mercredi 4 novembre 2015

Responsabilité délictuelle du sous-traitant : pas d'application rétroactive de l'article 1792-4-2 c. civ.

Voir notes :

- Pagès de Varenne, revue "construction urbanisme", 2015-12, p. 23.

- Groutel, revue RCA 2016-1, p. 68.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 29 octobre 2015
N° de pourvoi: 14-24.771
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Boulloche, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Ortscheidt, SCP Sevaux et Mathonnet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 juillet 2014), que M. et Mme X... ayant fait construire une maison d'habitation avec chauffage par le sol, sous la maîtrise d'oeuvre de M. Y..., architecte, ont confié le lot carrelage et chape à la société Carrelage Dermaux (la société Dermaux), aujourd'hui en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Winthertur, aux droits de laquelle se trouve la société MMA IARD ; que la société Dermaux a sous-traité la réalisation de la chape à la société Bauters, assurée auprès de la SMABTP ; que la réception est intervenue le 18 juillet 1997 ; que les maîtres de l'ouvrage ont obtenu un jugement mettant en oeuvre la garantie de parfait achèvement de la société Bauters, pour des défauts du carrelage ; que M. et Mme X..., s'étant plaints de l'aggravation de ces désordres, ont assigné la société Dermaux et son assureur en référé et obtenu la désignation d'un expert par ordonnance du 7 mai 2002 ; qu'à l'initiative des sociétés Dermaux et MMA Iard, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Bauters, son assureur la SMABTP, à M. Y... et à la société Lemoine, par ordonnances des 10 septembre 2002 et 8 juillet 2003 ; que M. et Mme X... ont assigné au fond les constructeurs les 7, 8 , 9 et 10 octobre 2008 ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que, M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes en réparation formées contre M. Y..., alors, selon, le moyen que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ; que dans les rapports entre le maître de l'ouvrage, les constructeurs et leurs assureurs de responsabilité, ce principe reçoit application dès lors que les actions exercées ont le même objet ; qu'en retenant que la prescription de l'action de M. et Mme X... contre M. Y... n'avait pas été interrompue par l'ordonnance du 8 juillet 2003, qui avait étendu à M. Y... l'expertise décidée le 7 mai 2002, au seul prétexte que la demande d'extension n'avait pas été formée par M. et Mme X... mais par la société MMA IARD, assureur de la société Dermaux, cependant que l'action des maîtres de l'ouvrage contre l'entrepreneur général avait le même objet que l'action récursoire de l'assureur de ce dernier contre le maître d'oeuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 2241 du code civil ;

Mais attendu, qu'ayant relevé que M. et Mme X... avaient assigné la société Dermaux et son assureur devant le juge des référés ayant ordonné une expertise et que seul cet assureur avait assigné le sous-traitant, l'assureur de celui-ci, et l'architecte aux fins de voir étendre à ceux-ci l'expertise ordonnée, la cour d'appel en a exactement déduit que l'ordonnance de référé déclarant la mesure d'expertise commune à plusieurs constructeurs n'avait pas eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard des maîtres de l'ouvrage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que l'ouvrage constitué par le carrelage et son support enrobant le système de chauffage n'était pas, à la date du rapport, soit neuf années après la réception, affecté dans sa solidité ni impropre à sa destination et qu'il n'était établi par aucune pièce que les désordres constatés avaient atteint, dans le délai décennal, le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil, la cour d'appel, qui a pu en déduire que les désordres constatés ne relevaient pas de la garantie décennale, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 2, 1792-4-2 et 2270-1 ancien du code civil ;

Attendu que, pour déclarer prescrite la demande de M. et Mme X... à l'encontre de la société Bauters et de son assureur, l'arrêt retient que les maîtres de l'ouvrage se sont référés dans leurs conclusions aux articles 1792-4-1, 1792-4-2 et 1792-4-3 régissant la prescription à l'égard de toutes les parties, que ces textes sont applicables aussi bien à l'action en responsabilité délictuelle contre la société Bauters, sous-traitant, qu'aux actions contre M. Y..., architecte, sur le fondement des garanties décennale et biennale ou celui de la responsabilité contractuelle de droit commun, que la réception de l'ouvrage est intervenue le 18 juillet 1997 et que la société Bauters, la SMABTP et M. Y... ont été assignés par acte du 7 octobre 2008, soit après l'expiration du délai de prescription de dix ans ;

Qu'en statuant ainsi, en faisant courir le délai de prescription à l'égard du sous-traitant à compter du jour de la réception des travaux et non à compter du jour de la manifestation du dommage ou de son aggravation, la cour d'appel, qui a fait une application rétroactive des dispositions de l'article 1792-4-2 précité, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite la demande de M. et Mme X... à l'encontre de la société Bauters et de son assureur, l'arrêt rendu le 4 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société MMA IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


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