu'il ne résulte d'aucun des documents contractuels que le caractère exploitable ou aménageable du grenier était entré dans le champ contractuel.
17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mention de l'existence d'un grenier dans l'acte de vente, n'impliquait pas qu'il soit nécessairement utilisable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes formées par Mme [N], à l'encontre de Mme [U], sur le fondement du dol et de la garantie des vices cachés, l'arrêt rendu le 25 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne Mme [U] et la société L'Immobilière Guignard aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300845
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 décembre 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 845 F-D
Pourvoi n° U 22-21.518
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023
Mme [R] [N], veuve [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 22-21.518 contre l'arrêt rendu le 25 août 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [U], épouse [F], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société L'Immobilière Guignard, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [N], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 25 août 2022) et les productions, par acte authentique du 8 juin 2017, Mme [N] (l'acquéreur) a acquis de Mme [U] (la venderesse) une maison d'habitation par l'intermédiaire de la société L'Immobilière Guignard (l'agent immobilier).
2. La venderesse avait hérité de l'immeuble à la suite du décès de sa mère, survenu le 17 mai 2016.
3. Soutenant avoir découvert des fissures et des lézardes après avoir détapissé les murs, l'acquéreur a, après expertise, assigné la venderesse et l'agent immobilier aux fins d'annulation de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, de résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme et en garantie des vices cachés.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résolution de la vente formée sur le fondement de la garantie vices cachés, alors :
« 1°/ qu'il est interdit de dénaturer les éléments produits aux débats ; qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la "présence d'une lézarde au droit d'un passage de noeud de canalisation, situé dans la cave sous le mur de refend du RDC" était pour Mme [N] "non décelable, car la chaufferie est sans éclairage zénithal (absence de fenêtre) " alors que concernant "le caractère d'ignorance de la part de la venderesse" l'expert judiciaire a au contraire précisé qu'elle était "sans caractère d'ignorance"; qu'il résulte ainsi des termes clairs et précis du rapport d'expertise judiciaire que la venderesse, Mme [F], n'ignorait aucunement la présence d'une lézarde au droit d'un passage de noeud de canalisation, situé dans la cave sous le mur de refend du rez-de-chaussée; qu'en énonçant néanmoins que "s'il ressort du rapport d'expertise que le désordre d'ordre structurel est grave [...] il en ressort également [...] que Mme [F] ne disposait pas plus d'informations qu'elle (Mme [N]) à cet égard" de sorte que "la clause d'exonération de la garantie des vices cachés stipulée par les parties doit recevoir application", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise judiciaire et méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
2°/ que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; que le vendeur qui, ayant connaissance d'un vice lors de la conclusion du contrat, stipule qu'il ne le garantira pas, est tenu à garantie, nonobstant cette clause; qu'en l'espèce, les juges du fond ont à juste titre constaté que les vices déplorés par Mme [N] existaient avant la vente, qu'ils n'étaient pas visibles dans toute leur ampleur lors de celle-ci et que le désordre structurel est grave pour exiger dans un bref délai des travaux de réfection jusqu'à la réalisation desquels le grenier doit rester inexploité ; qu'en déboutant néanmoins Mme [N] de sa demande de résolution de la vente pour vices cachés au motif que "la clause d'exonération de la garantie des vices cachés stipulée par les parties doit recevoir application", sans répondre aux moyens pertinents de l'exposante qui faisait valoir que si Mme [F] n'avait jamais habité la maison, il résulte néanmoins des pièces versées aux débats qu'elle connaissait la maison, qu'elle avait hérité de sa mère, depuis de nombreuses années et notamment avant les travaux litigieux de 2010, que l'existence d' "une grande fissure" était connue même des voisins dès 2010 et que la venderesse n'avait supprimé la mention du mandat de vendre, importante pour l'acquéreur, visant "un potentiel de 90 m2 aménageable" qu'au moment de la signature de l'acte de vente faisant ainsi état de sa volonté de dissimuler le caractère inexploitable du grenier en raison des vices l'affectant, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a, d'abord, rappelé que l'acte de vente stipulait une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, à laquelle il ne pouvait être fait obstacle que par la preuve de la connaissance, par la venderesse, avant la vente, de l'existence des désordres révélés par l'expert.
6. Elle a, ensuite, par motifs propres et adoptés, constaté que le rapport d'expertise indiquait que la venderesse « pouvait ignorer le désordre d'ordre structurel concernant le mur intérieur porteur » et que celle-ci, profane en matière de construction, n'avait jamais habité les lieux et n'avait hérité de la maison que six mois avant la signature du mandat de vente.
7. Elle a pu en déduire, par une appréciation souveraine des pièces qui lui étaient soumises, exclusive de dénaturation, et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu'il n'était pas établi que la venderesse avait eu connaissance de l'existence des désordres relevés par l'expert judiciaire.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
9. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire que l'agent immobilier avait manqué à son obligation d'information à son égard, ainsi que ses demandes en résolution de la vente et en paiement, par ce dernier, de diverses sommes, alors :
« 1°/ que le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion; que commet une faute l'agent immobilier qui omet d'attirer l'attention des acquéreurs sur l'origine très vraisemblable des fissures apparentes et sur leur gravité potentielle pouvant affecter la structure de l'immeuble ; qu'en l'espèce, il est constant que l'agence L'Immobilière Guignard, contrairement à Mme [N], avait connaissance de l'existence de la lézarde affectant le mur porteur intérieur au sous-sol ; que comme l'a fait valoir l'exposante "l'agent immobilier, même s'il n'est pas un professionnel de la construction, [...] se doit de conseiller le potentiel acquéreur, en cas de doute, sur la nécessité de réaliser une contre visite avec un professionnel du bâtiment. [...] la lézarde située au droit du mur de refend en sous-sol [...] aurait dû conduire l'agence immobilière à conseiller à l'acquéreur de s'entourer des conseils d'un maçon et d'un BET structures. La Sarl L'Immobilière Guignard avait l'obligation [...] de se renseigner davantage (et d') alerter l'acquéreur sur la nécessité de procéder à des vérifications complémentaires" ; qu'en déboutant Mme [N] de sa demande formée à l'encontre de la société L'Immobilière Guignard au seul motif qu' "il n'est pas établi que la présence d'une telle (lézarde), affectant un immeuble construit en 1979, aurait permis à la société L'Immobilière Guignard d'envisager l'existence d'un désordre général d'ordre structurel", bien qu'il importait peu de savoir si l'agence avait elle-même compris qu'il s'agissait d'un désordre général d'ordre structurel puisqu'en tant que profane en matière de construction il lui appartenait simplement d'alerter Mme [N] pour lui permettre d'obtenir l'avis d'un professionnel, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 1992 du code civil ;
2°/ qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'il convient de distinguer entre la connaissance qu'une partie peut avoir de l'existence des plis du papier peint et la compréhension de la signification de ces plis concernant l'existence d'éventuelles fissures ; que selon l'expert en effet, pour Mme [N] les "plis (étaient) décelables" mais que les "fissurations (étaient) non décelables sans retirer expressément le revêtement mural", tandis que l'agence immobilière était "sans caractère d'ignorance de l'état de revêtement mural" et "sans caractère d'ignorance relativement à la présence potentielle" de fissurations localisées ; en déboutant néanmoins Mme [N] de sa demande formée contre l'agent immobilier au motif qu'"il résulte du procès-verbal de constat et de l'expertise judiciaire que les fissures et lézardes affectant l'intérieur de la maison d'habitation pouvaient être décelées en raison des nombreux plis affectant le revêtement mural les recouvrant" et que "Mme [N] a pu constater au cours de ses deux visites des lieux en date des 7 et 10 janvier 2017", sans rechercher si Mme [N] avait les connaissances et l'expérience suffisante pour comprendre la signification des plis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1992 du code civil. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel a, d'abord, retenu qu'il résultait du procès-verbal de constat et du rapport d'expertise que les fissures et lézardes affectant l'intérieur de la maison pouvaient être décelées en raison des nombreux plis affectant le revêtement mural les recouvrant, que l'acquéreur avait pu elle-même constater au cours des deux visites réalisées avant la vente.
11. Elle a, ensuite, relevé que le désordre structurel affectant l'immeuble n'avait été révélé que par l'expert judiciaire, et n'avait été décelé ni par les diagnostiqueurs immobiliers, ni par le bureau d'étude mandaté par l'acquéreur.
12. Elle a pu en déduire que, même si la présence d'une lézarde affectant le mur porteur intérieur au sous-sol avait pu être constatée par l'agent immobilier, il n'était pas établi, celui-ci n'étant pas un professionnel de la construction, que cela lui aurait permis d'envisager l'existence d'un désordre général d'ordre structurel, ce dont il ressortait que l'acquéreur n'avait été privé d'aucune information dont elle ne disposait pas elle-même.
13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir dire que la venderesse a manqué à son obligation de délivrance, à prononcer la résolution de la vente et à la condamner à lui verser diverses sommes, alors « que tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur qui est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige ; qu'en l'espèce, en décidant que la seule mention, dans le compromis de vente du 14 février 2017 et dans l'acte authentique de vente du 8 juin 2017 de l'existence d'un grenier n'impliquait pas "que le caractère exploitable ou aménageable du grenier serait rentré dans le champ contractuel", sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [F], en vendant un bien doté d'un grenier sans faire mention de son caractère inexploitable, n'avait pas omis d'expliquer clairement ce à quoi elle s'obligeait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1602 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1602 du code civil :
15. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur.
16. Pour rejeter la demande en résolution de la vente pour défaut de conformité, l'arrêt retient, après avoir rappelé que, selon l'acte authentique de vente, l'immeuble à usage d'habitation comprenait un grenier, que l'expert judiciaire considérait comme inutilisable, dès lors qu'il n'était pas possible d'en charger le solivage, qu'il ne résulte d'aucun des documents contractuels que le caractère exploitable ou aménageable du grenier était entré dans le champ contractuel.
17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mention de l'existence d'un grenier dans l'acte de vente, n'impliquait pas qu'il soit nécessairement utilisable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes formées par Mme [N], à l'encontre de Mme [U], sur le fondement du dol et de la garantie des vices cachés, l'arrêt rendu le 25 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne Mme [U] et la société L'Immobilière Guignard aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.
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