N° 17DA01465
Inédit au recueil Lebon
3e chambre - formation à 3
M. Albertini, président
Mme Valérie Petit, rapporteur
M. Arruebo-Mannier, rapporteur public
DAUGE, avocat
lecture du mercredi 29 mai 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :Procédure contentieuse antérieure :
La communauté d'agglomération du Pays de Dreux a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner in solidum la société AB'CIS, la société Acte Iard-Groupe Camacte, la société Guy Leblanc ainsi que l'assureur de cette société, la compagnie Axa France Iard, à lui verser la somme de 110 260,80 euros en réparation des désordres affectant le système de chauffage et de ventilation du bâtiment " Pôle enfance " situé à Ezy-sur-Eure.
Par un jugement n° 1504028 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Rouen a donné acte du désistement des conclusions dirigées contre la société AB'CIS et la société Acte Iard-Groupe Camacte, rejeté les conclusions dirigées contre la compagnie Axa France Iard comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et condamné la société Guy Leblanc à verser à la communauté d'agglomération du Pays de Dreux une somme de 82 695,65 euros au titre des travaux de reprise du système de chauffage ainsi qu'une somme de 9 899, 43 euros au titre des frais d'expertise. Il a, par ailleurs, condamné la communauté d'agglomération du Pays de Dreux à verser à la société Guy Leblanc une somme de 23 662,28 euros au titre du solde du marché.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 1er février 2018, la société Guy Leblanc, représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 30 mai 2017 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;
2°) de rejeter la demande de la communauté d'agglomération du Pays de Dreux ;
3°) de condamner la compagnie d'assurance Axa France Iard à la garantir des condamnations éventuelles prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Pays de Dreux la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Maître C...D..., représentant la communauté d'agglomération du Pays de Dreux.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes Val d'Eure et Vesgre, devenue la communauté d'agglomération du Pays de Dreux, a lancé en 2007 un appel d'offres pour la création d'un " pôle enfance " et d'un " pôle famille " à Ezy-sur-Eure. La maîtrise d'oeuvre de l'opération de travaux a été confiée à la société AB'CIS. Le lot n° 8 " chauffage - ventilation " a été confié à la société Guy Leblanc. Il n'y a pas eu de réception expresse de ce lot. En raison de désordres affectant le système de chauffage et de ventilation du pôle enfance, notamment d'une température insuffisante dans les espaces destinés aux enfants, la communauté d'agglomération du Pays de Dreux a saisi le tribunal administratif de Rouen d'un recours tendant à la condamnation de la société AB'CIS, de son assureur le groupe Camacte, de la société Guy Leblanc et de l'assureur de celle-ci, la société Axa France Iard, à l'indemniser des préjudices résultant de ces désordres. Une expertise a été ordonnée, en référé, par le président du tribunal administratif de Rouen, le 26 juillet 2012. En cours d'instance, la communauté d'agglomération du Pays de Dreux s'est désistée de ses conclusions dirigées contre la société AB'CIS et le groupe Camacte, à la suite de la signature d'un protocole d'accord par lequel la société AB'CIS a reconnu sa responsabilité à hauteur de 20 %. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Rouen a pris acte de ce désistement, a rejeté les conclusions dirigées contre la compagnie Axa France Iard comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a condamné la société Guy Leblanc à verser à la communauté d'agglomération du Pays de Dreux une somme de 82 695,65 euros au titre des travaux de reprise du système de chauffage et une somme de 9 899, 43 euros au titre des frais d'expertise. Il a, par ailleurs, faisant droit aux conclusions reconventionnelles de la société Guy Leblanc, condamné la communauté d'agglomération du Pays de Dreux à verser à celle-ci une somme de 23 662,28 euros au titre du solde du marché. La société Guy Leblanc relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions par lesquelles elle appelait en garantie son assureur. La communauté d'agglomération du Pays de Dreux présente des conclusions d'appel incident et provoqué. La société AB'CIS Architecture et la société Acte Iard-Groupe Camacte demandent à la cour de confirmer leur mise hors de cause, compte tenu du désistement intervenu en première instance. La société Axa France Iard invoque, s'agissant des conclusions dirigées contre elle, l'incompétence de la juridiction administrative.
Sur les conclusions dirigées contre la société Axa France Iard :
2. La société Guy Leblanc et la communauté d'agglomération du pays de Dreux présentent, respectivement par la voie de l'appel principal et de l'appel provoqué, des conclusions dirigées contre la société Axa France Iard, assureur de la société Guy Leblanc. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement, de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur la réception de l'ouvrage :
3. La société Guy Leblanc ainsi que, à titre principal, la communauté d'agglomération du pays de Dreux soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a estimé que l'ouvrage n'avait pas été réceptionné, même tacitement, et qu'il en déduit que seule la responsabilité contractuelle de la société Guy Leblanc était susceptible d'être engagée.
4. Il résulte de l'instruction que les travaux correspondant au lot n° 8 " chauffage-ventilation " n'ont pas fait l'objet d'une réception expresse par le maître d'ouvrage dans les conditions prévues par l'article 41 du cahier des clauses administratives générales du 21 janvier 1976, applicable au marché, quand bien même des opérations préalables à une telle réception auraient été menées le 17 juillet 2009 par le maître d'oeuvre, lequel aurait alors déterminé les réserves devant être levées.
5. S'il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération du pays de Dreux a pris possession des locaux rénovés et agrandis du " pôle enfance " en septembre 2009 et a utilisé l'installation de chauffage, la prise de possession effective d'un ouvrage ne suffit pas à caractériser une réception tacite de celui-ci, une telle réception étant, notamment subordonnée à la commune intention des parties d'y procéder. L'article 41-8 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, qui indique que " Toute prise de possession des ouvrages par le maître d'ouvrage doit être précédée de leur réception... " admet, en tout état de cause, que la prise de possession puisse précéder la réception en cas d'urgence. Or, en l'espèce, la rentrée scolaire de septembre 2009 rendait indispensable l'utilisation du bâtiment. Par ailleurs, le maître d'oeuvre a clairement indiqué à la société Guy Leblanc, dès le mois de juillet 2009, que ses demandes de paiement seraient rejetées, tant qu'elle ne procèderait pas à la reprise des malfaçons affectant l'installation de chauffage. Le 22 novembre 2010, la communauté d'agglomération du Pays de Dreux a aussi fait réaliser un constat d'huissier pour constater les désordres et a alors indiqué à l'huissier que ces désordres existaient depuis l'ouverture du pôle enfance, ce qui n'est pas contesté. Le solde du marché n'a jamais été versé par la communauté d'agglomération avant que le juge du contrat ne la condamne à procéder à ce paiement. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le maître d'ouvrage ne peut être regardé comme ayant entendu prononcer tacitement la réception des travaux du lot n° 8, quand bien même il soutient le contraire, à titre principal, devant le tribunal administratif et la cour. Par suite, en l'absence de réception, seule la responsabilité contractuelle de la société Guy Leblanc est susceptible d'être engagée.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Guy Leblanc :
6. Le rapport d'expertise souligne " un mauvais dimensionnement des conduits aérauliques, l'absence de registres de réglage pour la diffusion de l'air, le mauvais dimensionnement des centrales de traitement d'air par rapport aux besoins, le parcours tortueux des gaines aérauliques rendant l'installation impropre par des pertes de charges trop importantes et la génération de bruits aérauliques néfastes à la quiétude des petits, des gaines non reliées, mal équilibrées, l'absence de vannes de réglages sur les circuits hydrauliques de chauffage, l'absence de bouche de reprise dans certaines salles, des câbles non raccordés, et à des gaines non reliées et mal équilibrées ". L'expert évoque, également, des risques de départs de feu. Ces malfaçons ne sont pas sérieusement contestées et caractérisent des manquements aux règles de l'art, tant au stade de la conception des travaux qu'au stade de leur exécution. L'expert a estimé que les désordres étaient imputables pour 40 % à la conception de l'ouvrage, pour 40 % à l'exécution des travaux, et pour 20 % à la direction des travaux. Il a aussi proposé que, dans la mesure où seuls les 20 % liés à la direction des travaux étaient imputables au maître d'oeuvre, de mettre 80 % du coût de reprise à la charge de la société Guy Leblanc. Le tribunal administratif de Rouen a retenu que la part de responsabilité de celle-ci devait être fixée à 60 %. La société Leblanc demande que cette part soit réduite, alors que la communauté d'agglomération du pays de Dreux en demande, par son appel incident, le rehaussement à 80 %.
7. La conception technique du chauffage incombait à la société Guy Leblanc, compte tenu du point 0. 6.5 du cahier des clauses techniques particulières de son lot, qui stipule que " L'entrepreneur aura à sa charge tous les frais et honoraires d'ingénieurs ou autres techniciens qu'il aura dû s'adjoindre pour les diverses études et détails d'exécution. Avant le début des travaux, l'entreprise est tenue de présenter et de soumettre pour accord aux BET, bureaux de contrôle, maîtres d'ouvrage et d'oeuvre, les documents suivants : / - les plans d'ensemble d'installation et détails d'exécution / - les notes de calculs / - tous les documents nécessaires à la mise au point définitive de l'exécution. / Il est stipulé que le maître d'oeuvre n'aura qu'à constater que lesdits documents satisfont aux exigences de dimensions, fonctions esthétiques et remplacements définis par les plans de la construction, l'entrepreneur assumant seul la responsabilité de sa conception technique, calculs, section, composition et autres dispositions en résultant. (...) ". La société Guy Leblanc, qui a accepté le contenu de ce document contractuel, ne peut utilement soutenir que cette conception était complexe en raison du caractère ancien du bâtiment. Toutefois, en application du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, alors en vigueur, le maître d'oeuvre était en charge, notamment, des études d'avant-projet définitif, qui définissent les principes constructifs, les matériaux et les installations techniques en vertu de l'article 4 de ce décret, et des " études de projet ", qui ont pour objet, selon l'article 5 du même décret, de " déterminer l'implantation, et l'encombrement de tous les éléments de structure et de tous les équipements techniques " et de " préciser les tracés des alimentations et évacuations de tous les fluides ". Ainsi, le maître d'oeuvre devait à tout le moins déterminer certaines caractéristiques essentielles du système de chauffage. Par ailleurs, en application de l'article 8 de ce décret, les études et plans d'exécution réalisés par la société Guy Leblanc étaient soumis au visa du maître d'oeuvre préalablement à l'exécution des ouvrages. Par suite, cette société ne peut être regardée comme étant entièrement responsable des défauts de conception du système de chauffage-ventilation. Les erreurs d'exécution relèvent de sa seule responsabilité.
8. Si la société Guy Leblanc soutient que les désordres constatés sont liés, au moins partiellement, à un défaut d'entretien et à un mauvais usage des ouvrages par le maître de l'ouvrage, ce qui justifierait qu'une part de responsabilité soit laissée à la communauté d'agglomération du pays de Dreux, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'utilisation du système du chauffage, ait été rendue impossible en raison de l'absence de travaux de reprise par la société Guy Leblanc.
9. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le tribunal administratif de Rouen n'a pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en estimant que la part de responsabilité de la société Guy Leblanc devait être fixée à 60 %. Les parties ne sont dès lors pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné la société Guy Leblanc à verser à la communauté d'agglomération du Pays de Dreux une somme totale de 82 695,65 euros au titre des travaux de reprise du système de chauffage et de ventilation du pôle enfance, ainsi qu'une somme de 9 899, 43 euros au titre des frais d'expertise.
Sur le solde du marché :
10. Si la communauté d'agglomération du pays de Dreux soutient qu'elle a versé le solde du marché, soit la somme de 23 662,28 euros, elle ne conteste pas que ce règlement n'a eu lieu que postérieurement au prononcé du jugement, pour l'exécution de celui-ci. Par suite, et en tout état de cause, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser cette somme à la société Guy Leblanc. L'appel incident de la communauté d'agglomération ne peut donc, sur ce point, qu'être rejeté.
Sur les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ensemble des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions d'appel des parties sont rejetées.
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