Voir SJ G 2024, p. 171 les rapports et p. 178, note G. Vial.
Cour de cassation - Assemblée plénière
- N° de pourvoi : 21-11.330
- ECLI:FR:CCASS:2023:AP00674
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du vendredi 22 décembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 17 novembre 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION CH9
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
Audience publique du 22 décembre 2023
Rejet
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 674 B+R
Pourvoi n° Z 21-11.330
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 22 DÉCEMBRE 2023
La société Rexel développement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-11.330 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à M. [F] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Par arrêt du 1er février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.
La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi, avocat de la société Rexel développement.
Un mémoire complémentaire a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi, avocat de la société Rexel développement.
Des observations 1015 ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi, avocat de la société Rexel développement.
Le rapport écrit de M. Fulchiron, conseiller, et l'avis écrit de Mme Grivel, avocat général, ont été mis à disposition des parties.
Sur le rapport de M. Fulchiron, assisté de Mme Safatian, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Spinosi, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, auquel la SCP Spinosi, invitée à le faire, a répliqué, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2023, où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Sommer, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, Mmes Champalaune, Martinel, présidents, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, M. Huglo, Mmes Duval-Arnould, Darbois, Durin-Karsenty, doyens de chambre, MM. de Larosière de Champfeu, Delbano, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mmes Leprieur, Mariette, M. Ponsot, Mme Grall, M. Waguette, conseillers, Mme Grivel, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,
la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2020), alors que M. [B], salarié de la société Rexel développement, était en congé, son remplaçant a utilisé son poste informatique. S'étant connecté au compte Facebook de M. [B], qui n'avait pas été fermé, il a ouvert la messagerie attachée à ce compte, lu une conversation entre M. [B] et une autre salariée de l'entreprise et a transmis cet échange à l'employeur.
2. Licencié le 9 décembre 2015, pour faute grave, en raison des propos insultants tenus, lors de cet échange électronique, à l'encontre de son supérieur hiérarchique et de son remplaçant, M. [B] a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Rexel développement fait grief à l'arrêt de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer à M. [B] diverses sommes à titre de salaire, d'indemnité et de dommages-intérêts, ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de lui ordonner de rembourser aux organismes intéressés l'équivalent d'un mois d'allocation chômage, alors :
« 1°/ que la preuve obtenue par l'employeur sans utilisation d'un procédé clandestin, d'un stratagème et sans fraude ne méconnaît pas le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; que, pour établir la faute du salarié licencié, l'employeur est ainsi recevable à produire la conversation privée tenue par celui-ci, dont un autre salarié a eu connaissance en travaillant sur l'ordinateur professionnel du premier, qui, par négligence, avait laissé ouvert son compte Facebook sur cet ordinateur ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'"il n'est pas établi que l'employeur a usé d'un quelconque stratagème" dans l'obtention de cette conversation et a néanmoins jugé que l'employeur a obtenu la preuve des propos du salarié de manière déloyale et illicite, en violation du secret des correspondances, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que l'employeur ne méconnaît pas le principe de loyauté dans l'administration de la preuve lorsqu'il n'a utilisé aucun stratagème et que les propos tenus par le salarié licencié, susceptibles d'être pénalement sanctionnés, lui ont été rapportés par un autre salarié qui en avait eu connaissance en utilisant régulièrement l'ordinateur professionnel du premier ; qu'en jugeant déloyale la preuve obtenue pourtant sans stratagème par l'employeur, "peu importe que [celui-ci] n'ait pas personnellement cherché à prendre connaissance de cette conversation ou n'ait pas consulté directement le compte litigieux", la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était pourtant expressément invitée, si l'atteinte portée à la vie privée du salarié n'était pas justifiée au regard, d'une part, des intérêts légitimes de l'employeur, qui s'est trouvé contraint de sanctionner ce salarié afin de faire cesser un trouble manifeste dans l'entreprise, dont il devait assurer le bon fonctionnement, et, en exécution de son obligation de sécurité, de protéger les salariés visés par les propos insultants et dégradants du salarié licencié, et au regard, d'autre part, de l'impossibilité pour l'employeur de prouver autrement la réalité de ces propos qu'en produisant la conversation tenue par ce salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La Cour de cassation juge qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Soc., 3 mai 2011, pourvoi n° 09-67.464, Bull. 2011, V, n° 105 ; Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.058, Bull. ; Soc., 4 octobre 2023, pourvoi n° 21-25.421, Bull.).
5. En l'espèce, l'arrêt constate que, par lettre du 9 décembre 2015, M. [B] a été licencié pour faute grave en raison de propos échangés lors d'une conversation privée avec une collègue au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié installé sur son ordinateur professionnel.
6. Une conversation privée qui n'était pas destinée à être rendue publique ne pouvant constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, il en résulte que le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire, est insusceptible d'être justifié.
7. Le moyen, pris d'une méconnaissance du droit à la preuve de l'employeur, est, dès lors, inopérant.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Rexel développement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcée par le premier président en son audience publique du vingt-deux décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:AP00674
COUR DE CASSATION CH9
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
Audience publique du 22 décembre 2023
Rejet
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 674 B+R
Pourvoi n° Z 21-11.330
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 22 DÉCEMBRE 2023
La société Rexel développement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-11.330 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à M. [F] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Par arrêt du 1er février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.
La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi, avocat de la société Rexel développement.
Un mémoire complémentaire a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi, avocat de la société Rexel développement.
Des observations 1015 ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi, avocat de la société Rexel développement.
Le rapport écrit de M. Fulchiron, conseiller, et l'avis écrit de Mme Grivel, avocat général, ont été mis à disposition des parties.
Sur le rapport de M. Fulchiron, assisté de Mme Safatian, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Spinosi, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, auquel la SCP Spinosi, invitée à le faire, a répliqué, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2023, où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Sommer, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, Mmes Champalaune, Martinel, présidents, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, M. Huglo, Mmes Duval-Arnould, Darbois, Durin-Karsenty, doyens de chambre, MM. de Larosière de Champfeu, Delbano, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mmes Leprieur, Mariette, M. Ponsot, Mme Grall, M. Waguette, conseillers, Mme Grivel, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,
la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2020), alors que M. [B], salarié de la société Rexel développement, était en congé, son remplaçant a utilisé son poste informatique. S'étant connecté au compte Facebook de M. [B], qui n'avait pas été fermé, il a ouvert la messagerie attachée à ce compte, lu une conversation entre M. [B] et une autre salariée de l'entreprise et a transmis cet échange à l'employeur.
2. Licencié le 9 décembre 2015, pour faute grave, en raison des propos insultants tenus, lors de cet échange électronique, à l'encontre de son supérieur hiérarchique et de son remplaçant, M. [B] a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Rexel développement fait grief à l'arrêt de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer à M. [B] diverses sommes à titre de salaire, d'indemnité et de dommages-intérêts, ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de lui ordonner de rembourser aux organismes intéressés l'équivalent d'un mois d'allocation chômage, alors :
« 1°/ que la preuve obtenue par l'employeur sans utilisation d'un procédé clandestin, d'un stratagème et sans fraude ne méconnaît pas le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; que, pour établir la faute du salarié licencié, l'employeur est ainsi recevable à produire la conversation privée tenue par celui-ci, dont un autre salarié a eu connaissance en travaillant sur l'ordinateur professionnel du premier, qui, par négligence, avait laissé ouvert son compte Facebook sur cet ordinateur ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'"il n'est pas établi que l'employeur a usé d'un quelconque stratagème" dans l'obtention de cette conversation et a néanmoins jugé que l'employeur a obtenu la preuve des propos du salarié de manière déloyale et illicite, en violation du secret des correspondances, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que l'employeur ne méconnaît pas le principe de loyauté dans l'administration de la preuve lorsqu'il n'a utilisé aucun stratagème et que les propos tenus par le salarié licencié, susceptibles d'être pénalement sanctionnés, lui ont été rapportés par un autre salarié qui en avait eu connaissance en utilisant régulièrement l'ordinateur professionnel du premier ; qu'en jugeant déloyale la preuve obtenue pourtant sans stratagème par l'employeur, "peu importe que [celui-ci] n'ait pas personnellement cherché à prendre connaissance de cette conversation ou n'ait pas consulté directement le compte litigieux", la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était pourtant expressément invitée, si l'atteinte portée à la vie privée du salarié n'était pas justifiée au regard, d'une part, des intérêts légitimes de l'employeur, qui s'est trouvé contraint de sanctionner ce salarié afin de faire cesser un trouble manifeste dans l'entreprise, dont il devait assurer le bon fonctionnement, et, en exécution de son obligation de sécurité, de protéger les salariés visés par les propos insultants et dégradants du salarié licencié, et au regard, d'autre part, de l'impossibilité pour l'employeur de prouver autrement la réalité de ces propos qu'en produisant la conversation tenue par ce salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La Cour de cassation juge qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Soc., 3 mai 2011, pourvoi n° 09-67.464, Bull. 2011, V, n° 105 ; Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.058, Bull. ; Soc., 4 octobre 2023, pourvoi n° 21-25.421, Bull.).
5. En l'espèce, l'arrêt constate que, par lettre du 9 décembre 2015, M. [B] a été licencié pour faute grave en raison de propos échangés lors d'une conversation privée avec une collègue au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié installé sur son ordinateur professionnel.
6. Une conversation privée qui n'était pas destinée à être rendue publique ne pouvant constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, il en résulte que le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire, est insusceptible d'être justifié.
7. Le moyen, pris d'une méconnaissance du droit à la preuve de l'employeur, est, dès lors, inopérant.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Rexel développement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcée par le premier président en son audience publique du vingt-deux décembre deux mille vingt-trois.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.