Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 22-20.646
- ECLI:FR:CCASS:2024:C100033
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 24 janvier 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 23 juin 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 janvier 2024
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 33 F-D
Pourvoi n° W 22-20.646
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JANVIER 2024
M. [P] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-20.646 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre civile), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Val-de-France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Val-de-France, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juin 2022), par actes des 28 mars 2008 et 12 mai 2010, M. [U] (l'emprunteur) a souscrit deux emprunts auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Val-de-France (la banque).
2. A la suite du prononcé de la déchéance du terme le 6 mai 2011, l'emprunteur, le 28 février 2012, a assigné la banque en responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde. Un arrêt du 19 janvier 2017 a fait partiellement droit à ses demandes.
3. Le 17 janvier 2019, la banque a assigné l'emprunteur en paiement du solde des deux prêts, après déduction des sommes dues à titre de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en remboursement de la banque et de le condamner au paiement du solde des prêts, alors :
« 2°/ que la citation en justice n'interrompt le cours de la prescription qu'au profit de celui de qui elle émane, et au détriment de celui à qui elle est adressée ; qu'en retenant que l'action en responsabilité de l'emprunteur contre la banque avait interrompu le délai de prescription pour la totalité de sa dette au profit du créancier, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;
3°/ que, en outre, l'interruption du délai ne joue qu'à l'égard de l'action qui a été introduite et ne peut s'étendre d'une action à une autre, cette règle n'étant écartée que lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la banque, l'arrêt attaqué a retenu que l'action en responsabilité introduite par l'emprunteur et l'action exercée par la banque en paiement du solde du prêt avaient toutes deux le même but, soit la fixation de la dette résultant des emprunts litigieux, et qu'il s'en déduisait, d'un côté, que l'action en remboursement était virtuellement comprise dans l'action en responsabilité, de l'autre, que l'interruption de la prescription lors de l'action en responsabilité, qui supposait la reconnaissance de sa qualité de débiteur par l'emprunteur, devait dès lors s'étendre à l'action en remboursement de la banque, de telle sorte qu'ayant été introduite avant le 19 janvier 2019, par l'assignation en date du 17 janvier 2019, elle n'était pas prescrite à cette date ; qu'en statuant ainsi quand l'action de l'emprunteur et celle de la banque n'avaient pas le même objet et que, pour être interruptive de prescription, la citation en justice devait être adressée à celui que l'on voulait empêcher de prescrire, ce qui n'était pas le cas de l'action en responsabilité introduite par l'emprunteur contre la banque, la cour d'appel a violé les articles 2240 et 2241 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il serait partiellement nouveau et mélangé de fait et de droit.
6. Cependant, le moyen, qui est né de la décision attaquée, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 2241 du code civil :
7. Il résulte de ce texte, d'une part, que la demande en justice doit émaner du créancier lui-même et être adressée au débiteur qu'il veut empêcher de prescrire, d'autre part, que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, à moins que les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première.
8. Pour écarter la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de la banque, l'arrêt retient que l'action en responsabilité engagée par l'emprunteur et l'action introduite par la banque en paiement du solde du prêt ont toutes deux le même but, à savoir la fixation de la dette résultant des emprunts litigieux, de sorte que l'action en paiement est virtuellement comprise dans l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde.
9. En statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité n'émanait pas de la partie qui voulait empêcher de prescrire et qu'elle poursuivait un but opposé à l'action en paiement de la banque, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Val-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Val-de-France et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C100033
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 janvier 2024
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 33 F-D
Pourvoi n° W 22-20.646
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JANVIER 2024
M. [P] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-20.646 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre civile), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Val-de-France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Val-de-France, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juin 2022), par actes des 28 mars 2008 et 12 mai 2010, M. [U] (l'emprunteur) a souscrit deux emprunts auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Val-de-France (la banque).
2. A la suite du prononcé de la déchéance du terme le 6 mai 2011, l'emprunteur, le 28 février 2012, a assigné la banque en responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde. Un arrêt du 19 janvier 2017 a fait partiellement droit à ses demandes.
3. Le 17 janvier 2019, la banque a assigné l'emprunteur en paiement du solde des deux prêts, après déduction des sommes dues à titre de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en remboursement de la banque et de le condamner au paiement du solde des prêts, alors :
« 2°/ que la citation en justice n'interrompt le cours de la prescription qu'au profit de celui de qui elle émane, et au détriment de celui à qui elle est adressée ; qu'en retenant que l'action en responsabilité de l'emprunteur contre la banque avait interrompu le délai de prescription pour la totalité de sa dette au profit du créancier, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;
3°/ que, en outre, l'interruption du délai ne joue qu'à l'égard de l'action qui a été introduite et ne peut s'étendre d'une action à une autre, cette règle n'étant écartée que lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la banque, l'arrêt attaqué a retenu que l'action en responsabilité introduite par l'emprunteur et l'action exercée par la banque en paiement du solde du prêt avaient toutes deux le même but, soit la fixation de la dette résultant des emprunts litigieux, et qu'il s'en déduisait, d'un côté, que l'action en remboursement était virtuellement comprise dans l'action en responsabilité, de l'autre, que l'interruption de la prescription lors de l'action en responsabilité, qui supposait la reconnaissance de sa qualité de débiteur par l'emprunteur, devait dès lors s'étendre à l'action en remboursement de la banque, de telle sorte qu'ayant été introduite avant le 19 janvier 2019, par l'assignation en date du 17 janvier 2019, elle n'était pas prescrite à cette date ; qu'en statuant ainsi quand l'action de l'emprunteur et celle de la banque n'avaient pas le même objet et que, pour être interruptive de prescription, la citation en justice devait être adressée à celui que l'on voulait empêcher de prescrire, ce qui n'était pas le cas de l'action en responsabilité introduite par l'emprunteur contre la banque, la cour d'appel a violé les articles 2240 et 2241 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il serait partiellement nouveau et mélangé de fait et de droit.
6. Cependant, le moyen, qui est né de la décision attaquée, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 2241 du code civil :
7. Il résulte de ce texte, d'une part, que la demande en justice doit émaner du créancier lui-même et être adressée au débiteur qu'il veut empêcher de prescrire, d'autre part, que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, à moins que les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première.
8. Pour écarter la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de la banque, l'arrêt retient que l'action en responsabilité engagée par l'emprunteur et l'action introduite par la banque en paiement du solde du prêt ont toutes deux le même but, à savoir la fixation de la dette résultant des emprunts litigieux, de sorte que l'action en paiement est virtuellement comprise dans l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde.
9. En statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité n'émanait pas de la partie qui voulait empêcher de prescrire et qu'elle poursuivait un but opposé à l'action en paiement de la banque, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Val-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Val-de-France et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.
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